mardi 31 mai 2022

… Rêve ce qu’il te plaît 20

 




L’homme n’a pu cueillir la connaissance qu’en cueillant aussi la parole, laquelle forcément devait être l’écorce du fruit défendu.

Bernard Noël, Le tu et le silence, éditions Fata Morgana, 1998


C’est sans doute la plus grande désillusion.

On y croyait, en un siècle où la connaissance partagée ferait de l’Homme un humain.

On y a cru.

On ne pouvait imaginer, raisonnablement, que le rouleau compresseur de la bêtise, manoeuvré par gens de pouvoirs et de presque tous bords, finirait par éloigner l’horizon des humanités.

C’était la faille.

Notre faille que les dogmatiques libéraux se devaient d’agrandir.

Répandre la bêtise en lieu et place de toute pensée, de tout cheminement de réflexion.

On ne réfléchit plus : on vend de la réflexion toute faite, un prêt à penser qui évite de se fatiguer les méninges.

On appauvrit et dépossède l’humain de ses propres capacités culturelles en lui faisant prendre les vessies médiatiques pour des lumières.

Les Lumières, elles, se retournent dans leurs tombes.

Toute pensée est désormais envisagée comme une dangereuse dérive.

Il est vrai qu’à lire et lire encore, on finit par ouvrir les yeux sur un monde guidé de mains de maîtres-ès-profits vers sa propre apocalypse.

Tous le symptômes réunis, comme il n’y a pas si longtemps, on interdit aux penseurs de poser leur diagnostic et surtout de suggérer le traitement de cette ignorance devenue la monnaie d’un temps de perdition.

Et c’est tellement plus commode, le prêt à porter de la pensée !

Ça évite les méandres d’un cheminement qui introduit sans cesse du doute où il faut avoir raison, aux yeux des thuriféraires du libéralisme totalitaire.

Il faut avoir raison, contre vents et marées, raison.

Réfléchir, c’est découvrir que parfois, raison n’en n’est pas une.


Xavier Lainé


20 mai 2022


lundi 30 mai 2022

… Rêve ce qu’il te plaît 19

 




L’Etat est presque ruiné, mais les rentiers ne sont pas à plaindre. Ce sont les salariés qui triment pour rien, les artisans, les petits commerçants, les manoeuvres. Enfin, il y a les chômeurs, tout un peuple inutile, affamé.

Eric Vuillard, 14 juillet, éditions Actes Sud, 2016


Effondrement.

Ce n’est pas qu’un symptôme passager, l’effondrement.

C’est un peu comme un chateau de carte.

Un élément tombe.

Tout le reste suit.

Mais ça met du temps.


Effondrement.

C’est semé sans que nul ne s’en rende compte.

Insidieusement, dans le soubassement d’un monde.

On commence par être aveuglés.

On ne te montre que le bon côté des richesses accumulées.

La vie en yacht et le luxe comme un rêve.

L’arbre du profit qui cache mal la forêt de l’exploitation.


Effondrement.

Lorsque les fondations sont perverties.

La maison un jour s’écroule.

C’est d’abord imperceptible.

Quelques tremblements par-ci.

Quelques fissures par là.

Des murs qui se gondolent.

Un sol qui penche.

Des carreaux qui se disjoignent.

Nul n’y prête vraiment attention.

La ruine s’approche à pas de velours.


Xavier Lainé


19 mai 2022


dimanche 29 mai 2022

… Rêve ce qu’il te plaît 18

 




Les révolutionnaires furent de très jeunes gens, des commissaires de vingt ans, des généraux de vingt-cinq ans. On n’a jamais revu ça depuis.

Eric Vuillard, 14 juillet, éditions Actes Sud, 2016


On n’a jamais revu ça depuis.

Oui.


Parce que la classe triomphante après 1789, fut celle qui sut tirer profit de la Révolution et façonner un roman national à sa propre gloire.

Avec pour seul idéal celui de s’enrichir toujours plus en invitant les anciens serfs devenus salariés, à plier sous le poids de leur servitude volontaire.


Ce sont ces usurpateurs qui ont noyé dans le sang toutes les espérances qui parfois s’enflammaient en feu révolutionnaire de brève apparition.

Ce sont eux qui tirent les ficelles de l’anthropocène, qui en sont les artisans et les concepteurs sans jamais demander l’avis de personne sinon de leur banquier.

Eux qui ont provoqué toutes les guerres, toutes les tueries, tous les camps et autres génocides d’un XXème siècle où leur industrie triomphait.

