samedi 29 janvier 2022

Poésie impromptue (pour la Criée Publique de Reillanne du 14 janvier 2022)






Photographie de Pierre Weber, avec son aimable autorisation




Poésie lue lors de la "Criée Publique", sur le marché de Reillanne (04), le 14 janvier 2022



J’ai tant couru

Que j’ai fini par rattraper le train du temps

J’ai attrapé la poignée

Mais personne ne m’ouvrait la porte

Alors j’ai fait tout le voyage sur le marche-pied

Mon bagage d’éloquence

À bout de bras lassés


J’ai tant couru

Que j’ai fini par lâcher la poignée

Me suis assis sur le ballast

Rêvant d’un voyage trop vite interrompu


J’ai tant couru

Après mes rêves 

Mes illusions


J’ai tenté

Seul dans la foule muselée

De prononcer mots de flamme

Mots de braise et de tendresse


Je ne sais pourquoi

Vous passiez votre chemin

Regard figé au fond de vos peurs


Je ne sais pourquoi

J’avais envie de vous prendre 

De vous enlacer

Vous embrasser

Vous embraser


Xavier Lainé


11 janvier 2022 (3)


mardi 25 janvier 2022

Il faut que te dise








Il faut que te dise

Tous les bienfaits que m’accordent l’air

Et l’eau et la terre

Marcher à l’ombre ou en plein soleil

Murmurer aux arbres toutes mes peines


Il faut que je te dise

Les voix sereines qui m’accompagnent

Lorsque je vais solitaire

Écouter les chants de la terre

Le murmure des sources

Le vent dans les branches nues


Il faut que je te dise

Je ne sais pourquoi

Mais cette intuition de devoir

Chuchoter à ton oreille

Le plaisir immense et les rêves fous

Lorsque pieds nus je traverse

Le gué des pierres instables

Comme l’est l’art d’être vivant


Il faut que je réponde à ton appel

Je ne sais pourquoi

C’est comme un lien qui se noue

De ton invitation à ma voix

Délicatement posée sur les ailes

Des oiseaux migrateurs 

Vers ce sud où tu médites

Dans le doux clapotis et les vagues

D’une cascade bienveillante



Xavier Lainé


2 janvier 2022


lundi 24 janvier 2022

Saisir la perche - Donner le bâton - Perdu/éperdu

 







J’observe, depuis ma tour de guet, en quels désespoirs voguent mes semblables.

On vous a tellement dit et répété que vous ne pouviez rien y faire, que vous ne saviez pas.


Saisir la perche tendue ou donner le bâton pour se faire battre ?


Je ne sais plus.

J’ai du mal à retrouver le chemin de mes mots.

Je reste là, terré dans l’ombre de mon antre de livres et de papiers.

Je tente de saisir encore un peu d’air, en ouvrant ma fenêtre sur la nuit qui se termine.

J’ai du mal à respirer encore, depuis ce discours indigne, je tourne en rond.

Les preuves que les fauves sont lâchés dans l’arène s’accumulent.

Le discours de l’emmerdeur en chef ont libérés les dernières attaches qui auraient pu endiguer le noir.

Ceux qui avaient voté pour lui en croyant se prémunir du pire en sont pour leur frustration.

Mais qui dit frustration dit aussi bouillonnement interne et parfois éruption intempestive de mots irréparables.


Alors je me suis tu.

J’ai tenté de me taire plutôt que parler dans un désert.

J’ai laissé les pages blanches.

Plus un mot ne venait, ou alors tellement hésitants qu’ils brillaient par leur insignifiance.

Et tous les jours, pour recevoir encore mes patients, je faisais bonne figure.

Je faisais comme beaucoup qui courbent l’échine, font comme si de rien n’était alors que désormais nous voici devant un chaos innommable.

Les pires pensées sont sorties au grand jour.


Faut-il encore les énumérer ?


« Il serait bon de conseiller systématiquement à toute personne adulte refusant de se faire vacciner de rédiger des directives anticipées pour dire si elle souhaite ou non être réanimée en cas de forme grave de Covid. Une personne revendiquant le libre choix de ne pas se faire vacciner ne devrait-elle pas assumer en cohérence son libre choix de ne pas se faire réanimer? » (Professeur Grimaldi - JDD, 1er janvier 2022)


Certains n’y vont pas par quatre chemins en appelant « à affamer » les récalcitrants à la vaccination…


Et puis non, je ne ferai pas la liste exhaustive de ces aberrations de langage qui trahissent la cruelle indigence de la pensée.

