vendredi 30 avril 2021

Rouge misère 33 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Il a un nom qu’il ne faut pas dire, sinon sous le manteau.

Un imprononçable car le dire c’est déjà lui retirer son masque.

C’est sacrilège de retirer le masque de celui dont il ne faut pas dire le nom.

Dont il ne faut pas dénoncer les exactions.

Dont il faudrait attendre qu’il s’adapte à toutes les conséquences de ses propres crimes.

Alors tu attends comme tout le monde.

C’est un jour sombre où des gens meurent.

Pas si nombreux que ça, ceux qui meurent.

Mais ils meurent faute de soin.

Essentiellement faute de soin.

Hier on te mitraillait sur une barricade.

Désormais on te laisse crever, de faim ici, de noyade là, de froid ailleurs.

Plus besoin de mitraille, il suffit de supprimer des lits d’hôpitaux, de ne plus payer les soignants sinon avec lance-pierre.

Ha ! Si seulement ils pouvaient rétablir l’esclavage mais à moindre frais !

C’est à dire que tu sois salarié, corvéable à merci dans ton chez toi, devant ton écran, disponible à toutes heures, mais sans salaire.

Car c’est encore trop de payer des gens, et puis pour le bien-être de la planète, ce serait bien de l’alléger de quelques millions de personnes.

Les pauvres, on le sait se reproduisent plus que les riches, alors multiplions les pauvres : ils feront la chair à canon de leur productivité.

Concentrés comme poulets en batterie dans des logements de promiscuité, ils seront faciles à contaminer.

Il resteront devant leur écran plat, dans leur vie plate, pensées à l’unisson.

Que tu puisses espérer une amende honorable de leur part, c’est te mettre le doigt dans l’oeil avec interdiction d’exprimer ta douleur.

Sans renversement du capital et de sa domination, il n’est aucune commémoration possible.

Réveille-toi, c’est l’heure !


Xavier Lainé


31 mars 2021 (4)


jeudi 29 avril 2021

Rouge misère 32 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Tu ne sais pas comment mais eux ils savent, mieux que toi.

Alors, docile, tu vas te calmer avec un paquet de chips indestructible devant ton écran plat, avec ton cerveau rendu de même pour écouter Jupiter te dire ses décisions.

Quel bel homme, si jeune, qui sait te protéger du pire.

Le pire est derrière le masque mais tu rêveras quand même de baiser avec, ou de te faire baiser, mais c’est une autre histoire.

La journée n’est pas finie.

L’aube pointe son triste nez.

Tu occupes l’espace de piles de livres lus et non lus.

Tu navigues des uns aux autres sans trop savoir que faire de tes connaissances.

Tu te tais pour ne pas avoir l’air de créer des « polémiques ».

Tu te tais car, une fois le monde rendu aussi plat que l’écran sur lequel tu écris, tu ne vois pas vraiment de quels mots allumer la mèche.

Tu sais, seulement qu’il faudrait bien qu’enfin ça explose, non pour accomplir une « révolution », mais pour vraiment passer à autre chose.

Tandis qu’une multitude masquée rêve de se faire baiser par Jupiter, tu t’imagines déboulonnant la statue pour la jeter à l’océan.

Tandis qu’ici et là, de piètres esprits « commémorent » la commune, mais juste elle, hein, faut pas abuser avec 93, 30, 48, et puis 47 et puis 68, et puis…

Et puis plus rien, juste des gilets soulevant un instant le couvercle, laissant échapper un maigre filet d’espoir, juste avant que ne se répande le virus de la soumission absolue devant l’ennemi invisible par déni.

Il a un nom, le virus qui se répand depuis des siècles, et que des communards audacieux ont tenté de renverser, avant de tomber sous les balles versaillaises.

Il a un nom et des pilotes, des capitaines d’industrie et de finance, des présidents et des ministres et domine le monde en le menant à sa destruction sans état d’âme.


