vendredi 31 mars 2023

Une ode au retrait 12

 




Faire un état des lieux

De ce qui nous sépare

Nous disjoint

Nous monte et nous démonte


Faire un état des lieux des doigts

Qui montrent le faible

Sans remarquer que c’est en faiblesse

Que force puise sa capacité d’être


Faire un état des lieux

De ce qui divorce

De ce qui est montré du doigt

De ce qui est discriminé

Discriminant aussi


Faire un état des lieux

De la misère au grand jour

Sur des pavés de désespoir

Dans des océans d’indifférence


Faire un état des lieux

Des discours qui sonnent faux

Qui sont de miel 

Dégoulinant d’une vertu hypocrite


Faire état des lieux

Où notre humanité se perd

Dans les méandres filandreux

D’un Etat abusif et abusé


Faire état de ces lieux

Où ceux qui luttèrent

Se retournent dans la tombe 

Se fondent dans l’oubli


Faire état de ces lieux là

De ces mers profondes

Où se noient toutes nos espérances

Avec le dernier corps 

Avec le dernier féminicide

Avec le dernier enfant violé

Avec le dernier étranger

Catalogué étranger


Faire état des lieux

Où tout ce qui est considéré

Étrange est de fait déclaré étranger

Étranger 

ETRANGER


Faire état

De ce fait là


Je suis toujours l’étrange étranger

De quelqu’un qui pourra me mépriser 

De ce fait même

De cet état même


Je fais état de ce lieu

De ces lieux

Qui se font supplices

De l’idée même d’être humain


(12 mars 2023 — 1 — 7h11)


*


Parfois on nourrit d’étranges espérances

On ferme les yeux

Un océan de douceur vous envahit

Une tendresse sans fin


Puis


Lorsque les yeux s’ouvrent

Le vrai de l’aridité entre

Terre sèche de toute émotion

Indifférence arborée

Dans un regard épuisé


(12 mars 2023 — 2 — 16h01)


Xavier Lainé


jeudi 30 mars 2023

Une ode au retrait 11

 




La nuit ne lâche rien

Nous avançons dans le noir

En haut ou en face

On se claquemure en des palais

Ailleurs on claque des dents sur les pavés humides

Les larmes d’un avant-printemps ruissèlent

Ne calment rien des colères et des douleurs


La nuit ne lâche rien

Comment avons-nous pu

Faire le choix de l’obscur

Quand il était encore temps

D’ouvrir la porte à un peu de lumière

Comment avons-nous pu


La nuit ne lâche rien

Où étaient les révoltés de la nuit

Lorsque l’heure était venue

De marcher sur d’autres chemins

Où étaient les cris d’aujourd’hui

D’hier et d’avant-hier

Depuis si longtemps que le germe de l’ivraie 

Fut semé en la gouvernance absurde


J’avais rêvé d’un autre monde

D’un monde ouvert à toute expérience

Qui sache nous aider à grandir

Non à nous rétrécir dans ce noir

Si noir qu’on se demande parfois

Où se trouve la lumière


(11 mars 2023 — 1 — 5h33)


Xavier Lainé


mercredi 29 mars 2023

Une ode au retrait 10

 




Je serai tapi dans ce silence pesant

Celui qui précède les orages

Celui qui est bruissant de vie souterraine


J’attendrai là dans le murmure des sources

Y boirai jusqu’à plus soif

Le tendre écoulement de l’amour


Puis m’en retournerai

Déambuler parmi les mains tremblantes

Blotties sous les porches du désespoir


Dru désespoir écriront mes doigts gourds

D’avoir trop posé ma tête sur l’oreiller des mots

D’où jaillissaient en lave ardente

La force de vos maux


Je serai tapi dans ce silence pesant

Patient j’écouterai les soupirs de survie

Les cris de révolte qui déambulent

En longs cortèges de colère


Ils ne savent rien de la puissance du silence

Les retords qui salissent nos vies

Ils n’écoutent qu’eux mêmes

Oubliant qu’être humain n’est d’aucune raison

Ni d’aucune source définitive


Être humain n’est qu’un devoir de mise à l’oeuvre

C’est ici qu’il nous faut nous mettre à l’ouvrage


(10 mars 2023 — 1 — 5h59)