Mais, cherchant à comprendre ce que je devrais faire si quelqu’un parmi mes patients avait la bonne idée de me contaminer, je tombe sur la foire aux questions concernant le Coronavirus, sur le site officiel de l’Ordre National des Kinésithérapeutes, et j’y découvre cette perle :


« Puis-je refuser l’accès de mon cabinet libéral à un patient non vacciné  ?

La loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire ne prévoit pas de subordonner l’accès des patients aux cabinets libéraux à la vaccination contre le Covid. Vous ne pouvez donc refuser l’accès de votre cabinet à un patient au motif qu’il ne serait pas vacciné. Un tel refus de votre part pouvant constituer un refus de soins discriminatoire, votre patient pourrait alors saisir le directeur de l’organisme local d’assurance maladie ou votre CDO d’inscription d’une plainte à votre encontre, en application de l’article R. 1110-11 du code de la santé publique. »


Je croyais que nous avions touché le fond, mais non, il y avait encore de la vase et les loups sont bel et bien entrés dans Paris.

Jusqu’où irons-nous dans cette indigence de la pensée, dans cette obéissance aveugle, dans cette incapacité des soignants à regarder un peu plus haut ?


Puis voilà que me parvient d’autres débats, d’autres ébats, où les uns cognent sur les autres, justifiant l’injustifiable malgré eux, sans doute malgré eux.

Il n’est pas faire état de ses cas de conscience face à une politique qui met de côté de plus en plus de nos libertés les plus essentielles. Dès le doute insinué, le ton monte (de quelle peur viscérale est-il donc le symptôme ?).


Je cite :


« Je comprends la souffrance des gens ignorants et apeurés qui ne comprennent pas à quoi sert la couverture vaccinale, qui sont complètement fermés aux conseils scientifiques et médicaux, parce qu’ils n’ont pas fait des années d’études de médecine, de virologue et d’immunologie et n’ont apparemment aucune confiance aux spécialistes compétents.

Mais j’avoue que j’en ai sincèrement marre (…) d’être obligée de lire des discours extrêmement immatures, émotifs et inintéressants au possible. 

Figurez-vous qu’avant d’envoyer un mail à la poubelle je dois le lire d’abord et que vous qui vous sentez si oppressés par l’état français (ce qui me fait pleurer, car je suis étrangère et connais bien pire), vous vous imposez carrément ?!

Un peu de remise en question peut-être ??

Si les gens ne veulent pas se protéger eux-mêmes, je veux bien être protégée d’eux, c’est à cela que sert le pass sanitaire. 

Sinon ils font ce qu’ils veulent, personne ne les prive de leur liberté d’attraper une forme grave de covid. » 


« Je lis depuis quelques temps des propos (…) qui révèlent les pensées, les états d'âme ou le point de vue, parfois de manière assez forte et affirmée de certains (…). 

(…) Oui, nous sommes dans un pays où il y a des lois et des directives. Il n'appartient aucunement à notre association (…) de vous appeler à les contourner ou à ne pas les respecter. Les expressions sur ce thème peuvent faire partie de votre compte Facebook, ou autre. Je vous remercie de le comprendre dans l'intérêt de tous (…) Moi aussi, un centre culturel où je donnais cours a pris l'initiative de fermer totalement tout le mois de janvier et cela ne m'amuse pas, mais je ne glorifie pas pour autant des actes de terrorisme (en les confondant avec des actes de résistance dans des raccourcis simplificateurs !). (…)

Pour les praticiens récalcitrants au vaccin : parlez-en à votre médecin traitant, votre généraliste qui vous suit (sur les comptes publics, merci la France et sa protection sociale...). Si nous avons développé une certaine expertise dans les domaines qui sont les nôtres, désolé : nous ne sommes pas médecins, et c'est un problème de médecine, pas de politique ! »


Les mots me manquent. 

J’ai du mal à respirer (mais rien à voir avec le virus).


Reprenons donc depuis le début.


1. Je ne suis pas de ceux qui crachent sur la vaccination. Lorsque j’étais enfant, habitant au sud de la Tunisie, j’ai des petits copains qui sont morts de la poliomyélite. À cette époque, l’hôpital de Garches (où la kinésithérapie a pu acquérir ses lettres de noblesse) accueillait les jeunes patients atteints de paralysie. Un de mes amis y a fait un séjour prolongé, hélas sans grand résultat et a fini par se suicider plutôt que de vivre dans la dépendance liée à son handicap majeur. Vais-je cracher dans la soupe qui permet de maintenir le virus de la polio à distance ?

