dimanche 31 janvier 2021

Sourde colère 12 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 1)

 




« L’inharmonie préétablie ménage dans le passé accompli et irréversible ce qui reste à venir, c’est à dire le futur comme une zone ouverte. » 

Bernard Stiegler - Qu’appelle-t-on panser 1. L’immense régression. Éditions Les liens qui libèrent, 2018


Qu’un si petit virus souligne toutes les tares d’un système, voilà qui devrait nous ébranler dans nos certitudes établies. Il semble que le doute ne soit pas compatible avec le stade de développement de nos sociétés.

Nous avançons, l’oeil rivé sur des baromètres prétendus scientifiques qui évoluent en courbes statistiques, en algorithmes éloquents, au mépris d’un réel qu’ils bousculent avec un rire sardonique.


De même il semble terriblement compliqué de tirer leçon de nos expériences, de remettre en question ce qui n’a pas fonctionné, non pour obtenir un « résultat satisfaisant », mais pour tenter notre chance dans d’autres dimensions qui laissent libre cours à nos imaginations fertiles.

Quoi, nos vies seraient donc vouées à devenir ces ombres dans un tableau apocalyptique ?

Je ne sais pourquoi, ma pensée s’égarait vers les tableaux de la famille Brueghel. C’était une erreur, c’est vers Théodore Géricault qu’il me fallait me tourner. Pas le Géricault préoccupé de la gloire et de la chute du tyran napoléonien. Non, plutôt celui du radeau de la Méduse et des naufrages, celui imaginant le déluge. 

Une fois vécu ces apocalypses, saurions-nous trouver les potentiels actifs capables d’inventer, jour après jour, le monde et ses rouages huilés d’harmonie dont nous avons tant besoin, que nous avons tant rêvés ?

Tant de forces et d’efforts sont à l’oeuvre, en particulier parmi la jeunesse : nombre ont compris qu’il n’avaient rien à attendre d’un univers qui leur ferme la porte au nez, alors, ils s’inventent un futur qui soit comme une porte ouverte.


Xavier Lainé


10 janvier 2021


samedi 30 janvier 2021

Sourde colère 11 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 1)

 




Y aurait-il étonnement à voir des imbéciles envahir le Capitole et que cet événement significatif de l'état de délabrement et d'effondrement de la démocratie passée sous le joug de l'Etat libéral numérique soit si timidement condamné ?

Aujourd'hui, là-bas, demain ici, vous comprenez mieux mon refus d'envoyer voeux pieux à la figure des amis, des bâtisseuses d'avenir ?

On prend les mêmes et on continue.

Tant que nous irons de ce pas aveuglés, tant que nous n'aurons pas libéré les potentielles intelligences du carcan de la médiocrité, il n'y aura aucun étonnement à avoir : le pire se cachera toujours derrière les masques de la stupidité.


Que nous dirait la raison si elle était encore raisonnable ?

Depuis des lustres on nous assène des mesures de restriction à notre pouvoir de vivre, à nos libertés les plus essentielles, on casse, on licencie, on ferme des hôpitaux, on en ouvre d’autres mais toujours avec un solde négatif.

Depuis des lustres les problèmes demeurent et même empirent.

Depuis un an, toutes les décisions visant à endiguer la progression virale ne semblent pas obtenir les résultats voulus.

Mais on s’entête, on poursuit dans la même trajectoire dans le silence pesant des pantoufles et des esprits englués devant les écrans à plasma.


« Mais alors, dit Alice, si le monde n’a absolument aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ? » (Lewis Carroll)


Qui donc pourrait nous empêcher d’ignorer les fâcheux et leurs indignes pitreries ?

Qui donc pourrait nous empêcher de recenser les forts potentiels de créations à l’oeuvre déjà dans les sous-sol d’un monde qui ne cesse de s’effriter ?