Xavier Lainé


31 mars 2021 (3)


mercredi 28 avril 2021

Rouge misère 31 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Regardez, regardez bien avec quelle application ils tuent dans nos propres esprits toute référence à un passé qui leur arrachait des miettes.

Qui leur arrachait des miettes faute de savoir comment mettre bas les statues du commandeur.

Faute de trouver les façons d’inventer un autre temps, une autre vie, un autre rapport entre humains et terre qui s’affranchisse de leur esprit de domination.

Les doigts en pointe et la règle qui tape.

Pédagogie de la domination : tu dois te soumettre et dans ta soumission soumettre les autres et ainsi de suite jusqu’à extermination génocidaire de l’esprit même d’humanité.

Au final, on te terrorise avec un virus.

Et là, tu te rappelles : les amérindiens disparus miraculeusement par variole interposée ! 

Mais oui, mais c’est bien sur, plutôt que d’abattre le commandeur du crime, on te culpabilise.

On te tape sur les doigts et si tu persistes à proclamer qu’il faut en finir avec le système qui par esprit de domination met la planète à feu et à sang depuis les nouveaux Versailles que sont les « paradis fiscaux », on te crève un oeil, on t’arrache une main, on te fais rentrer, au 31 du mois, dans le grand cycle de la misère pandémique.

Merveille du système qui te fait croire en sa capacité à muter (ha ! La mutation, qu’ils disent !).

Et il mute, le bougre ! Et dans sa mutation il s’en fout de déchainer les tempêtes : il spécule sur leur survenue.

Il tire le beurre et l’argent du beurre, mais pour le reste, il te saigne à blanc.

Tu rentres chez toi, au 31 du mois.

Tu ne sais pas comment tu vivras demain.

Tu ne sais plus comment vivre aujourd’hui.


Xavier Lainé


31 mars 2021 (2)


mardi 27 avril 2021

Rouge misère 30 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Au 31 du mois, je rentre chez moi.

J’ai fait trois petits tours avec mon drapeau et puis je suis revenu.

Je suis revenu à mon point de départ.

C’est ce qu’en physique on nomme une « révolution ».

Trois petits tours et puis s’en vont.

Et puis s’en vont les forces vives dans un bain de sang si elles persistent.

Les doigts pointés en l’air et la règle qui tape.

Ce fut, un temps, une forme de pédagogie.

De la soumission, certes, mais une pédagogie.

On ne tape plus sur les doigts, on dirige et on contrôle.

La situation est sous contrôle disent les flics.

Nous contrôlons la situation affirme Thiers depuis Versaille.

Le sang coule sur les berges de la seine où s’évanouissent nos amours.

Le sang coule dans les déserts où l’empreinte de mon enfance s’efface.

Le sang coule devant vos yeux, sur vos écrans plats.

Plats comme nos cerveaux une fois retiré le peu d’humanité que nous avions acquise.

Car c’est une conquête que de vivre en humain, cette chose résolument indéfinissable.

Parfois, il en faut de l’humanité et elle se trouve rarement dans les couloirs du pouvoir.

De ce côté là, sans un regard de compassion, on tape sur les doigts récalcitrants, on sidère les esprits encore éveillés, ou, si trop d’insistance à contester, on décide, de la galerie des glaces, royalement, divinement et avec la bénédiction du goupillon, de tirer dans le tas.

Les foudres de Jupiter (ou de Zeus, mais évoquer la Grèce est mal venu quand celle-ci est mise à genoux).

Regardez, regardez bien à quoi s’attaquent nos capitalistes qui n’aiment pas qu’on les nomme : Irak, berceau de l’écriture, Grèce, berceau de la philosophie et de l’art occidental.


Xavier Lainé


31 mars 2021 (1)


lundi 26 avril 2021

Rouge misère 29 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




J’ai rompu les digues de la parole.

J’ai envoyé les mots comme pavé à la gueule du siècle.

Quitte à n’y trouver place, autant assumer jusqu’au bout l’errance.


J’ai tenté de garder les idées claires.