Tragédies après tragédies, soumission après dépossession, les peuples n’ont rien pu faire pour échapper à cette engeance criminelle.

Riche, mais criminelle.

Appelons un chat un chat.


Il ne fait pas bon y voir clair sous leur régime pseudo-démocratique.

Il ne fait pas bon écrire ce que tout le monde voit mais fait semblant d’ignorer, trouvant encore douceur de vivre alors que misère s’étale sur les trottoirs de nos déchéances.

Car avant l’effondrement, il y a la déchéance, et avant la déchéance la dépossession.

Pour le plus grand malheur de la terre et de l’humanité.


Xavier Lainé


18 mai 2022 (2)


samedi 28 mai 2022

… Rêve ce qu’il te plaît 17

 




Le profit est une mélancolie sans mesure, toute la déception du monde se traduit en puissance de vendre et d’acheter.

Eric Vuillard, 14 juillet, éditions Actes Sud, 2016


C’est un peu comme si mai avait dérivé vers juillet.

Au sec de la terre s’ajoute la chaleur du ciel.

Seuls les profits s’en tirent à bon compte.

Nous, moins…


Que faire de tous ces signes d’effondrement en cours ?

Comme personne ne sait vraiment faute de volonté collective, pour beaucoup, c’est faire comme si de rien n’était.

On vaque à ses occupations, si possible au plus vite et sans passion.

On trouve que c’est bon, d’avoir chaud en mai.

On va à la terrasse des cafés boire un rafraichissement.

Sauf que, à cette lyophilisation en cours, sous peu, que nous faudra-t-il boire encore ?

Nous ateler à vider consciencieusement nos caves des dernières dives bouteilles ?

Puis fin saoul laisser les profiteurs réduire la planète à feu et à sang ?


Jusqu’où aller dans le déni ?

Jusqu’où nous soumettre en refusant l’esprit de mai ?

L’esprit de révolte et d’insoumission totale ?

L’esprit de désobéissance nécessaire lorsque nos processus vitaux sont en jeux ?


Le mur s’approche, il n’est plus temps de dormir.

Tous les symptômes sont réunis qui trahissent l’effondrement général en cours.

Notre sort n’est pas entre d’autres mains que les nôtres.


Xavier Lainé


18 mai 2022 (1)


vendredi 27 mai 2022

… Rêve ce qu’il te plaît 16

 




Comment faire de Terre un soubassement crédible, si cette terre est déjà appropriée, reterritorialisée, par ceux qui sont en train de se la partager en autant de nations juxtaposées sans autre idéal commun que la guerre de tous contre tous ?

Bruno Latour, Où suis-je ? Éditions Les empêcheurs de penser en rond, 2021


C’est un rêve de mai mais pas que…

Une terre comme lieu du commun, partagé entre tous les vivants sans esprit de domination.


C’est un rêve de mai, mais pas que…

Une façon de vivre qui apprenne à respecter notre berceau.

Une façon de partager notre destinée en accord avec la terre.


C’est un rêve de mai mais pas que…

Un qui pourrait durer et ricocher de mois en mois

Un qui serait porteur d’espoir en des signaux de mains tendues.


C’est un rêve de mai mais pas que…

Une volonté farouche jaillie des rivières du printemps.

De s’affranchir de la règle commune qui oppose chacun avec tous.

Tous avec chacun en vaines querelles intestines.


C’est un rêve de mai mais pas que…

Un rêve d’arc-en-ciel qui nous prendrait dans le filet de ses couleurs.

Un lent bercement tendre pour sortir de l’ornière des conflits.


C’est un rêve de mai.

Mais pas que…

Une nouvelle façon de vivre qui suit les chemins radieux.

Ceux qu’on prend le coeur léger lorsque l’amour nous attend au sommet.

Ceux dont les feuillages légers nous font avancer hors des sentiers battus.


Xavier Lainé


16 mai 2022


jeudi 26 mai 2022

… Rêve ce qu’il te plaît 15

 




J’ai suivi le fil qui noue mai aux autres

Qui noue mai à d’autres mai.

Qui noue les uns aux autres

Les humains de bonne volonté

Ceux qui vont avec cette soif

De vivre autrement 

Qu’en pertes et profits


J’ai dénoué les liens 

Qui te font esclave

Ma soeur

Celle qui font de moi

Homme parmi les humains

Ce véhicule de toute possession

Fermé les portes au nez

De ces instincts qui nous taraudent

À défaut de savoir ce qu’est l’amour

Celui qui fleurit au printemps

Celui qui nous emporte au-delà de nous-mêmes

En infinies compréhension


J’ai fleuri la tombe

De la militante inconnue

Tombée au champ d’horreur d’une guerre

Qu’un genre fait subir à l’autre

Puis l’étend à tout ce qui n’est pas

Conforme à ses idées dominantes

J’ai semé les graines de révolte

En mon coeur qui bât si souvent

À tort et à travers

Sur les chemins du désespoir


Xavier Lainé


15 mai 2022


mercredi 25 mai 2022

… Rêve ce qu’il te plaît 14

 




J’écoute vos mots, anciens combattants de mai.