Xavier Lainé


8 janvier 2020


vendredi 29 janvier 2021

Sourde colère 10 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 1)

 




Si COVID avait du sens, c’est sans doute aucun celui-ci : mettre le doigt sur les plaies qui nous accablent.

Une année pour faire le bilan de nos failles, pointées une à une par cette admirable intrus malveillant.

Une fois le tour de nos faiblesses effectué, saurions-nous passer à ce qui, potentiellement saurait nous aider à dépasser les tristes constats et nous mettre à construire une époque sortie enfin de sa nuit ?


Regardez donc les résidus de nos défaites qui s’expriment désormais au grand jour, aucune inhibition ne pouvant endiguer la malveillance des individus de pouvoir.

Ils prétendent veiller sur nous comme des parents sur leur progéniture, mais sans voir qu’adultes, apprenant d’un système qui nous a souhaité « éduqués », nous sommes en mesure de savoir ce qui est bon pour nos vies.

Il est révolu, ce temps qui nous voulait esclaves, irresponsables et enchaînés à nos maîtres.

Vient celui de notre indépendance et de notre intelligence collective.

« Fin du moi, début du nous » écriviez vous sur vos banderoles.

C’est ce temps là que les frustrés de toute domination voudraient nous faire ravaler.

Ils sont nostalgiques de toutes les dictatures.

Se voient déjà en blancs conquérants d’un monde qui ne pourra plus jamais leur appartenir.


Alors ils tentent leur va-tout.

Ils ajoutent aux peurs épidémiologiques, la crainte de leur barbarie.

Ils avancent, si sûrs d’eux mais tellement dépourvus de toute pensée qu’ils ressemblant aux hordes de Huns de nos livres d’histoire version 1950.

Et, bien évidemment, tous les regards seront détournés vers l'expression au grand jour de leur bêtise systémique.


Xavier Lainé


7 janvier 2021


jeudi 28 janvier 2021

Sourde colère 9 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 1)

 




Il semble.

Mais que faire des connaissances acquises si elles ne révèlent aucun esprit personnel ?

J’en connais qui font étalage de leur savoir, qui commentent ce qui est déjà du commentaire, mais qui ne disent jamais rien qui puisse trahir le moindre esprit indépendant.

Ils se proclament même d’un bord, ou d’un autre, non en agissant comme leur supposé engagement le laisserait entendre, mais se contentent de dire « la gauche aurait du » ou « la droite devrait ». 

Que pensent-ils vraiment ? Qui sont-ils vraiment ?

Ils passent chaque heure du jour et de la nuit à décortiquer ce que l’actualité leur fournit sans latence.

Ils publient même photographies d’eux-mêmes ici ou là, aux côtés de telle ou telle « célébrité ».

Ça fait sans doute bien dans leur curriculum vitae, de s’afficher ainsi, de faire la liste des articles qu’ils admirent en disant pourquoi.

Ça fait sans doute bien, mais savent-ils, à part faire de brillantes dissertations convenues, parler d’eux autrement que sous cette apparence trompeuse ?

Savent-ils dans quel monde ils aimeraient vivre ?


Le monde potentiel réside dans nos rêves différemment multipliés.

Ce qui pourrait jaillir d’étincelle qui rallumerait les lumières n’en est pas que la note de lecture.

Les lumières se rallument si nous savons nous approprier les pensées foisonnantes, les ruminer, les accommoder à la sauce de nos intuitions, de nos désirs les plus fous.

Elles sont alors le ferment d’une pensée libre qui puise au vase commun des pensées émises pour se créer un univers ouvert à l’autre, non cette pâle copie autocentrée d’où l’autre est regardé comme un pauvre hère.


Xavier Lainé


6 janvier 2021 (2)


mercredi 27 janvier 2021

Sourde colère 8 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 1)

 




Car c’est pure folie que de confier son sort à des calculatrices.

C’est pure folie que de dénier le réel pour n’approuver que statistiques.

