vendredi 26 juillet 2024

Chroniques d’un désastre annoncé 2

 





Tu restes perplexe devant le jeu pervers

Faux chiffres alignés comme vérité

Matamores du pouvoir gonflant le torse

Lançant leurs invectives pour être premier


Tu restes perplexe devant la vie qui s’évanouit

Devant la foire d’empoigne cruelle

Où se jouent nos destinées comme aux dés


Tu restes perplexe


*


Tu restes là

Sur le bord de la route

Un flot de fatigue te submerge

Il faudrait t’arrêter

Il faudrait pouvoir t’arrêter

Mais tout n’allant que mal en pis

Tant pis

Tu restes là

Tu espères

Tu tentes encore de tes maigres pensées

Construire les digues 

Qui contiendraient les flots boueux

Tu restes là

Tu ouvres tes bras

Comme un sémaphore

Tu fais signes

Tu fermes les yeux

Une tendresse t’envahit

Tu voudrais ne plus les ouvrir

Pour ne plus voir

En quels cataclysme tu te sens emporté

Ta mémoire tourne

Elle tourne vite

Tant de visage tu aurais aimé sauver

Qui ont disparu corps et bien

Dans le désastre prévisible


*


Tu restes là

Sur la bord de la route

Ta soif d’amour est immense

Mais tout le monde passe

Sans un regard

Nul ne voit les petites larmes

Qui brillent au bord de tes paupières

Tu rêves

Assis là sur le trottoir

Que des bras s’ouvrent et t’emportent

Qu’ils t’offrent un nid de tendresse

Où enfin déposer ta fatigue d’exister

D’exister contre vents et marées

Qui toujours te poussent vers le large

Tu cherches dans la pluie de tes misères

Un port

Un havre

Où il ferait bon dormir

Dans l’insouciance retrouvée


Car sont ainsi nos vies depuis des lustres

Qu’il faut chaque jour tenter d’éviter les écueils

Se méfier des chausse-trappes

Tenter de s’éloigner des récifs

Qui ne font que se multiplier

Dans des vies trop courtes

Qui se terminent par fatigue

Parfois un peu trop vite

Parfois un peu trop brusquement

Vies qui n’en sont que le reflet

Réfugié dans des rêves inaccessibles


Tu restes là

Tu attends le geste improbable

Quand il vient il est fugace

Tellement éphémère

Que tu n’y crois pas

Serais-tu encore digne 

D’amour et de reconnaissance

Ce serait inespéré


*


C’est ça

Ce qu’il nous faudrait cultiver

L’inespéré

Qu’il s’insinue par toutes les failles du désastre

Qu’il en retourne la coque

Évitant à des milliers la noyade



Xavier Lainé

2 juillet 2024


jeudi 25 juillet 2024

Chroniques d’un désastre annoncé 1

 





Dites-moi

Dites-moi qu’il est l’heure de se réveiller

Que tout ceci n’est qu’un mauvais rêve


Dites-moi que le gris à ma fenêtre

N’est qu’un signe du climat

Qui ne saurait gagner nos âmes


Dites-moi 

Dites-moi que ce n’est pas possible

Que le pays des lumières s’éteigne à ce point


Dites-moi

Dites-moi que non

La fatalité n’est pas de mise

Que le brun se répand comme trainée de poudre

En l’esprit de ces gens égarés 


Dites-moi 

Dites-moi quelque chose

Quelque chose qui mettrait du baume au coeur

À l’heure où le pire est à la porte de l’Etat


Dites-moi que vous vous êtes trompés

Que vous allez corriger cette erreur

Cette tragique erreur

Dont il sera bien difficile de panser la plaie


Car ce qui était annoncé est là sous nos yeux

Le désastre est en marche



Xavier Lainé

1er juillet 2024


mercredi 24 juillet 2024

Un goût amer 30

 





Nous y sommes


Tu ne trouves plus de mots

Aux matins de grands dangers


Tu sais que demain

Quoi qu’il en soit

Ne sera plus comme hier

Que se verront levés 

Les derniers verrous


*


Le dés ne sont jamais jetés

Ce pays peut encore être surprenant


Toutefois ne pas se laisser bercer

À la douce mélodie de vains espoirs


Attendre dans la torpeur


*


Une vague semble monter

Serait-elle tsunami contre les idées rances

Ce serait bonne nouvelle


L’heure tourne

L’inquiétude aussi

On rêve de lendemains qui ne déchanteraient plus



Xavier Lainé

30 juin 2024


mardi 23 juillet 2024

Un goût amer 29

 





Et puis la peur qui paralyse

La peur d’un lendemain qui ne cesse de déchanter


*


Voilà que ça commence

La montée des haines

Celle des revanches stupides

Basées sur les trous de la mémoire


Étranges coupes sombres

Dans la mémoire et dans l’intelligence

Ils ne comprennent rien

Mais ils vont voté pour ceux

Qui font de leurs vies un enfer


Qu’en sera-t-il demain

Sinon que quelle que soit l’issue

Nous voici devant les faits

L’immonde pérore dans les rues 

Bombe le torse dans les médias


Les plus faibles qui protestent aujourd’hui

Iront manger dans la mains des fascistes

Par couardise et veule prétention


Il faut bien sauver ce qui peut l’être

Qu’ils diront pour se justifier

Comme autrefois sans doute

Vendront-ils leur voisin

À la vindicte des racistes


Ou se tairont se terreront

Pour ne rien voir des règlements de compte


Alors il faudra écrire debout dans la tourmente

Ne rien lâcher des mots essentiels

À la survie d’une intelligence

En pays vendu aux pires résurgences

D’un passé odieux



Xavier Lainé

29 juin 2024