Moi qui était trop jeune, je devais me contenter d’aller quémander nourriture pour soutenir les grévistes.

Je louvoyais entre les ruines de barricades et les véhicules incendiés, avec mon vélo solex.

Je contemplais le regard atterré de famille inquiète pour ses rentes.

Au fond de moi quelque chose parlait qui disait le vrai derrière cette explosion.


J’écoute vos mots, anciens combattants de mai.

Je n’ai pu que vous emboiter le pas et constater avec effroi le lent repli des idées généreuses sous la couverture des conformités.

Peu à peu vous passiez du « col Mao au Rotary Club ».

Certains d’entre vous finissaient même ministres, défendant le recul des idées balancées la veille à grand coup de slogans ravageurs.

Vous disiez qu’il était « interdit d’interdire ».

J’emboitais vos pas mais vous étiez déjà passés à l’opposé de vos messages.

Certains ne viraient pas casaque, mais se trouvaient soumis à vos quolibets relayés en médias que vous teniez de main de fer.


Regardez comme les raisons de nos luttes d’hier sont désormais taxées d’utopiques.

Le monde s’est bien vite refermé derrière la vague des contestations.

Il aurait fallu un tsunami perpétuel pour voir triompher le « chant des riens ».

D’attentats en crimes de guerre, nous n’avons cessé de clamer « plus jamais ça », dans l’illusion que ce monde pourrait enfanter d’autre chose que de monstres.

Aujourd’hui encore il en est qui attendent d’un sauveur suprême un autre monde.

Ils ne voient pas que celui-ci n’est possible qu’avec leur mise à l’oeuvre.


Xavier Lainé


14 mai 2022 (2)


mardi 24 mai 2022

… Rêve ce qu’il te plaît 13

 




Si, en mai, j’établis la liste de mes rêves, ils se doivent d’être à portée du quotidien.

… Et tenir compte d’un passé douloureux pour notre humanité.


Deux siècles que les dominants nous imposent leurs lois d’airain.

Deux siècles que par peuples interposés, les versaillais de tous pays font régner leur loi du talion.


Oeil pour oeil, dent pour dent, telle est la loi des rapports de domination.

Oeil pour oeil, dent pour dent, mais par soldats interposés.

Oeil pour oeil, dent pour dent, en opposant des peuples pour le plus grand profit des oligarchies.

Nous en sommes toujours là, faute d’envoyer les tueurs de l’ombre aux geôles d’où ils ne devraient plus jamais sortir.

Un crime commandité serait-il moins grave pour le commanditaire que pour le bras armé qui en accomplit les basses oeuvres ?


De mai en mai nos rêves sont intacts.

Quelque soit le poids du couvercle, en dessous ça fuse, ça diffuse, ça infuse.

Parfois ça explose en splendides fleurs de mai.

Elles ouvrent leurs coroles aux couleurs d’arc-en-ciel.

Elles se penchent vers la terre, y déposent un baiser de sang et d’amour.


Mai n’a pas seulement couleur des pavés arrachés à leur destin piétiné.

Mai accompagne les tendres éclosions, les jeunes pousses qui ne demandent qu’à respirer à l’air libre.

Libre d’aller et venir où bon leur semble, sans courber l’échine devant les abus de pouvoir.

Mai, je ne résiste pas au plaisir de m’y blottir, à l’ombre du grand chêne, rêveur.


Xavier Lainé


14 mai 2022 (1)


lundi 23 mai 2022

… Rêve ce qu’il te plaît 12

 




De bon matin établir la liste de mes rêves.

Trouver leur ordre croissant ou décroissant.

Les mettre en résonance avec les conditions de vies croisées chaque jour.

Diriger les plaintes vers quelques solutions rêvées.

Pour ne pas laisser quiconque sombrer.


J’en entend tellement, de ces plaintes qui font état de vie réduite à un cauchemar !


Cauchemar qui ne vient pas de nulle part.

De désillusions en tromperies avérées, on ne cesse de choir.

On ne cesse de tomber puis retomber sans rien à quoi se raccrocher.