Nous voici marchant de ce pas aveuglé, l’esprit ébrieux de nouvelles alarmistes.

Même plus besoin d’alcool, il suffit de s’abreuver au goulot étroit des informations aux ordres.

Mais…


Mais si tu décides de ne pas accepter ce mouvement sans hauteur.

Si tu refuses d’obéir, si tu ne regardes pas les déformations télévisées.

Tu es manipulé.

Tu peux toujours dire que non, que tu ne prends rien pour argent comptant, que tu tentes simplement de garder distance, de ne pas te laisser happer par la folie ambiante, on ne te crois pas.

Étrange schizophrénie où les manipulés dénient leur manipulation et accusent ceux qui tentent encore de penser par eux-mêmes d’être ce qu’ils sont : des manipulés.

On ne peut pas s’en sortir.


Nicolas Machiavel ayant gagné cette manche, il ne reste qu’à tourner le dos et hausser les épaules.

Nous sommes devant cet échec de l’esprit.

Les lumières se sont éteintes et nous ne savons pas si elles pourront encore se rallumer un jour.

C’est un cauchemar éveillé.


Il semble pourtant que nous avons quelque potentielles intelligences capables de nous inviter à penser.

Il semble pourtant que jamais nous n’avons eu autant de connaissances à notre disposition pour apprendre à penser par nous-mêmes…


Xavier Lainé


6 janvier 2021 (1)


mardi 26 janvier 2021

Sourde colère 7 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 1)

 




Le rouleau compresseur de la déshumanisation a commencé à rouler il y a fort longtemps.

Chacun sent bien que quelque chose ne va plus, puisque tout se retrouve tiré vers le bas, vers la disparition de tout ce qui pourrait encore nous situer dans notre humanité.

Nous considérer comme des machines réparables à volonté participe de ce schéma absurde : une planète dont les hommes, réduits à l’état de machine, auraient disparu derrière masques et écrans.

Une terre sans humanité serait-elle envisageable ?

Pouvons-nous poursuivre dans une voie aussi suicidaire ?


Hier comme aujourd’hui, vous ne pouvez vous rendre à vos rendez-vous. Pourquoi ?

Quelques flocons tombent et paralysent un pays !

Quoi de plus normal que neige en hiver ?

Comment, dans un pays dont les hivers depuis toujours peuvent être rigoureux, en arrive-t-on à une telle absurdité ?


Comme pour ce qu’ils nomment pandémie, le problème de fond réside dans cette déshumanisation.

Insidieusement, au fil des décennies, on a fait disparaître, quasiment sans protestation, ou sinon purement symbolique, tous les services de proximité : écoles, équipement, santé, tout a été lentement laminé sous prétexte d’économies.

En viendra-t-on sous peu à proposer de supprimer les humains pour les mêmes motifs ?


Nous avons perdu pied. C’est une stratégie sans en être une.

Nous faire perdre pied et renoncer à notre humaine condition.

Dans ce marché de dupe, nous approchons de la folie collective.


Xavier Lainé


5 janvier 2021


lundi 25 janvier 2021

Sourde colère 6 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 1)

 




Abîmées, oui, comme plongées dans un abîme, ensevelies sous des tonnes de pensées réductrices.

On vous a laissé désapprendre à prendre soin de vous.

On vous a laissé comme proie d’une industrie dont vous n’êtes qu’une variable d’ajustement.

On vous a réduits à ces lignes dans nos cahiers de compte.

Ce qui comptait depuis les années soixante dix, c’était moins l’ambition de vous voir en bonne santé que celle de vous réparer infiniment.


Nous nous sommes perdus avec vous dans ces fonds sans âme où vous errez en colonnes de chiffres randomisées.

Nous avons noyé avec acharnement notre humanité et la vôtre dans les gouffres sans limite d’un système qui tire profit de vos potentielles maladies.

Ici vous n’êtes plus ce que vous croyez être : vous n’êtes que des malades en sursis.