Le système qui tout corrompt a un nom.

Le système qui détruit tout a un nom.

Les hommes qui fomentant ce système ont des noms.


Ne venez pas me culpabiliser.

Ne venez pas me dire qu’il me faut assumer ce que d’autres ont mis tant d’acharnement à détruire.

Ils auraient voulu mettre un terme à la mémoire.

S’ils avaient pu comme autrefois brûler les livres ils l’auraient fait.

S’ils avaient pu mettre quiconque s’oppose à leur folie criminelle dans quelques camps ou goulags, ils l’auraient fait.

Ils prétendent détenir l’immuable vérité.


Ils nous imposent leur système comme quelque chose de naturel.

Ce n’est qu’un artifice, un masque derrière lequels ils cachent les armes de la destruction massive.

Au nom de leurs empires, combien de massacres et de génocides ?

Au nom de leurs comptes en banque, combien de morts de faim, de froid, de désespoir.

Combien de virus faudra-t-il pour qu’enfin nous reprenions le flambeau des révoltes ?


Combien de morts avant que nous mettions bas le système qui porte en lui la destruction et la mort « comme les nuées portent l’orage » ?

Il est temps d’ouvrir les yeux et de renverser l’ordre établi.


Xavier Lainé


30 mars 2021


dimanche 25 avril 2021

Rouge misère 28 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Les pires barricades sont celles qui se forgent en moi-même.

Celles qui ne sont pas de mon fait, mais qui me sont imposées.

Imposées par l’usage, l’habitude de vivre en système verrouillé.

Alors, je n’imagine même pas la possibilité d’une autre liberté.


La pire prison est celle d’une vie dans la conformité dominante.

Ses barreaux te tiennent sans même la présence du moindre geôlier.

Te voilà enfermé au cercle infernal qui tourne autour de toi-même.

Pas d’issue à entrevoir dans cette prison glacée qui te place seul.

Seul responsable de cet échec de toutes tes tentatives de rébellion.


Après le sang versé, il fallait individualiser les trajectoires, 

Morceler les foules, en disjoindre les mouvements.

Après le sang versé, la terreur dans les têtes semée,

Il était urgent d’isoler quiconque pourrait contester.


Ainsi vont nos échecs qui se brisent sur le mur capitaliste.

Ainsi vont nos douleurs une fois le rêve assassiné sur les barricades.

Que les drapeaux soient rouges ou noir ils ne supportent aucun compromis.

Mais peut-être l’heure serait venue, système engagé dans une course contre le montre où la mort se profile, sans distinction.

Que tornades passent, ceux qui trépassent ne sont d’aucun camp.

Ils vont pleurant sur leur sort, désormais prisonniers d’une prison intérieure.

Mais peut-être l’heure à sonné lorsque le crime devient visible.

Nul ne peut plus dire qu’il ne voit pas, à moins de sombrer dans un déni suicidaire.

Nul ne peut plus, mais la forme de la révolte devra prendre des chemins inconnus, inédits.


Xavier Lainé


29 mars 2021


Rouge misère 27 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




« Abolissez la mendicité, qui déshonore un Etat libre ; les propriétés des patriotes sont sacrées, mais les biens des conspirateurs sont là pour tous les malheureux. Les malheureux sont les puissances de la terre ; ils ont le droit de parler en maîtres aux gouvernements qui les négligent. » Saint-Just, cité par Eric Hazan, Une histoire de la révolution française.


Tant de temps passé, tant de sang versé.

Nous en sommes encore là.

Toujours plus de mendiants et une minorité qui parade dans l’opulence.

Mais on prétend « commémorer » !

Il n’est pas de commémoration possible en pays qui s’enfonce dans une pandémie de misère.

Un pays saigné à blanc par les vampires de la finance.

Ce pays là, qui accepte ce joug, ne peut que borner son avenir à aller, de confinement, en confinement, jusqu’à son agonie.

On prétend « commémorer » !

Les pauvres cons de morts pour la « sociale » s’en retournent dans leur fosse commune.

