lundi 30 novembre 2020

Lettre du bord du gouffre 33

 




Je reviens au doigt et à la lune.

Tandis que chacun enfermé lentement s'achemine vers la folie voulue, la police aux ordres chasse ici les migrants perdus, victimes d'un monde à feu et à sang pour les profits de la même poignée d'individus indignes d'être qualifiés humains.

Virus a bon dos, lui, tandis que vous et moi...


Je reviens au doigt et à la lune.

Tandis qu'on s'invective, ce n'est pas un complot qui se trame, c'est un congrès de l'inhumanité au pouvoir.

Mêmes imbéciles assoiffés de profits partout qui trempent leurs sales pognes dans le sang des "riens".

Journalistes qu'on tabasse, qu'on emprisonne.


Je reviens au doigt et à la lune.

Tandis que mes enfants s'en vont sous masques d'inquiétude, sur les chemins incertains d'un monde à l'agonie.

On sacrifie la jeunesse sur l'autel de la vieillesse à protéger.

Vieux désormais, je n'accepte pas cette dictature stupide.

Laissez moi donc courir le risque de mourir puisque c'était au programme depuis ma naissance, et laissez donc vivre jeunesse avide de lendemains légers.


Je reviens au doigt et à la lune.

Tant qui s'arrêtent au premier abord, fuient devant la douleur de penser.

Ils nous les brisent menu, les castrateurs du pouvoir.

Si complot il devait y avoir, c'est vers eux que nos regards devraient se tourner.

Mais ce n'est pas un complot, c'est un congrès d'imbéciles aveuglés de pouvoir et de fric.


A suivre...


Xavier Lainé


24 novembre 2020 (2)


Lettre du bord du gouffre 32

 




Merde donc aux imbéciles qui planquent leur pognon aux îles Caïman, pirates d'un temps qui brille plus par sa barbarie que par son intelligence. 

Quel que soit leur nom, vous les connaissez, les engraissez en achetant sur leurs sites fantômes qui ne payent aucun impôt qui vous sortirait de la misère. 

Au contraire, ils vous y enfoncent et en allant dans leurs grandes surfaces, bouillons d'inculture, vous les encouragez à vous mépriser.

Fermez donc vos écrans et lisez, vous en sortirez grandis, et la fragile flamme de notre humanité en sera sauve.

S’il est encore quelqu’un à sauver.

J’ose encore y croire.


A la compagnie des yeux virtuels, je préfère les oiseaux et celle de mes livres.

Ils m'entraînent bien au-delà de l'horizon borné d'un temps qui fait se rencontrer Huxley, Kafka, Orwell, en y ajoutant Jarry et Ubu roi.

Plongé dans les délices du film "The bookshop", j'en oubliais d'aller acheter mon pain frais du matin.

J'aurais regretté de ne pouvoir rencontrer Malika, de pouvoir prendre des nouvelles de ceux qui se battent au quotidien pour qu'encore un peu de lien et de chaleur humaine nous rassemble.

"Mais pourquoi ils font ça ?", disais-tu.

Est-ce la bonne réponse ? Mais je murmure, "parce qu'ils ont eu peur des gilets jaunes alors ils nous veulent à genoux."

Je dis ça et j'espère me tromper.

J'espère toujours qu'en l'homme le plus mauvais puisse briller la petite flamme qui le ramène à son humanité, à notre humanité commune.


"Je crois en l'homme, cette ordure.

je crois en l'homme, ce fumier,

ce sable mouvant, cette eau morte."

Ainsi écrivait Lucien Jacques. Pas une virgule à changer, sinon que les ordures ont le pouvoir et qu'ils en abusent pour mieux nous mépriser.


A suivre...


Xavier Lainé


24 novembre 2020

dimanche 29 novembre 2020

Lettre du bord du gouffre 31

 




« Comment ne pas devenir fou lorsque le devenir paraît ne plus porter aucun avenir, en sorte que le monde paraît n’avoir plus aucun sens ? Le devenir fou procède d’une immense démoralisation, elle-même aggravée par des processus de dénégation de toutes sortes. La démoralisation est ce qui fait perdre le moral. Et le moral, c’est-à-dire aussi la confiance, est la condition de toute action rationnelle, s’il est vrai que la raison est toujours portée par une raison d’espérer. » (Bernard Stiegler, Dans la disruption, comment ne pas devenir fou ? Éditions Les Liens qui Libèrent, 2016)


Ils en sont donc arrivé à externaliser nos consciences.