Les dividendes ont besoin de votre mal être, de votre mal vivre, de vos symptômes avant même qu’ils apparaissent.

Et vous êtes vus ainsi : comme des machines au même titre que votre voiture, votre réfrigérateur, votre fer à repasser, votre machine à laver.

Il suffisait d’un petit coup de bistouri et vous voilà réparés.

Qu’importe l’usure de cette « machine » sur la chaine d’un monde qui vous traite comme esclaves d’un nouveau genre, comme animaux de traits.


Dans ce monde qui ne sait plus rien de la vie et de sa complexité, d’une molécule, d’un ARN messager on prétend vous « guérir ».

On oublie la constante du temps (même si le temps n’existe pas), qui ne vous ramène jamais à votre point de départ.

Vous ne revenez jamais en arrière sur cette échelle.

Vous ne pouvez toujours qu’aller de l’avant et donc ne pouvez qu’apprendre de ce que vos symptômes cherchent à vous dire de votre vie.


Xavier Lainé


4 janvier 2021 (3)


dimanche 24 janvier 2021

Sourde colère 5 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 1)

 




C’est beau un paysage enneigé.

C’est beau et ça te met une fois de plus au chômage.

Q’un flocon apparaisse et c’est panique générale.

A croire la venue de l’hiver anormale.


Je vous attend depuis trois heures et personne ne vient.

Certains préviennent et d’autres non : quelle importance ?

On ne s’étonnera pas de la diffusion d’un virus, puisque votre santé passe après les flocons.

Je pourrais vous téléphoner, prendre de vos nouvelles, je n’en ai plus envie.

Puisque c’est tout le respect en lequel vous tenez mon travail et ma présence à vos côtés.

Restez chez vous. Surtout restez chez vous.

Ne prenez pas le risque de glisser, de vous casser un membre et surtout pas celui de prévenir de votre décision.


Puis-je vous faire une demande ?

Surtout ne vous mettez pas à vos fenêtres pour applaudir les soignants.

Ils ne demandent rien.

Sinon de pouvoir travailler, vivre de leur travail, avec un minimum de décence, et d’être respectés pour le bien qu’ils vous apportent.

Vos applaudissements, quand depuis des années vous réagissiez si peu à l’hécatombe et à la désertification, sont assez mal venus.


Il est vrai que nous aussi, nous avons notre part de responsabilité : nous avons abandonné tout ce qui aurait pu vous rendre moins bêtes.

Nous avons, globalement, accepté de nous ranger où on voulait nous ranger, nous réduire : de bons petits techniciens de machines corporelles de plus en plus abîmées.


Xavier Lainé


4 janvier 2021 (2)


samedi 23 janvier 2021

Sourde colère 4 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 1)

 




Le ressenti ment.

Mais voilà qu’à nous abreuver d’informations, le ressenti vacille et ment.


Te voici déboussolé, ne sachant plus que penser, croire, rêver.

Tu t’agites, tu brasses de l’air, tu te persuades exister dans ce mouvement perpétuel.

Tu t’oublies dans cette vague qui te submerge, t’empêche de réfléchir par toi-même.

Tu surfes juste avant de te laisser engloutir.


Les propos s’ajoutent aux propos.

Tu noircis des pages sans intérêt.

Elles sont la vague preuve qu’un jour tu fus.

Pas futé mais tu fus.


Je parle au passé, depuis cet au-delà du temps qui nous force à courir.

Courir, perdre son temps à le gagner, faire comme-ci ou comme ça, histoire d’être dans la voie conforme.

Tu oscilles entre ressenti et ressentiment.

Tu t’échappes dans les volutes d’une pensée impossible à maîtriser.

Grâce à elle tu ne tombes ni d’un côté ni de l’autre.

Que t’importe d’être lu, d’être compris ?

L’important est ailleurs : dans ce ciel noir qui couvre l’aurore de ses tristes menaces, dans les racines accueillantes d’un chêne qui t’attends quelque part.