Raison d’être de certaines nostalgies d’un monde en noir et blanc, partagé entre les bons et les mauvais, une dichotomie suicidaire lorsqu’un côté s’effondre.

Inutile de dire ce qui était bon, ni ce qui était mauvais.

C’est la dichotomie elle-même qui l’était.

Toujours cette question du fond et de la forme.

Question lancinante qui nous laisse dépités au bord des chemins que nous pensions tout tracés.

Un dirigeant adulé le montre et tous suivent en chantant.

Et au bout l’impasse ou le précipice.


Toujours cette question de croyance en des forces qui nous seraient extérieures.

Tout ce qui arrive serait toujours la faute des autres, ou du système.

Ne jamais se poser la question de mes actes.

Comment mon mode de vie permet au système et donc à ceux qui en détiennent clés et rouages de se maintenir.

Croyances qui nous aveuglent : votez donc pour un ou une et vos problèmes seront réglés.


Xavier Lainé


12 mai 2022


dimanche 22 mai 2022

… Rêve ce qu’il te plaît 11

 




« La question n’est pas de savoir si le « monde de demain » va remplacer le « monde d’avant », mais si le monde de la surface ne pourrait pas laisser enfin sa place à celui de l’ordinaire profondeur. » Bruno Latour, Où suis-je ? Éditions Les empêcheurs de penser en rond, 2021


C’était un jour de nouvelle prise de la Bastille.

Du moins on y croyait.

Et déjà le lendemain ressemblait étrangement à la veille.

Une porte s’entrebâillait et nous avions cru pouvoir entrer.

C’était sans compter sur les forces économiques et financières qui poussaient et tenaient à refermer les issues sur notre maigre volonté.

Ils ont eu peur, juste un instant et se sont mis à inverser le cours des choses sous l’oeil bienveillant d’un « Tonton » bien décidé à louvoyer.

Nous étions devant la façade ripolinée en rose d’un système totalitaire puis 1958.

Mais nous ne savions pas très bien en quoi il l’était.

Nous avions juste entrevu où menait la stratégie du choc en accueillant à bras ouverts les réfugiés et torturés du Chili.

Mais on nous faisait croire que ce pays était loin et que le nôtre bénéficiait d’une « vraie » démocratie.

Confusion entre démocratie (pouvoir du peuple) et délégation des pouvoirs alliée à la dépossession de tous moyens de diriger nos vies.



Or, bien sur, ce à quoi tu es invité, c’est à demeurer à la surface.

Comme si changer de président ou de ministres pouvait réellement améliorer ton ordinaire.

Mais si tu ne prends jamais de douche et que tu te contentes de changer de chemise, même avec les plus élaborés parfums, viendra un moment où la crasse accumulée transpirera de ta chemise bien repassée.

Il en est ainsi du fond et de la forme.


Xavier Lainé


11 mai 2022


… Rêve ce qu’il te plaît 10

 







« Quand quelqu’un vient me demander conseil sur un des points les plus importants de sa vie, par exemple sur la possession de richesses ou le soin à donner au corps ou à l’âme ; si sa vie de tous les jours me semble avoir pris une certaine tournure ou s’il paraît être d’accord pour obéir à mes conseils sur ce pourquoi il me consulte, je mets tout mon zèle à le conseiller et je ne m’arrête qu’après m’être religieusement acquitté de ma tâche. Mais si quelqu’un s’abstient de me demander conseil, ou s’il est clair qu’en aucune façon il ne suivra mes conseils, je ne vais pas, sans y avoir été convié, aller trouver un tel homme pour lui donner des conseils et le contraindre, fût-il mon propre fils. » Platon, Lettre VII


Toujours en demeurer à la ligne de fond.

Ne rien lâcher de l’hameçon avant d’avoir ferré le poisson.

Ce n’est pas question de forme mais de profondeur.

Bien sûr on peut surfer sur la vague.

On peut disparaître puis réapparaître à la prochaine.

Puis se lamenter d’avoir perdu.

Dans quoi tenait l’échec ?

Sinon dans l’incapacité à cultiver l’hégémonie.

Cultiver l’art de vivre avec sans rien attendre.

Je souligne pour ne pas perdre le fil.

S’il s’agit juste d’élire sans rêver au printemps, alors il faut le dire.

Mais s’ił s’agit de cultiver les graines et d’amoureusement créer les conditions de leur germination, c’est autre chose.

Alors, en mai, on pourrait rêver à ce qu’il nous plaît et découvrir un monde favorable non à nos victoires d’obsédés des urnes, mais à celles, bien plus subtiles, qui nous font grandir en intelligence collective.

