mardi 4 juillet 2023

Pousser les portes du devoir (Un chemin étroit avec Gide) 12

 



Vierge voilée de Giovanni Strazza (XIXème sicèle)

(Photographie glanée ici : Livingstone)


« J’espère bien avoir connu toutes les passions et tous les vices, au moins les ai-je favorisés. Tout mon être s’est précipité vers toutes les croyances ; et j’étais si fou certains soirs que je croyais presque à mon âme, tant je la sentais près de s’échapper de mon corps. » André Gide, Les nourritures terrestres


J’ai longtemps vécu dans le bain de la vie.

Son courant m’emportait où il voulait.

Parfois son cours se faisait plus calme.

Puis le courant devenait plus violent et m’emportait vers des destinations inattendues.


Aurais-je été vertueux ?

Ou abonné aux passions et aux vices ?

Ce n’est qu’avec le recul de l’histoire qu’il serait possible d’en juger.

J’ai vécu comme j’ai pu.

Avouant mes faiblesses et puisant dans leur reconnaissance la capacité de survivre aux naufrages.


Parfois le fond n’était pas loin.

Et si peu de mains tendues que mon rapport aux humains en fut profondément modifié.

Je passais d’une bienveillance spontanée à une certaine méfiance.

Les pires n’étaient pas toujours où je croyais pouvoir les attendre.

J’ai plongé avec délice dans des croyances insensées (après coup il est toujours facile d’en juger).

Elles m’ont très souvent laissé inanimé sur la grève du vivre.

Je m’y réveillais toujours un peu hagard.

Puis, titubant me dirigeais vers d’autres ivresses.


L’amour parfois me tendait les bras.

Ils se refermaient rarement.

Alors la facilité me faisait plonger vers la dive bouteille.

Avec la pleine conscience de partir à la dérive.

Je me cramponnais alors au reliquat de la voilure.

Je cherchais quelque golfe de douce volupté où déposer mon corps épuisé.


C’est là que parfois mon âme s’en séparait.

Je regardais cet être inanimé sur le sable.

Une douce lumière blanche me berçait, m’invitait à la suivre plus loin.

Allez savoir pourquoi je décidais de retourner en ces terres de souffrance !


Planait alors sur mon esprit la profondeur des regrets.

Ils surnagent au dessus des flots tumultueux de mon âme si facilement emportée.

Qui étais-tu qui me tendait la main, tandis que je me noyais dans la lueur blanche d’une après-vie inexplicable ?


Ce que nous attendons de geste de fraternité, d’élan de tendresse est assis dans la salle d’attente de la vie.

Je suis comme les autres, ni meilleur ni pire.

Je vogue depuis toujours sur mon esquif fragile.

Mes rames parfois sont inefficaces contre les courants contraires.

Alors je m’endors sur le banc de nage.

Mon âme ouvre ses ailes et s’envole à la recherche de ses soeurs.


Je ne la retiens pas.

Au moins elle saura se blottir en quelque havre de paix.

Tandis qu’ici vivre est une lutte permanente contre l’adversité.


Saurais-tu lui ouvrir ton coeur, toi qui te mure dans un silence pesant ?

Saurais-tu lui apporter le réconfort nécessaire à son sourire retrouvé ?



Xavier Lainé

12 juin 2023


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