De même il faut reconnaître le net recul de la tuberculose (même si celle-ci exonéra mon père de partir faire la guerre d’Algérie) grâce au BCG.

Mais, si je ne suis pas contre, dois-je pour autant considérer que le problème est réglé une fois pour toute grâce au vaccin ? Car polio comme tuberculose font leurs choux gras dans les zones les plus miséreuses du monde, et le vaccin ne résout rien du problème.

Peut-on se contenter du vaccin ou devons-nous aussi contribuer à éliminer la misère sur laquelle les infections, épidémies, pandémies prolifèrent ?


2. En ce qui concerne le « vaccin » (ou thérapie génique) à ARN Messager, il est bon de rappeler ce que l’assemblée européenne dit dans sa résolution 2361 : 


« S’assurer que les citoyens et citoyennes sont informés que la vaccination n'est pas obligatoire et que personne ne subit de pressions politiques, sociales ou autres pour se faire vacciner, s'il ou elle ne souhaite pas le faire personnellement

Veiller à ce que personne ne soit victime de discrimination pour ne pas avoir été vacciné. »


Rendre le vaccin obligatoire (sans le dire, mais en créant des conditions de vie contraignantes) au mépris des décisions européenne est-il bien digne d’un pays démocratique ?


3. Puisque me voici sur le terrain de la démocratie : comment qualifier un pays où toute idée contraire à celles du pouvoir est immédiatement taxée d’irresponsabilité, d’ignorance, vilipendée et ostracisée ?

Voilà la boite de Pandore ouverte par le monarque élyséen : toute parole contraire doit être étouffée, seuls comptent les dogmes d’une pratique de la médecine d’avantage vouée aux statistiques et aux algorithmes qu’au vécu sur le terrain des soignants.


4. M’y voici et au risque d’être encore une fois accusé, je vais faire état de ces propos du Professeur Perronne qui affirme que les errements du totalitarisme médical sont le résultat d’une médecine dont les décisions sont prises par des gens hors-sol, qui ne voient jamais un patient, qui ne savent rien de leur vie sociale. Il rejoint ici les propos écris par Stéphane Velut (in L’Hôpital, une nouvelle industrie. Le langage comme symptôme, Collection Tracts (n° 12), Gallimard).

Encore faut-il aller jusqu’au bout et poser la question qui fâche : est-il normal que la sociologie, la psychologie et la philosophie soient les grandes absentes des parcours de formation de tous les soignants dans ce pays, les vouant à devenir des « techniciens de la santé » dénués de tout sens critique ?

Dans le même sens, les sensibles aux propos professionnels viendront-ils accuser l’ISERM de « complotisme » ou « d’islamo gauchisme » lorsque, dans sa lettre du 29 novembre 2021, il est affirmé : 


« Le fait est désormais bien établi, notre santé dépend largement de notre environnement : des facteurs environnementaux seraient à l’origine de plus de 70 % des maladies non transmissibles, qu’il s’agisse de maladies cardiovasculaires ou métaboliques, de cancers ou encore de problèmes respiratoires chroniques. Et au fil des connaissances acquises sur le sujet, il est apparu que l’on aurait tout à gagner à considérer les différents facteurs incriminés dans leur ensemble, plutôt que d’étudier séparément l’effet de chacun d’entre eux sur la santé humaine. »


Désolé, mais quand on veut être « professionnel », autant l’être vraiment et ne pas se satisfaire des seuls dogmes éculés psalmodiés par Le Monde ou Libération devenus les jouets de la propagande gouvernementale.

Que la majorité approuve les propos des inféodés du dogme ne change rien à l’affaire : nous ne vivrons en démocratie qu’en retrouvant l’art du débat démocratique et non cette approbation béate des discours haineux et anti-scientifiques du pouvoir.


5. J’avais déjà épinglé la « neutralité » des syndicats professionnels de kinésithérapeutes.

Soyons clair : la santé publique est une affaire bien trop sérieuse pour être laissée aux seuls politiciens, appuyés de leurs experts hors-sol. C’est un problème de vie citoyenne et de revendication d’un mieux vivre qui corresponde à la définition de la santé promus par l’OMS dans sa charte paraphée par la France (un éclair de lucidité et d’intelligence est toujours possible) : 


« Un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité »


Et si nous nous saisissions d’une telle définition pour exiger que soit mis un terme à la paupérisation, à l’indigence de la pensée ?