Il est là, le mois de mai.

Il se confirme de jour en jour que sans prolongement des rêves et des partages solidaires de mois en mois, il serait vidé de sa substance symbolique.

Nos barricades seront vaines si nous ne cultivons pas la semaison de nos utopies.


Xavier Lainé


10 mai 2022


vendredi 20 mai 2022

… Rêve ce qu’il te plaît 9

 






J’ai la mémoire d’Oradour.

J’ai aussi celle de tous ceux qui dans l’histoire ont souffert dans leur chair d’avoir trop rêvé d’un monde meilleur.

Parfois ils en furent les artisans.

Mais trop vite hiérarchies et dominations reprirent le dessus.

Et ils furent immolés, ont du répondre devant des juges de leur bonne foi.

En des procès inéquitables on leur demandait de faire amende honorable, de dénoncer ce qu’ils n’avaient pas fait.

C’est dur de prouver sa bonne foi, c’est pourquoi, selon des principes de droit de plus en plus oubliés, il existe, en pays qui se disent démocratiques, une présomption d’innocence.


Je ne peux détacher ma mémoire de ceux qui ont lutté et payé dans leur corps leur engagement, et des autres.

Ceux qui fuient éperdument.

Ceux qui quittent tout sous les bombes.

Ceux qui fuient la pandémie de misère, bien plus toxique que l’officielle.

Ceux qui trop se soumettent au point de se pendre ou sauter dans le vide.

Ceux-là qui n’ont pas eu la bonne fortune d’avoir l’idée de lutter.

Ils sont morts quand même, si nombreux.

Ils sont morts dans le silence.

Il n’y aura aucun 8 mai pour honorer leur mémoire.

Car le révisionnisme, celui qui nie l’existence même de cette répression aveugle est devenu banal.

Bien sûr, il restera toujours la possibilité de fixer notre attention sur d’hypothétiques jours heureux.

On pourra même se mettre à oeuvrer à leur mise en acte, si possible entre amis.

Dans l’oubli de ceux qui sont restés sur le bord du chemin, toujours le goût en sera amer.


Xavier Lainé


9 mai 2022


jeudi 19 mai 2022

Bouquet d'humanité

 





Bouquet du matin

Posé discrètement

Derrière portail de la nuit


Bouquet du matin

Geste humain

Si humain

Dans un temps qui ne sait plus


Bouquet du matin

Juste avant l’embrasement

Juste après déposé

Sur la table de l’espoir


Xavier Lainé


19 mai 2022


… Rêve ce qu’il te plaît 8

 






Que reste-t-il de ces huit mai où nous clamions « plus jamais ça » ?

Qu’en reste-t-il à l’heure où la bête immonde ne cesse d’avancer son mufle hideux un peu partout en Europe ?

En Europe sensée exister justement pour éviter le pire déjà vécu.


Pauvres de nous qui ne cueillons plus l’églantine, lui préférant le muguet imposé sous sinistre dictature.

Pauvres de nous qui oublions le rouge des coquelicots pour nous ranger sous le bleu d’ancien régime.

Nous vivons dans ce temps de sinistre mémoire où son absence nous livre aux mains des pires.


Pitoyable temps d’ignorance érigée en mode de vie.

On ne sait pas mais on affirme.

On se montre au risque de la bêtise.

On se croit célèbre et beau dans les seuls attraits du vêtement ou de la coiffure.

On ne s’allonge plus dans le pré de nos amours.

On en décline les funestes attraits en des réseaux qui se prétendent sociaux sans en avoir la moindre qualité.

La preuve ?

Tentez donc de ne plus rien « poster » : loin des yeux loin du coeur, tu disparaît sans que nul ne s’en inquiète plus que ça.

Parfois tu découvres un vague avis de décès et la mémoire s’enfonce dans le puits de l’oubli.

De quoi pourrions-nous encore être les héritiers à l’heure où tout n’est que rond à la surface de l’eau plate du monde.

Tandis qu’en dessous, ça gronde, ça couve, ça menace d’exploser.

J’écrivais « fais ce qu’il te plaît », je me dois de corriger et inscrire « rêve ce qu’il te plaît », puisqu’agir est devenu un leurre.


Xavier Lainé


8 mai 2022


mercredi 18 mai 2022

Contemplation

 





Chaque jour j’attendais

Mes yeux guettaient

La frêle éclosion

L’instant sublime

De corolles écloses

Où blottir mes rêves

Loin du tumulte 


Xavier Lainé


19 mai 2022