Il ne leur est rien resté que ce trou dans la terre qui porte ce joli nom : « commune ».

Ils rongeront jusqu’à leurs os si nous les laissons faire.

Ils usurperont la mémoire et se prétendront les héritiers d’un monde commun qu’ils tuent à grandes spéculations.

Qu’aurions-nous encore à dire si ce territoire du commun qui est notre, nous le laissons en jachère ?

Pas foutus de défendre ce que des générations ont conquis de leur sang !

Regardez l’érosion de nos maigres victoires !

Regardez !

Demain ils nous contraindrons à poser de nos mains chaines à nos pieds meurtris.


Xavier Lainé


28 mars 2021


vendredi 23 avril 2021

Rouge misère 26 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Il me faut cultiver cet esprit qui marche de côté, qui ne va pas tout droit, qui ne sait pas suivre le courant mais va toujours contre.

Il me faut poursuivre cette route sinueuse du doute, qui ne se satisfait d’aucune idée  sans la questionner.

Il me faut avancer, dans cette lumière discrète qui ne met personne au premier plan, surtout pas mon petit ego sans envergure.


Il est temps, temps de plonger en monde qui ne comprend rien des luttes et qui les étouffe.

Pauvres fragments de vies sacrifiés sous des tonnes de mépris.

À chaque bouffée d’espérance, les puissants offrent une salve de sang.

Ils te rêvent couché, vautré dans cette fange qui corrompt tout de ta vie.


Il est temps.


Il était temps.

Le sera-t-il encore ?


Combien pour occuper les rues et clamer notre désir de vivre ?

Combien pour tenir les banderoles d’un temps d’urgence absolue ?


Ha ! Que n’avons-nous entendu le cri des révoltés !

Que n’avons-nous compris que le monde des nantis ne lâche rien.

Qu’il prend tout si, bec et ongle, on ne lui arrache nos vies.

Qu’il est toujours temps tant que souffle de vie nous anime.


Une clarté blafarde se lève.

Un printemps estival dont, en toute ignorance, nombres apprécient la chaleur.

Nous n’avons jamais été autant dé-naturés.


Xavier Lainé


27-28 mars 2021


jeudi 22 avril 2021

Rouge misère 25 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Pour maintenir le couvercle, il faut, aujourd’hui comme hier, maintenir les citoyens dans l’ignorance.

Ignorance de leur histoire, celle qui s’écrit entre les lignes de l’Histoire enseignée.

Celle qui fabrique le sentiment d’impuissance et d’abattement.

Celle qui permet de maintenir, dans le chaos entretenu, cette sidération qui paralyse.


Les dominants ont toujours voulu paralyser leurs proies.

Je disais : il fut un temps d’esclavage, et vous me regardiez méfiants.

Que va-t-il encore nous sortir ?

Il fut donc ce temps.

Puis vint celui où même l’escave fut considéré comme trop onéreux.

Alors on eut recours au salariat : tu travailles, tu reçois ta paye de misère et débrouille toi pour vivre avec.

Sauf qu’elle ne fut calculée que pour reproduire à peine ta force de travail.

À peine le temps de dormir et de te nourrir qu’il fallait déjà, avec femmes et enfants t’attacher à la chaîne.

Les mots ont tout leur sens : t’attacher à la chaîne et produire des objets dont tu ne verras jamais la couleur.

Te rendre esclave d’un maître et quémander un « droit au travail » sur un « marché » du même nom qui n’est que version soft de celui aux esclaves.

De révolte en révolution tu as arraché un « droit du travail » qui ne faisait que rendre tes chaines moins lourdes, interdisant le travail des enfants, limitant l’âge et les horaires de ton labeur.

Même ce minimum de 89 en 30, en 48, en 71, en 36 ou 45 puis 68, il te fallait l’arracher, car pour celui qui cotise à la bourse, ce qui l’arrange, c’est de te maintenir juste à la limite de l’esclavage.