C’est ainsi qu’à nous déresponsabiliser face à nous-mêmes, ils visent notre démoralisation.


Chaque poème arraché au mur du silence qu’ils nous imposent est un pied de nez aux sinistres imbéciles qui pensent nous gouverner par la peur, la démolition de toute culture et de tout lien social. 


Ils gagneraient parfois à détourner les yeux de leurs colonnes blindées de chiffres et dividendes, et à ouvrir un livre.

Mais ils ne savent pas, ils ne lisent pas, ils ne vivent pas, ne savent rien de nos journées.


Je voudrais leur en offrir des livres, mais ce serait encore confiture aux cochons.

Un livre, ils ne le méritent pas.

Un livre, vous savez ? Cet objet étrange qu'on peut laisser là, avec juste un marque-page, objet patient s'il en fut, capable de nous faire traverser l'histoire, de nous entraîner jusqu'au tréfonds de nous-mêmes sur les rives d'une conscience qu'aucun drone ne pourra jamais sonder.

Un livre, capable de vous détourner de ces lieux interlopes où des surveillants transformés en garde chiourme, en kapos d'un ordre capitaliste plongeant dans les affres d'un passé dont nous ne voulions plus mais que les incultes imbéciles au pouvoir façonnent à nouveau, créant miradors et barbelés intérieurs, bien plus pervers que toutes les prisons.

Un livre, fidèle compagnon des instants de pensées flottantes.


A suivre...


Xavier Lainé


23 novembre 2020


vendredi 27 novembre 2020

Lettre du bord du gouffre 30

 



Je ne cesse d’ouvrir mes pages au poème.

Il va et vient à sa guise, et n’en fait qu’à sa tête.

La poésie, c’est d’abord un regard posé sur le monde, les êtres.

Les mots ne fuient pas devant le réel, ils tentent de lire dans sa trame.

Ils sont l’ultime rempart contre l'empire du père Ubu, pour ne pas sombrer dans le gouffre ouvert sous nos pieds.

Les poèmes dissipent les brumes, dispersent les fumées.


Mais...


Mais comme un bémol appuyé sur la partition de chaque jour, me voilà bien contraint d'observer les dégâts qu'opère période crépusculaire, décisions infondées, désordonnées, incompréhensibles.

Bien contraint de voir les ravages dans l'ouverture à la vie de mes propres enfants comme de ceux qui me sont "prêtés".

Je ne peux soustraire de mon attention qu'il y a quelque chose de criminel à maintenir cette pression insensée, à contenir toute forme de vie sociale pour, mais pourquoi, en somme ?


Gouvernés par des pervers, aveuglés de pouvoir et de finance, comment s'étonner de cette tragédie dont le fil se déroule d'acte en acte dans ce théâtre de la cruauté qu'est devenu notre époque désarticulée.


Resterons-nous spectateurs prêts à sombrer dans cette amertume ?


J'ai cru comprendre que désormais, des protestations devraient se lever, se rejoindre, se conjoindre pour faire entendre une soif d'autre chose.

Sachez que si je n’en suis pas, c’est que je reste fidèle à une orientation prise depuis plus de vingt ans : demeurer disponible à la souffrance des uns et des autres, considérés dans le tout de leur vie et non comme variable d’ajustement d’un chiffre d’affaire. Que celui-ci fonde comme neige au soleil ne me détournera pas de cette ligne.


"Même si dans son sommeil elle peut engendrer des monstres, la raison doit rêver -- et réaliser ses rêves". (Bernard Stiegler, Dans la disruption, comment ne pas devenir fou ? éditions Les Liens qui Libèrent, 2016)


A suivre...


Xavier Lainé


22 novembre 2020


jeudi 26 novembre 2020

Lettre du bord du gouffre 29

 



Nous vivons donc ce renversement de la langue, cette inversion sémantique qui fait que plus un mot ne peut être prononcé sans qu’il soit renversé par ceux qu’il dérange.


Fi des arguments, des questionnements, des recherches, puisqu’on vous dit que la raison est du côté du pouvoir.

Alors, on cogne, puis on plie sous le poids des arguments, et sans crier gare, on te dit :  "reste là, avec tes dogmes".


J'avais appris qu'en bonne politesse, il valait mieux frapper avant d'entrer, mais en ce territoire décomplexé des pseudo réseaux sociaux, on commence par entrer, puis ensuite on frappe.

Comme on n'a pas de visage, pas d'apparence, on s'imagine que ça ne laissera pas de traces.