Qu’importe qui vous êtes, femme ou homme, jeune ou âgé, qu’importe votre statut vaccinal, votre philosophie, votre couleur de peau, votre religion mais, lorsque vous hésitez sur la pas de ma porte, et me posez cette question : « Je ne suis pas vacciné(e), vous m’acceptez quand même ? », vous me voyez perdu, éperdu , hagard, sans voix car jamais je n’avais envisagé qu’un jour, un seul, une telle question pourrait m’être posée ! 


Xavier Lainé


24 janvier 2022

dimanche 23 janvier 2022

Effeuiller les jours (Ou la vie sous contrainte) 16









C’est le jour où tu regardes les vagues déclenchées.

Le jour où tu contemples de ton lieu de solitude, les informations qui passent.

Les pays, selon Le Monde (qui est un journal sérieux comme on le sait), les uns après les autres battent des records de mortalité lié au virus dont je tairai le nom.

C’est possible, puisqu’ils le disent et que nul ne peut en vérifier l’exactitude.


C’est le jour où nul ne dit rien de ce que le capitalisme fait à la terre et aux vivants qu’elle a engendré, sans rien demander à personne, sauf information contraire.

Parmi ces vivants des bactéries qui nous offrent gratuitement l’oxygène et l’azote indispensables à notre survie.

Gratuitement tant que quelque félé du bocal ne vienne s’en attribuer droit de propriété et nous revendre l’air que nous respirons avec compteur Linky endogène pour en faciliter la facturation.

Au stade où nous en sommes du contrôle et des contrôleurs, et des contrôleurs pour surveiller ces derniers !


C’est le jour où tu observes avec quelle splendide indifférence vont la plupart, montrant sans sourciller leur passe-partout obligatoire, avec vue imprenable sur défuntes libertés fondamentales : celles qui font que vie serait possible sur terre qui la nourrit sans rien demander à personne.


C’est ce jour là que tu te réveilles avec amertume à la bouche.

Que tu vas ouvrir ta porte avec tes convictions de toujours chancelantes.

La privation de liberté, c’est comme un état d’ébriété, avec le plaisir de l’alcool en moins.


C’est le jour où tu aurais du en appeler à manifester mais t’en es abstenu : chacun après tout devrait savoir ce qu’il a à faire, non ?


Xavier Lainé



jeudi 20 janvier 2022

Ignobles frontières

 






Je contemple le drame qui se joue sous mes yeux.

La vindicte et les injures.

L’ostracisme et le rejet.

Et je pleure.


Quelle pitié que vos certitudes !

Plus j’avance et moins j’ose affirmer.

Ce qui relève d’une intuition n’a pas droit de parole.

Car ce qu’il faut se manipule en chiffres et courbes.

Finit par gangrener les esprits les plus vigilants

Qui explosent à grand fracas de colères.

Ne voyez-vous pas ?


La colère contre ce qui s’oppose :

Ne serait colère contre vous-mêmes qui vous soumettez ?

De quelle sagesse seriez-vous pourvus

Qui vous autoriserait à me déchoir.

Ne voyez-vous pas ?


Il fut un temps de chars dans les rues,

De stades remplis d’opposants,

De baignoires et de gégène.

Un temps de disparitions fortuites,

De corps retrouvés dans les poubelles.

Vous souvenez-vous ?


On aurait pu croire avoir connu le pire.

Il était encore à venir :

Plus besoin de cette violence physique,

Chacun devient l’opérateur du chantage,

Le juge qui s’appuie sur la loi,

Le bourreau qui l’applique pour exister 


À ses yeux au moins,

Le bourreau existe.

Il est en chacun de nous.

Il suffit qu’un fou prenne les commandes,

Oeuvre de persuasion,

Sache gratter les consciences où elles ont mal.

Nous voici chacun juges de l’autre,

Du proche comme du lointain.

Et nous appliquons la sentence :

Toi le migrant, le soignant réticent,

Toi le non convaincu,

Toi le résistant s’il ne comprend pas :

DECHU !


Suis-je encore de ce monde ?

De ce drame ?

Ce qui a été semé est l’ivraie de la pire espèce.

De celle qui nous ronge en dedans et ne nous lâche plus.

Il n’est pire perversité que de paraître bon père

Et d’entrainer les citoyens, malmenés et contraints

À mettre des frontières entre eux.


Leur monde tient de romans 

D’où l’homme sort pire qu’animal sauvage :

Prêt à mordre quiconque ne pense pas comme lui.

Dans ce monde là

Ma parole est tellement vaine 

Que les mots s’estompent puis me fuient.


Me restent mes yeux et mes oreilles

Pour voir et entendre

Les plaies ouvertes et les cris déchirants

D’un pays enchaîné


Xavier Lainé


21 janvier 2022