On y revient : point de chaines visibles, juste des muselières et la peur de l’autre comme « barrière » infranchissable.


Xavier Lainé


26 mars 2021


mercredi 21 avril 2021

Rouge misère 24 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




C’est impossible commémoration.

Les révoltes sporadiques qui parfois sont formidables avancées, sont hors cadre.

La République des bourgeois, ne pouvant les digérer, ne peut en assimiler l’existence.

Leur commémoration a l’esprit de revanche.

Faire reculer ce qui a été acquis, faire rentrer au bercail les réfractaires.

Ils ne savent rien d’autre.


Pourquoi, dès lors, demander que nos révoltes soient honorées.

À quoi bon vouloir leur donner une place au panthéon d’un système qui ne supporte aucune parole contraire ?

La seule commémoration possible serait celle qui mettrait à l’honneur les raisons de nos révoltes.


Ce n’est pas demain que la mémoire sera vraiment honorée.

Ce n’est sans doute pas avec un masque sur le visage et des yeux abattus et sidérés que les barricades d’hier seront fleuries.

Il est d’ailleurs assez incroyable de voir l’aisance de la bourgeoisie à faire prendre des vessies pour des lanternes.

Parfois, ils sont obligés de lâcher du lest.

Pour aussitôt oeuvrer du bâton pour faire rendre gorge.

De quoi voulez-vous qu’ils se fendent ?

Ils ne vous reconnaissent que soumis à leur dictature.

Ils vous veulent plaintifs, larmoyants, quémandant des miettes tandis qu’ils font bombance.


C’est notre sort de ne jamais être dans le jeu, ni dans le propos.

Lorsque certains d’entre nous y entrent, ils se font avaler et oublient très vite d’où ils viennent.


Xavier Lainé


25 mars 2021


mardi 20 avril 2021

Rouge misère 23 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Parce que la référence commune, n’est-ce pas, c’est 1789.

Or il y eut des jacqueries bien avant, une soif de justice, d’égalité et de démocratie bien antérieure.

Mais, pour beaucoup, dire 1789, c’est tout dire.


Ce ne fut qu’une grande contraction de l’histoire.

L’irruption massive de gens dont les intérêts n’étaient pas convergents, sinon pour un moment.

Robespierre et Babeuf l’avait bien senti.

Ils ont tenté d’aller plus loin, de dépasser ce que l’histoire pouvait accepter.

Ils furent pris au piège de leur croyance.

Plus rusés que les aristocrates arrivaient en masse pour accaparer la parole.

Les rouges de ce temps ont fini en fosses communes.


Communes, c’était leur idée.

Lutter pour le commun et s’appuyer sur le commun pour satisfaire les besoins essentiels de tous.

Un jour ça donnera le mot communisme, mais nous n’y sommes pas.

Le mot n’est resté qu’un mot, trainé dans la boue de l’histoire par les malveillants qui à chaque étape ont usurpé le pouvoir.

Pour eux, c’est une question de richesse privée.

Le commun est regardé comme le diable.

Ils vont à confesse et puis à la messe, et en sortant de l’office, ils trempent leurs pognes dans le sang commun.

Commun, commune : il leur faut extirper des esprits toutes velléités de partager pouvoir et richesses.

On va à la messe et à confesse, puis on tire dans le tas avec la bénédiction de l’église.

Puis on tire sur les cadavres fumants un drap de virginité.


Xavier Lainé


24 mars 2021


lundi 19 avril 2021

Rouge misère 22 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Peut-être faut-il revoir nos schémas de pensée.

Ne plus rêver aux barricades, et abolir celles imposées à l’intérieur de nous-mêmes.

Car, au fond, qui nous empêche de vivre le monde à notre manière ?

Qui ?

Sinon nous-mêmes, emberlificotés dans une vision qui donne aux gens de pouvoir bien trop d’importance ?


Nous affranchir serait ardent hommage à celles et ceux qui, souffrant la famine, se levèrent contre la dictature d’une bourgeoisie médiocre.