Bientôt, grâce à l'usage du masque qui nous rend anonymes, nous en ferons autant dans la rue ?


Le trouble est profond, il prend racine en ces lieux interlopes où, de fait nous n'existons pas, sinon sous des avatars et des paroles en l'air.


On ne lit pas, on survole ; c’est la méthodologie dûment enseignée : ne pas lire un livre jusqu'au bout, juste prendre dans chaque livre ce qui peut être utile à sa propre thèse.

On peut même critiquer un ouvrage à partir de sa quatrième de couverture puis faire étalage d'un savoir qui n'existe pas.

Le tout c'est de paraître savant, non de l'être.

Le tout c'est de paraître, non d'être.

Tout est dans le masque, non dans la profondeur.


Moi, quand je lis, je lis : je ne laisse pas une page de côté de peur de louper quelque chose d'important. Au risque évident de ne pas avoir assez de ma vie pour tout assimiler.

Pas grave, je reviendrai. Même pas peur de passer l’arme à gauche, puisque je sais ne pas pouvoir accomplir tout le programme fixé en une seule existence. Je devrai donc revenir, gare à vos yeux !


A suivre...


Xavier Lainé


21 novembre 2020


mercredi 25 novembre 2020

Lettre du bord du gouffre 28

 



« La guerre repose sur le mensonge. » (Sun Tzu, L’art de la guerre)

Qui a dit que nous étions en guerre ?

Qui donc repose sur le mensonge établi en règle de gouvernement ?

Ce n’est pas un complot, c’est une honte.


Qu’on puisse encore critiquer cette façon méprisante de décider de nos vies, qu’on en dénonce les mensonges et les fables, n’est-ce pas la plus essentielle des libertés ?

Que le propos puisse être injuste, la règle voudrait qu’avant de condamner, on cherche à comprendre ce qui autorise les thèses du complot.

Mais comprendre, en un temps de pensée expresse, est-il encore de mise ?


Les mêmes qui manifestent pour la liberté d’expression, ont l’empressement absurde à condamner.

Mais comprendre, voyez-vous, comment le mensonge d’Etat conduit tout droit, dans les esprits dérangés par des décisions contradictoires, aux pires hypothèses, voilà qui pourrait rendre débat intéressant.

Comprendre ce qui relève d’une forme de complot dès lors que décrets sont pris dans le silence d’un « conseil de défense » incontrôlé et incontrôlable, serait-ce coupable ?


Parfois, à suivre les affirmations ici et là, le vertige me prend : nous ne savons donc plus user de rhétorique ? Nous ne savons plus creuser nos pensées pour en élaborer un discours cohérent ?

Mais comment agir avec discernement dans un monde qui brille par son incohérence ?


Si peu de place pour l’échange courtois lorsque toute opposition est combattue.

Il serait temps de nous ouvrir au dialogue et à l’échange.

Il serait temps d’ouvrir les universités à toutes et tous, quelque soit l’âge et le parcours.

Il serait temps de mettre fin à un élitisme bourgeois qui ne fait qu’appauvrir recherches et pensées.


A suivre...


Xavier Lainé


20 novembre 2020


mardi 24 novembre 2020

Lettre du bord du gouffre 27

 



Car ce sont de purs artistes qui savent retourner leurs opposants, imposer choc assez violent pour que victimes baisent les pieds de leurs bourreaux. C’est art de rare perversité, où ils sont passés maîtres.


Un exemple ? Regardez donc notre stratège atmosphérique hissé en l’Elysée ! Il réunit cent cinquante personnes pour réfléchir aux mesures à prendre devant l’urgence climatique. Les naïfs y croient, s’investissent, soutiennent l’idée, en véhiculent débats et conclusions.

Le stratège atmosphérique, la main sur le coeur, affirme devoir tenir compte des remarques et objectifs fixés. Parole d’un jour n’est pas parole de toujours. Que croyez-vous qu’il advint du rapport circonstancié si laborieusement élaboré ? A la poubelle !

C’est tout le respect qu’ont les suffisants pour la parole contraire.

Seuls comptent ceux qui sont d'accord avec leur pouvoir, les autres n'ont qu'un droit : se taire et rentrer dans le rang.


Le drame est que cette suffisance trouve source et écho en de multiples attitudes.

Ils ne pourraient pas être ce qu’ils sont si, partout et chaque jour, nous étions ouverts et compréhensifs à l’autre, cet autre qui ne sait que m’instruire sur moi même, surtout lorsqu’il m’entraine dans le rejet.