Xavier Lainé


mardi 28 mars 2023

Une ode au retrait 9

 




C’est cauchemar de vivre en monde sans humanité

En monde incapable de faire fonctionner ses monstres technologiques

Monde convaincu de sa droite raison

Même quand on lui prouve le contraire


C’est cauchemar que de dire

De hurler la douleur d’exister en ce monde là

Et de ne rencontrer que regards éberlués

Comme si tout devrait être « normal »


(9 mars 2023 —  1 — 7h36)


*


Il y a l’attente incertaine

Le coeur battant qui ne sait

De quoi sera fait la rencontre


Il y a toujours l’attente

Qui dure parfois une vie

Sans savoir comment la remplir

De tendresse et d’amour

Toujours le coeur qui bat

L’esprit qui se tient en éveil

Guettant la vie au détour des rêves


Il y a

Si souvent la nécessité du silence

Où déposer les espérances

Pour ne pas qu’elles se fanent


(9 mars 2023 — 2 — 13h43)


Xavier Lainé


Une ode au retrait 8

 






Je n’ai jamais su être un homme

Viril en diable et méprisant pour l’autre genre

J’ai toujours conjugué ma masculinité 

Au temps présent d’une bonne dose de féminité

Pour ne pas basculer 

Comme tant rencontrés en une existence

Dans cette folle domination qui fait de l’homme

Le bourreau des femmes


Je n’ai jamais su imposer ce que mes congénères

Nomment amour qui se confond au désir

Ou plutôt leur désir qu’ils prennent pour de l’amour

Leur désir qui plombe toute notion d’amour

Pour en faire l’outil d’une oppression généralisée


J’ai toujours compris qu’il me fallait apprendre

Apprendre de mes compagnes en amour

Même sans parfois très bien savoir ce que ce mot 

Tant répété peut signifier

J’ai appris

J’ai appris à être homme

Le jour où mes yeux se sont ouverts

Sur ce que les hommes font

Lorsqu’ils se conforment 

À l’idée d’un système où ils sont les guerriers

Tandis que femmes et enfants pleurent

Sous les mauvais coups qui pleuvent


J’ai toujours gardé au fond du coeur

Un amour irrépressible pour la beauté et la douceur


(8 mars 2023 — 1 — 7h56)


 *


Je dirai


Je dirai l’égalité qui commence

Lorsque je me débarrasse des oripeaux

Qui souillent notre humanité commune

En prenant visage d’horreur et de guerre


Je dirai


Qu’un homme qui en tue un autre

N’en est plus un

Qu’un homme qui tue une femme

N’en est plus deux


Je dirai


Je dirai et répèterai

La honte et les supplices

Celle des blessures

Qui nous salissent

En flots de misère


(8 mars 2023 —2 — 14h07)


Xavier Lainé



dimanche 26 mars 2023

Une ode au retrait 7

 




Le mur se rapproche

Nous y allons si vite

À la vitesse du son ou de la lumière

Mais ça va faire mal

Nous ne vivons plus

Nous dérivons sur les immondices

Nous tentons de rester debout sur la vague

Mais la vague divague

Puis s’éteint


Il en est qui s’en moquent

Rien ne les empêche de sourire

Béatement ils sourient

Ils font semblant

Mais sont bien piètres comédiens


Le mur se rapproche

Nous y allons si vite

À la vitesse et au rythme

Imposés par d’autres

Qui comptent leurs bénéfices

À l’abri des regards


Nous ne vivons plus

Leur monde est devenu

Irrationnel et invivable

À toute âme encore un peu humaine


Nous ne vivons plus

Sommes déjà en survie


(7 mars 2023 — 1 — 9h50)


Xavier Lainé


samedi 25 mars 2023

Une ode au retrait 6

 




La colère

Mauvaise conseillère trop souvent

Mais incontournable

Lorsque tout va mal


Arrivé en Absurdistan

Un étrange pays

Où tout se passe à l’envers


Un étrange pays

Où rien ne fonctionne

Où il faut savoir tout faire

Puisque nul ne sait plus

Mettre son coeur à l’ouvrage


La journée passée

Te reste la colère

Sourde colère

Devant la soif de vivre attisée

Mais jamais rendue possible


(6 mars 2023 — 1 — 21h00)