Médiocre car dépourvue de toute humanité.

Nous savons.

Nous savons qu’ils furent de tous les coups bas contre l’humanité et la terre.

Au nom de leur argent, ils sont prêts à sacrifier toute forme de vie.

Ils furent, après les massacres de 71, derrière ceux de 14, puis ceux de 39.

S’ils mettent des poulets ou des cochons en batterie, ils n’hésitent pas non plus à ranger dans l’alignement des cages à lapin, une humanité désemparée.

L’essentiel pour eux n’est pas la vie, mais le profit.


Alors, nous affranchir.

Tourner le dos à un mode de vie qui nous rend esclaves de leurs décision.

Ce serait non commémorer, mais reprendre le flambeau.

Ne plus obéir, résister à l’apathie et à la soumission orchestrée.

Hier ils tiraient dans le tas avec leurs canons.

Aujourd’hui ils distillent la peur en faisant usage d’un virus dont leur mode de développement est responsable.

Demain ?

Que trouveront-ils à inventer pour obtenir notre aveuglement ?

Ils détiennent nos chaines, mais nous avons la clef.


Xavier Lainé


23 mars 2021


dimanche 18 avril 2021

Rouge misère 21 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Demain on réduira les émoluments des chômeurs.

Demain on augmentera le prix du pain.

Demain on diminuera tes revenus.

Demain on te demandera de vivre comme si.

Comme si tu roulais sur l’or.

Comme si, sans ressources  fiables, tu pouvais passer toutes tes envies.


1871

La question ne se posait pas.

C’était lutter pour la liberté ou mourir.

Ce fut de toutes les façons, même les plus ignobles, mourir.


2021

Tu te méfies de tout, de ton voisin comme de toi-même.

Si tu ne t’en sors pas, on te dit que tu ne sais pas y faire.

C’est de ta faute si le monde tourne au vinaigre.

C’est de ta faute si la misère te ronge.

C’est de ta faute.

Tout est de ta faute.

Les riches d’hier, qui sont les mêmes aujourd’hui, se marrent.

Ils ont leurs fêtes, leurs salons, leurs itinéraires surveillés.

Toi, la plèbe, tu ne sais rien de leurs trafics.

Comme hier.

Comme en 1871.

Comme en 1848.

Comme en 1830.

Comme en 89.


Ce qui est ordre établi doit demeurer immuable.

C’est un ordre qui ne tolère aucun pas de côté.


Xavier Lainé


22 mars 2021


Rouge misère 20 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Dimanche : il me vient une envie d’envahir les rues, les places.

Samedi, nous y étions mais…


Mais ça n’avait pas le goût de la révolte.

C’était juste un gentil rassemblement d’âmes protestataires.

On fait un tour de place, de ville, on va devant la porte hermétiquement close d’une sous-préfecture très Napoléon le petit.

Puis on rentre à la maison, faire ses courses avant la proclamation du couvre-feu d’été.

L’esprit de la Commune est bien loin de nos vies.

Il s’est dissous dans les rayons des supermarchés.

Il se noie sous l’avalanche des achats inutiles.

Il finit par agoniser dans un vague souvenir, en commémorations mortellement ennuyeuses.


C’était au fond un samedi bien ordinaire suivi d’un dimanche sans envergure.

Le grand chêne apprêtait ses bourgeons dans une ultime poussée de gelée.

Certains marchaient sur le sentier ou couraient à perdre haleine.

La commune est morte piétinée par les foules fuyant un confinement étrange.

On ne se révolte pas, on fuit, on décampe, on va se réfugier quand on en a les moyens dans sa maison de campagne sans une pensée pour ceux qui ne le peuvent.

L’esprit s’est dissout dans cette vague égoïste.

Sporadiquement, certains rêvent de réactiver le flambeau.

Certaines luttes ressemblent à ce que furent les vôtres, Louise, Jules, Charles et les autres, mais sans les barricades.