Terribles sont les donneurs de leçon, ceux qui savent mieux que quiconque, qui affirment leur prédominance du haut de leurs diplômes.

Non que je méprise leur parcours méritoire pour être où ils sont, mais qu’ils trouvent en face d’eux autodidacte de la pensée autorise-t-il leur mépris ?


Je voudrais creuser à la source de ce mal être profond qui vient d’un système inégalitaire érigé en dogme. « Il y a ceux qui s’en sortent, et ceux qui ne savent pas y faire. Si tu ne t’en sors pas, c’est que tu ne sais pas t’y prendre. » Que n’ai-je entendu depuis plus de trente ans cette litanie.

Mais puisque vous savez, au lieu de me mépriser, sauriez-vous m’apprendre ?


A suivre...


Xavier Lainé


19/21 novembre 2020

lundi 23 novembre 2020

Lettre du bord du gouffre 26

 





Cette apothéose de leur domination, par le sacrifice de la terre elle-même, à leurs yeux produirait leur ultime victoire : l’asservissement définitif par le biais médiatique de toute velléité de libération.


Ils nous imposent leur Big Brother que j'aimerais voir rire jaune.

Ils nous imaginent aussi bêtes qu’eux, dépourvus de solution pour échapper à leur contrôle, incapables de retrouver la joie de vivre loin de leurs contraintes et de leur matraquage.


Certains les aident bien qui usent de formules toutes faites. Ce sont gens qui se prétendent respectable, pourtant, et c’est l’objet de mon inquiétude : en voilà qui, au demeurant intelligents, sont incapables de lire jusqu'au bout et tête baissée usent de leurs invectives insultantes. Et, tandis qu'on s'invective et s'insulte, que croyez-vous qu'il se passe derrière le décor ? Plus de moyens pour que les professionnels de santé (dont je suis) puissent vous soigner mieux en prenant le temps nécessaire ? Plus de moyens pour éradiquer la pauvreté dont on sait qu'elle est le territoire de prédilection des virus, bactéries et autres infections car qui vit mal, va mal, n'est-ce pas ? Plus de démocratie pour permettre la libre expression de tous au service de décisions positives pour chacun ? Que nenni !


Tandis que les manants se tapent dessus, les rois fourbissent leurs armes pour enfoncer d’avantage le glaive de la pauvreté.


Vous allez la peur au ventre, vous voyez climat se dérégler, mains tremblantes toujours plus nombreuses aux parvis, eux, ils enfoncent le clou du désespoir. Car ils nous veulent désespérés. Seuls et désespérés. Le plus étrange est qu’ils trouvent certains appuis parmi ceux qui prétendent les combattre.


Ils ont du lire Sun Tzu, le soir au coin du feu. Ils ont du apprendre à manipuler leurs ennemis pour qu’ils se rangent, sous l’oeil goguenard de leurs caméras de surveillance, parmi leurs soutiens implicites. 

L’art de retourner les esprits… Mais chut, s’ils apprenaient que c’est un art, ils le déclareraient non essentiels et se supprimeraient illico.


A suivre...


Xavier Lainé


19/21 novembre 2020

dimanche 22 novembre 2020

Lettre du bord du gouffre 25

 




F. M. : le même qui, ministre de l’intérieur, jeta de l’huile sur le conflit algérien, donc le même qui favorisa l’accès au trône d’un certain général se dotant, pour légitimer son coup d’Etat d’une constitution dont nous sommes toujours affublés. Le père François avait même écrit un livre : « Le coup d’Etat permanent », où il faisait semblant de critiquer ce moule dans lequel il allait se couler sans un regret.


De pervers en pervers, vient un moment où le masque tombe.

Il ne tombe qu’à la condition de ne pas entrer dans le déni. C’est sans doute là que le bats blesse le plus, lorsque malgré ce que tu vois, sans même détourner le regard tu fais comme si tu n’avais rien vu.


Tous les ingrédients d’une vraie dictature lentement s’agencent. Je dis lentement mais en deux ans et demi, nous avons perdu plus qu’en tous les mandats précédents.


A la peur de 1968, est venue s’agglutiner celle de 1981 (ils ont si peu confiance dans leur pervers portés au pouvoir qu’ils ne savent jamais très bien si, finalement, le vent ne va pas tourner en leur défaveur), puis la peur de cette révolte fabuleuse qui secoua enfin le joug du silence imposé sur les misères endurées.

