jeudi 13 novembre 2025

Une autre nef des fous 27

 






Mais peut-être ma voix finira par s’éteindre

Avec le dernier humain capable de penser par lui-même

Puisque désormais sous la tutelle des robotisés lobotomisés

Mes semblables se laissent conduire avec maigre résistance

Vers un monde sans âme et dénué de pensées autonomes


Peut-être devrons-nous maintenir le flambeau du bout de nos plumes

Écrivains et penseurs pourraient être les ultimes lumières

Dans la pénombre qui gagne du terrain

Lorsque nous en sommes à chercher les failles

Dans les pâles imitations d’une intelligence artificielle


Tu regardes un tableau une danseuse en sa performance

Tu lis un livre une pensée tu écoutes une musique

Il te faudra t’interroger sur la véracité de cet objet

Dont certains prétendent que l’absurdité artificielle

Serait capable de reproduire la forme à l’infini


Pauvre monde légué à nos enfants qui ne distingue plus

Le vrai du faux sauf à acquérir compétences policières

Pour en détecter la trace subtile entre les mots les notes les pas

Ce sont désormais des robots qui décident d’assassiner les peuples

Pour que riches profiteurs du désastre puissent établir

Sur des plages devenues cimetières leurs immondes villégiatures


Nous en sommes à ce stade de perte du sens

Qu’à chaque démarche il nous faut montrer patte blanche

Prouver que nous ne sommes pas des robots

Mais question posée par eux-mêmes à l’infini de ce puits

Où l’absurde côtoie la folie dans une déshumanisation profonde


Certes humains nos mots cheminent dans la forêt de nos lectures

Mais c’est parfois chemin étroit et tortueux qui permet l’acte d’écrire



Xavier Lainé

27 septembre 2025


mercredi 12 novembre 2025

Une autre nef des fous 26

 





Mais voici que miracle s’accomplit, que là où une poignée d’irréductible clamaient l’atteinte à notre humanité sous les bombes sionistes, des voix s’élèvent enfin, couvrant le faux tumulte des ignorants prenant fait et cause pour les bourreaux.

Le insultes pleuvaient comme il pleuvait sur Brest et sur ailleurs.

Nous étions les nouveaux antisémites qu’il fallait faire taire, porter un keffieh était un outrage aux bonnes meurs des versaillais des temps glauques.

Les voici qui se fendent même de reconnaître un Etat palestinien moribond.

C’est mieux que rien : mais ça ne fera pas revenir les morts ; ça ne changera rien au sort des enfants mutilés, ni celui des enfants morts sans avoir eu le temps de respirer l’air empoussiéré des immeubles anéantis, dans des hôpitaux devenus vaisseaux fantômes sur l’océan hypocrite du monde néo-libéral.


Le mot miracle est sans nul doute trop fort.

Les imbéciles ont ce don de retourner leur veste avec une aisance admirable !

Le tout, pour ces thuriféraires du système, né dans la crise génocidaire amérindienne, dont une infime minorité a toujours tiré les marrons du feu, est que le système se survivre et continue de cacher son visage criminel sous le masque de la bienséance bourgeoise.

Toujours ce mythe convoqué du visage avenant de la très sainte consommation comme pilule à faire avaler pour faire taire et ne rien voir du crime organisé.


Qu’un ancien président soit condamné avec circonstances aggravantes devient ainsi outrage mais qu’un militant le soit sans que rien ne le justifie ne soulève aucun haut le coeur.

Il en est ainsi, pour le passager clandestin de cette Santa Maria de l’argent roi, depuis le début de son voyage.

Témoin des crimes commis, sa voix se brise sur les récifs du très saint profit.



Xavier Lainé

26 septembre 2025


mardi 11 novembre 2025

Une autre nef des fous 25

 





Et pourtant jamais ne cesserai d’écrire

Tant que vie me sera prêtée

Car elle ne m’est que prêtée

Elle n’est donc pas à vendre

Pas à poser sur un présentoir

Un présomptoir 

Qui serait trône d’où contempler

Le monde et ses agonies


Et pourtant jamais ne cesserai d’écrire

À porter témoignage

De ce qu’humains font et défont

Ce qui les grandit ou les amoindrit

Témoin d’une moitié de vie

Portée par de folles espérances

Puis par la douche froide

D’une autre moitié

Qui regarde se défaire

Le peu qui fut arraché

Dans la sueur et le sang


Et pourtant jamais ne cesserai d’écrire

À brandir à bout de mots

Les visages défaits par misère et peur

Les visage hideux déformés par haine et violence

Mon chant vient de si loin

Il remonte le courant de l’histoire

Je suis cette âme errante

Qui ne cesse de rêver l’humanité

Qui toujours doit y renoncer un peu

Pour ne pas crouler sous les mots de désespoir


Et pourtant jamais ne cesserai d’écrire



Xavier Lainé

25 septembre 2025


lundi 10 novembre 2025

Une autre nef des fous 24

 





Vieux routier de l’écriture.