On négocie désormais le poids de nos chaines sur le « marché du travail ».

Les esclaves rentrés au bercail, la vie reprendra son confinement ordinaire.


Xavier Lainé


21 mars 2021


vendredi 16 avril 2021

Rouge misère 19 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Je vous accompagne, Louise, Charles, Jules et tous les autres.

Mes pas emboitent les vôtres à jamais.

Votre souffle est celui qui m’anime et justifie encore ma vie.

C’est votre flambeau que je reprends à chaque instant.

Non pour bâtir discours creux de commémoration, mais comme ligne à suivre qui pose mes résistances à ce monde perdu.

Il ne s’agit plus simplement d’avoir des idées, il s’agit de les mettre en pratique, chaque jour, sans attendre je ne sais quel grand soir.

Car vous n’avez pas attendu un quelconque « mot d’ordre » pour vous mettre en mouvement, et lancer votre commune libre, votre république sociale et démocratique.

Le sang qui a noyé vos rêves, nous ne devons jamais le laisser sécher. 

Nos révoltes, depuis la vôtre prennent bien timides figures.

Car lorsque nous manifestons, c’est encore en demandant à nos maîtres de répondre à nos attentes.

Nous n’avons rien compris à votre ardent message : il n’est ni dieu, ni maître qui puisse construire le monde qui nous ressemble à notre place.

Chaque jour, en ouvrant ma porte, je ne lutte pas contre ce monde qui vous jeta dans les fosses communes, j’invite à apprendre, à multiplier les connaissances qui rendent chacun capable de devenir le maître d’oeuvre de sa propre existence.

Et ce n’est pas cultiver un individualisme à la façon des bourgeois triomphant depuis votre mise en bière, c’est une invitation à découvrir notre lien intime entre nous, avec les êtres qui nous accompagnent dans nos maisons, dans nos jardins, dans la nature.

Vous fûtes les précurseurs du monde qu’il nous reste à construire de toute urgence.

C’est cette réalité, bien trop souvent noyée dans le sang sur les barricades ou dans les tranchées ou les camps, que les possédants cherchent à planquer derrière l’individualisme exacerbé et le culte de la réussite individuelle.


Xavier Lainé


20 mars 2021


jeudi 15 avril 2021

Rouge misère 18 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Le plus étrange est que si longtemps votre mémoire fut bafouée.

Tant de sang dans les rues, tant d’espoir gisant en travers des trottoirs aurait du demeurer dans les mémoires.

Mais non, c’est la peur qui a chassé l’esprit de résistance.

Aujourd’hui comme hier, les possédants ne savent que gouverner par la peur ou par la guerre.

Le peuple (j’hésite encore à user de ce mot), ce damné, doit se taire, s’agenouiller. 

À défaut, il sera chair à canon, ou tout simplement liquidé sous les coups d’une maréchaussée elle-même soumise à la dictature des puissants.

C’est une règle immémoriale qui taraude les esprits les plus rebelles.

Qui impose soumission non par culte ou respect, mais par crainte de souffrances pires que les misères endurées.


Les révoltes sont comme les spasmes d’un corps social en souffrance.

On n’en cherche pas les causes, on se contente d’en observer les symptômes et d’administrer l’antidouleur en lâchant de ci delà quelques miettes, histoire de tromper la faim.

C’est tout l’art de bonne bourgeoisie de partager la peur avec ceux qu’elle opprime.

La seule différence réside dans son orientation.

Les uns, les plus nombreux craignent le sang et les larmes mais n’ont plus rien à perdre.

Les autres ont tout à perdre et à devoir sous la contrainte d’un soulèvement général.

Les uns ne peuvent que partager ce qu’ils arrivent à arracher aux autres qui ne veulent rien mettre dans le pot commun.

Nous voici devant la tyrannie d’un monde tiraillé, ce qui, dès 71 fut entrevu et nommé « lutte des classes ».

C’est cette lutte qui se poursuit sous le masque de la virtualité.


Xavier Lainé


19 mars 2021