Ils ne cessent de craindre, les pleutres qui tirent grand profit de nos misères, car ils ne sont que poignée de revanchards qui aimeraient revenir au pire des anciens régimes, balayés par 1789, 1848, 1872…


A chaque vent de révolution, ils oeuvrent à en effacer les avances. Ils n’ont pas digéré d’avoir été démasqués en 1945. Ils n’ont pas digéré de devoir concéder aux esclaves dont le statut d’ouvrier cache bien mal la vraie nature, un peu de bonne fortune. Ils haïssent la vie elle-même si elle se met en travers de leurs profits. Aveuglés et bornés, ils n’éprouvent aucune pitié. Ce sont eux qui triomphèrent de la révolution néolithique. Ils ont su dominer toute l’espèce, et la nature qui lui donna naissance. Dans le dernier développement de leur sinistre domination, ils affirment que nous serions dans l’anthropocène qu’ils ont créée de toute pièce.


A suivre...


Xavier Lainé


18/21 novembre 2020

Lettre du bord du gouffre 24

 




Je me plante au  bord du gouffre et je crie : « complot, complot, complot » ! Mais voilà que l’écho me répond : « compost, compost, compost » !

En voilà une idée qui est belle et bonne. Mais je crains, je crains que si nous jetons leurs cendres au compost, ils arriveraient à contaminer nos légumes qui prendraient un goût de rance et de déjà vu.


Alors, dans le désespoir de voir une loi adoptée qui va encore restreindre le peu de libertés qui nous restent, et tant qu’un drone à ma fenêtre ne vient pas surveiller mes lectures, tôt le matin, bien avant que l'aube n'éclaire ma fenêtre, je lis l'avant dernier opus du regretté Bernard Stiegler (c'est singulier comme il aura été vite oublié, celui-là) : 


"Le dernier stade du nihilisme accompli est celui du dernier homme, dont le problème se concrétisera avec Musil comme question des moyennes et des probabilités, et dont l'actuelle domination computationnelle est la réalisation fonctionnelle à travers le "capitalisme cognitif", dont il n'est possible de produire la nécessité quasi causale qu'à la condition d'en éprouver la toxicité effective et efficiente -- cette efficience étant le credo des disrupteurs en tout genre, le président Macron en tête."


Je ne dis que ça et reviendrai plus tard sur la perversité du personnage. Il s’acharne le bougre. Mais toujours par en-dessous. Au dessus de la surface, il présente visage bon enfant, tournure de premier communiant ou de premier de la classe. Il soigne son apparence. 


Les crimes les plus parfaits sont ceux commis par d’aimables criminels. 

Ce genre d’individu est le résultat de toutes ces années où la gloire allait aux « self-made men ». Rappelez-vous l’intronisation d’un Bernard Tapie, grand fossoyeur de l’économie nationale, mais nommé ministre lorsque François Mitterrand était président de la République. Le même qui, ami avec Papon, instrumentalisa l’affront national pour mieux se débarrasser de sa gauche et cultiver la division de sa droite.

Papon, ça ne vous dit rien ? Allez, un petit effort, Vichy, la collaboration et un secrétaire d’Etat appelé F M. 


A suivre...


Xavier Lainé


18/21 novembre 2020

samedi 21 novembre 2020

Danse manifeste


« Une seule misère suffit à condamner une société.

Il suffit qu'un seul homme soit tenu ou sciemment laissé dans la misère pour que le pacte civique tout entier soit nul.

Aussi longtemps qu'il y a un homme dehors, la porte qui lui est fermée au nez ferme une cité d'injustice et de haine. »

Charles Péguy 


Agir ce n'est pas attendre que tout le monde s'y mette : chaque acte de la vie quotidienne peut-être un grain de sable dans les rouages du monde.

Chaque geste est un pas, une danse commune, un hymne à la beauté du monde, avant qu’ils ne le salissent.

Comment dire les sanglots refoulés à vous voir là, devant ce temple du commerce, debout dans l’adversité ?

J’ai pleuré en dedans, coeur blessé.

Leur essentiel est si laid qu’il est temps de nous réveiller.

Qu’il est temps d’organiser nos refus.

Qu’il est temps de répandre le sel de l’esprit dans les rues glacées de leur hiver.

Un soleil luit dans vos yeux que poème saisit pour ne plus le lâcher.

C’est de beauté et d’espoir dont nous avons besoin, d’art, de culture et de vie, entendez-vous ?

