Je contemple le drame qui se joue sous mes yeux.
La vindicte et les injures.
L’ostracisme et le rejet.
Et je pleure.
Quelle pitié que vos certitudes !
Plus j’avance et moins j’ose affirmer.
Ce qui relève d’une intuition n’a pas droit de parole.
Car ce qu’il faut se manipule en chiffres et courbes.
Finit par gangrener les esprits les plus vigilants
Qui explosent à grand fracas de colères.
Ne voyez-vous pas ?
La colère contre ce qui s’oppose :
Ne serait colère contre vous-mêmes qui vous soumettez ?
De quelle sagesse seriez-vous pourvus
Qui vous autoriserait à me déchoir.
Ne voyez-vous pas ?
Il fut un temps de chars dans les rues,
De stades remplis d’opposants,
De baignoires et de gégène.
Un temps de disparitions fortuites,
De corps retrouvés dans les poubelles.
Vous souvenez-vous ?
On aurait pu croire avoir connu le pire.
Il était encore à venir :
Plus besoin de cette violence physique,
Chacun devient l’opérateur du chantage,
Le juge qui s’appuie sur la loi,
Le bourreau qui l’applique pour exister
À ses yeux au moins,
Le bourreau existe.
Il est en chacun de nous.
Il suffit qu’un fou prenne les commandes,
Oeuvre de persuasion,
Sache gratter les consciences où elles ont mal.
Nous voici chacun juges de l’autre,
Du proche comme du lointain.
Et nous appliquons la sentence :
Toi le migrant, le soignant réticent,
Toi le non convaincu,
Toi le résistant s’il ne comprend pas :
DECHU !
Suis-je encore de ce monde ?
De ce drame ?
Ce qui a été semé est l’ivraie de la pire espèce.
De celle qui nous ronge en dedans et ne nous lâche plus.
Il n’est pire perversité que de paraître bon père
Et d’entrainer les citoyens, malmenés et contraints
À mettre des frontières entre eux.
Leur monde tient de romans
D’où l’homme sort pire qu’animal sauvage :
Prêt à mordre quiconque ne pense pas comme lui.
Dans ce monde là
Ma parole est tellement vaine
Que les mots s’estompent puis me fuient.
Me restent mes yeux et mes oreilles
Pour voir et entendre
Les plaies ouvertes et les cris déchirants
D’un pays enchaîné
Xavier Lainé
21 janvier 2022
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