Tu ne fais pas le poids.

Tu n’as pas fait les grandes écoles.

Tu n’as pas été baroudeur autour du monde

Tu n’es pas dans les petits papiers.

Anonyme tu te glisses par effraction dans un milieu qui n’est pas le tien.

La place désormais est fermée à toute autre projet que celui qui se construit en des lieux capitaux, dans des écoles qui te donnent le permis d’exister.


Certes

Tu te demandes ce que tu fais là

Avec tes maigres livres et ton bagage de bric et de broc

Tu es l’éternel passager clandestin sur un porte-avion, sur des navires qui brillent

Toi tu demeures dans les cales

Tandis que sur les ponts on se congratule

On découvre des mondes dont on parle

On en parle


Et si ces mondes découverts méritaient eux aussi la parole

S’ils pouvaient venir nous dire

Ce que ça fait d’être méprisé

D’être clochardisé

Réduit aux banlieues d’une culture

Inaccessible


Inaccessible

Me voilà autochtone

Indien ou arabe

Sans parole devant le spectacle de la parole usurpée

Abasourdi devant la pensée coloniale

Certes pas toujours brutale mais toujours entre les lignes



Xavier Lainé

24 septembre 2025


dimanche 9 novembre 2025

Une autre nef des fous 23 bis

 





C’est de continuité dont il me faudrait parler.

Des conquêtes de Rome au génocide à Gaza, en passant par les guerres en tous genres pour des histoires de territoires qui n’appartiennent à personne sinon à ceux qui y vivent ;

De la répression sanglante des révoltes paysannes en Allemagne au bain de sang qui mit fin au rêve de la Commune ;

De la boucherie de 1914 à l’holocauste de 1940 ;

Des rois absolus décidant de vie et de mort aux dictateurs de toutes espèces, croyances et idéologies ;

C’est de continuité qu’il me faut parler.


Ce que je dis ne sort pas de rien.

Il me faudrait vous faire une bibliographie des livres qui s’empilent ;

Des livres qui dénoncent et d’autres qui à leur corps défendant cautionnent ; 

Des livres qui racontent et d’autres, documentés qui énumèrent ;


Je n’invente rien.

Je dis que nous vivons dans ce que certains nomment civilisation ;

Quelque chose qui y ressemble ;

Quelque chose qui en a eu l’air mais qui porte en elle-même les germes pathogènes qui présidèrent à sa fondation ;

Je n’invente rien, je tire les fils de ce monde qui refuse de regarder au miroir de l’histoire les traits hideux dont il porte à jamais l’empreinte.


Car lorsqu’on dresse la liste des morts, 

« Les morts pour rien

Les pauvres cons de morts 

Les morts de mort déshonorée »  (Jean Proal)

On oublie singulièrement les broyés sous les lourdes bottes de cette « civilisation » : ouvriers morts au travail, soldats disparus dans les tranchées de l’enfer, peuples génocidés qui ne demandaient qu’à vivre ; continuité du crime, bien vite effacée des manuels d’histoire.



Xavier Lainé

23 septembre 2025


samedi 8 novembre 2025

Une autre nef des fous 23

 





Je ne cesse d’embarquer sur des Santa Maria de mots

Je ne voyage qu’à fond de cales

Je fuis la gloire des huniers

La lumière du premier pont

À l’abri des réserves je plonge avec boulimie

Ma soif est intarissable

Mais toujours un ouvrage en appelle un autre

Et toujours c’est remise en question de mes propres vérités


Je ne cesse de m’embarquer

D’affaler les voiles de la raison

Pour mieux laisser émerger

Ce flot impétueux 

Qui vient toujours contredire

M’ouvrir à ce que les hommes font

Dès lors qu’ils oublient d’être ouverts

À la contradiction solennelle

Qui est invitation à la prudence

Contre l’emportement des dogmes


Je traverse ainsi temps et espace

Je ne m’arrête jamais

Chaque port est une invitation

À pousser plus loin le voyage

À creuser l’histoire de cette misérable humanité

Dont une partie s’arroge le droit de triompher

Tandis que l’immense majorité se noie


Les résistants de la première heure avaient raison

À l’heure de mes doutes

Ils me poussent à me mettre en quête

Pour mieux comprendre les tragédies

Les drames façonnés de mains dominantes



Xavier Lainé

22 septembre 2025