Il est temps, réveillez-vous, réveillons-nous.

Prouvons leur que nous sommes encore vivants et toujours debout quand ils nous voudraient couchés.


Xavier Lainé

21 novembre 2020












































vendredi 20 novembre 2020

Lettre du bord du gouffre 23

 



L’oeil n’est plus dans la tombe de notre esprit bienveillant.

L’oeil est dehors et scrute chacun de nos faits, de nos gestes, démultiplié en caméras surveillant l’espace public, algorithmes gérant nos propos et appels à l’insoumission sur des réseaux qui n’ont de sociaux qu’un nom inventé et déposé par affairistes sans âme.

Quoi que tu dises et fasses, cet oeil là ne te lâche pas d’une semelle.

Il te suit à la trace en milliers de téléphone portables qui tracent ta route.

Tu ne peux te défaire de leur obsession sécuritaire qui n’a parfois plus rien à voir avec la sécurité.


Car nous y serions, en sécurité, si l’insulte et le mépris était tout autant fustigé que nos appels à la révolte.

Ce n’est pas le cas : sur les réseaux prétendus sociaux, on s’invective à l’envie, aucune bride lâché ne vient troubler les algorithmes de Big Brother. Mais que tu en appelles à l’oeil intérieur d’une conscience ébranlée entre les rayons d’un commerce stupide, te voilà contraint de modérer tes ardeurs.


Big Brother se marre qui ne mesure pas l'effet délétère de sa création, il s'en tord les côtes !

Car, bien évidemment, pour les gogos, les imbéciles, les ignares, partager un documentaire, un texte, un propos, c’est en approuver la totalité !

Big Brother : je rêve qu’il puisse en mourir de rire !


C'est à ça qu'ils travaillent (je dis ils, mais ils ont des noms — Bill Gates, Mark Zuckerberg et consorts — et tirent grand profit de la couardise générée par les disruptifs de leur espèce : à chacun de nos "likes", leur tiroir caisse sonne).

Mais bien sur, dénoncer ce que ce système façonne, c'est ne pas être dans le bon camp !

Bravo, Big Brother et ses copains s'en tordent les côtes !


Surtout, le plus fabuleux, c'est que désormais on ne puisse plus rien publier, écrire, faire, organiser sans en passer par leurs fourches Caudines.

Très drôle... Et triste que si nombreux nous soyons à bouffer à ce râtelier.


A suivre...


Xavier Lainé


17 novembre 2020 

jeudi 19 novembre 2020

Lettre du bord du gouffre 22

 




Fut un temps où on en appelait à la conscience, cet oeil intérieur, cette force qui aidait à marcher sur le fil tendu entre bien et mal, noir et blanc, lumière et ombre.

Fut un temps, où, je me souviens, nous allions ânonnant la petite phrase de morale, dans les petits matins frileux d’automne.


Je ne sais aujourd’hui de quel côté faire pencher le plateau de la balance : cela fut-il salutaire, ou non. Mais peut-être au fond que ça allumait dans les profondeurs cette petite flamme qui faisait hésiter sur le seuil de nos conneries adolescentes.

En ces heures de doux souvenir, j’apprenais « La conscience »  qui se terminait ainsi :


« On fit donc une fosse, et Caïn dit « C’est bien ! »

Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.

Quand il se fut assis sur sa chaise dans l’ombre

Et qu’on eut sur son front fermé le souterrain,

L’oeil était dans la tombe et regardait Caïn. » (Victor Hugo, La légende des siècles)


C’était l’occasion de développer cet oeil intérieur invitant au temps du discernement : hors de question de franchir la ligne rouge qui nous aurait fait glisser de la réflexion à l’insulte.


Ne croyez pas que je regrette ce temps, j’observe juste qu’aujourd’hui, l’Etat et son système, ayant perdu la confiance en ce regard intérieur propre à chacun, s’en réfère à celui, extérieur, d’un Big Brother bien plus dangereux que la petite phrase de morale des frileux matins d’automne.

Celui-là t’observe, te censure, d’oblige à une « sensure » pire que tout rappel à la morale !

Il veille non pas à la bienséance, ni à la courtoisie : il veille à la conformité et laisse libre court à tous les délires obscènes de la vulgarité, de l’ostracisme, du racisme et ses frères en xénophobie, sexisme et autre homophobie.


Et c’est peut-être un drame que d’être tombé en cette surveillance occulte.


A suivre...


Xavier Lainé


17 novembre 2020