Xavier Lainé

Une ode au retrait 5

 





En état de veille

Veille non surveillée

Le temps suspend son souffle

Combien seront-ils

À ne pas plier

Sous le joug de l’absurde

Nul ne sait


En état de veille

Tu peaufines ta décision

En être pour ne pas manquer

Le rendez-vous de l’histoire

Pour ne pas te mentir à toi-même


En état de veille

Ne plus subir

Ne plus accepter

De vivre l’inacceptable

De voir détruit l’oeuvre

Des générations passées


En état de veille

Puisque guerre est déclarée

Par élus

Contre leur propre peuple


En état de veille

Il s’agit du commun à défendre

Pour ne pas sombrer


(5 mars 2023 —1 — 7h07)


Xavier Lainé


vendredi 24 mars 2023

Une ode au retrait 4

 




J’en connais deux qui vont à la dérive

Qui comme des continents ne savaient pas 

Qu’un jour ils seraient sur la même plage

Que dans un étrange élan

Ils se jetteraient dans les bras l’un de l’autre


J’en connais deux qui se retiennent

Qui sentent l’élan qui les projette

En infinie tendresse

Laissant leurs coeurs à l’unisson

Battre au même rythme

De l’émotion qui les gagne


J’en connais une qui chuchote

Qu’elle aimerait bien s’appuyer

Sur le sentiment de l’autre


J’en connais un qui dompte

Les battements du sien

Reculant devant le fou désir

Qui envahit son esprit


J’en connais qui s’aiment

Mais ne se le diront jamais

Ils iront au secret de leur âme

Cultiver la tendresse

Pour ne sombrer aux appâts du désir


J’en connais deux que les circonstances

Ne laisseront pas s’épancher autant que leur élan le leur dicte


(4 mars 2023 — 1 — 7h56)


Xavier Lainé


mercredi 22 mars 2023

Une ode au retrait 3

 




Tu assumes

Tes choix et tes contraintes

Tu assumes

Les décisions prises

Qui ne font qu’alourdir

Ton fardeau


Tu assumes

Ce que d’autres t’imposent

Tu assumes

Parfois les épaules te font mal

Le dos aussi souvent

Tu assumes


Tu te dis

Ça passera

Mais les années passent

Elles

Tandis que rien ne change

Tu assumes


Tu assumes

Ton travail

Ta famille

Tes « charges »

Même si souvent

Les mettrais bien

À la décharge

Tu assumes


(3 mars à 2023 —1 — 8h43)


Xavier Lainé


mardi 21 mars 2023

Une ode au retrait 2

 




Je me lèverai tôt

Le jour ne va pas tarder mais il se refait une beauté

Une beauté en filigrane des horreurs qui s’y déploie

Il y aura des linceuls sur les plages 

Pour nous rappeler notre devoir d’homme

Notre devoir de femme

Notre devoir d’humain


Je me lèverai tôt

Juste pour ouvrir mes bras au temps qui passe

À la douceur qui viendrait si blottir

Pour être rassurée devant la montée des flots

Tandis qu’à terre nous traverserons la soif

Il y aura des mains fébriles tombées au sol

D’autres qui les saisiront 

Juste pour les aider à se relever

Juste pour que nous soyons encore digne

D’être nommés femmes

Ou hommes

En tous cas humains


Je me lèverai tôt

Pour attendre les pluies de tendresse 

Sur nos êtres enfin réconciliés

Nous ne serons rien dans la solitude

Nous devrons en passer par les chemins du partage

J’embrasserai le visage de la beauté éphémère

Juste pour goûter un instant

Au sel de notre humanité commune


(2 mars 2023 — 1 — 6h49)


*


Dans l’attente de l’impossible

Tu livres tes pas à l’improbable

L’éphémère est ton domicile

Tu vas au gré des tempêtes

Le vent s’engouffre dans tes cheveux

Il emporte tes rêves au plus loin d’ici


Dans l’attente tu vas bouche sèche

Coeur palpitant de ce qui pourrait advenir

La rencontre tarde

La vie s’attarde

Tu restes en cale sèche

Dans le lit desséché d’un hiver meurtri


(2 mars 2023 — 2 — 15h04)


Xavier Lainé