Ça râle fort lorsqu’il faut se lever de bonne heure pour cueillir les olives.

Ça râle fort dans cet effort de se plonger ne serait-ce qu’un instant, dans notre vraie nature.

Que sommes-nous si ne savons plus nous nourrir indépendamment des marchands ?


Xavier Lainé


4 janvier 2021 (1)


vendredi 22 janvier 2021

Sourde colère 3 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 1)

 




Je ne brasse pas le désespoir.

Je voudrais ensemencer la terre et ses esprits,

Arroser d’amour chaque parcelle d’humanité.

Pour que germe un grand soleil où ne dominent que brumes.


À vous qui sans cesse posez bémols sur ma partition, 

Qui modulez en mineur nos vies qui se rêvent majeures,

Je dis et clame qu’il convient de vous poser muselière,

Comme celles que vous nous obligez à porter en distillant la peur.


Son vers est dans nos fruits, nos rêves en sont tristes.

Pas un regard de gaieté où vos messages passent,

Les yeux vont fatigués d’exister et vous n’en avez cure.

Il serait temps de vous déloger de vos palais.


Vos mots sont à l’unisson de ce ciel d’hiver,

Qui de gris en noir pleure sur les premières heures

D’une année qui n’ose s’affirmer en beauté

Une fois quitté les rives détestables d’un an heureusement disparu.


Mes mots bien sur suivent les vôtres de près,

Chaque phrase dite nous plonge en telles stupeurs

Qu’il est bien difficile de surmonter leur vague

Qui nous emporte sur des récifs acérés où s’écorchent nos vies.


Il faudrait déposer gerbes de poésie au creux des esprits,

La pluie en arrache les lambeaux aux poteaux d’ennui

Où la colle du dimanche les avait déposés.

La pluie est votre alliée, le soleil notre espoir.

Vous êtes oiseaux de nuit, nous naviguons au grand jour.


Xavier Lainé


3 janvier 2021


jeudi 21 janvier 2021

Sourde colère 2 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 1)

 







« Le sentiment s’impose partout que plus le monde devient, plus il paraît devoir devenir immonde, et cela précisément en ce qu’il semble être devenu impossible de le penser, et donc de le panser. »

Bernard Stiegler, Qu’appelle-t-on panser 1. L’immense régression. Éditions Les liens qui libèrent, 2018


Mille sept cent quatre vingt neuf

Il y eut un avant 

Il y eut un après


Mille neuf cent quarante cinq

Il y eut un avant

Il y eut un après


Mille neuf cent quatre vingt neuf

Il y eut un avant

Il y eut un après


Tout n’était que trompe l’oeil.

Ce qui est refusé un temps

Rejeté et abandonné par la porte

Revient par la fenêtre

À pas discrets.


Ainsi, chaque étape de l’histoire rêve d’un autre monde.

Parfois retrousse ses manches et parvient à faire trembler les bases de l’ordre établi.

C’est toujours sans compter les fâcheux férus de domination et de richesse.

Ainsi toujours les mêmes se retrouvent perdants.

Dindons d’une farce dont on leur explique les fourches nécessaires.


Xavier Lainé


2 janvier 2021


mercredi 20 janvier 2021

Sourde colère 1 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 1)

 





« L’histoire moderne commence – à des moments différents selon les lieux – quand le principe de progrès devient à la fois le but et le moteur de l'histoire. Ce principe est né avec l'ascension de la bourgeoisie en tant que classe ; il a été repris par toutes les théories modernes de la révolution. Au vingtième siècle, la lutte qui oppose capitalisme et socialisme est, au plan idéologique, un combat sur le contenu du progrès. »

John Berger, La cocadrille, éditions Points, 1996


Ne comptez pas sur moi pour les voeux pieux.

Vous savez, ces paroles qu'on dit parce qu'il faut les dire, ces mots prononcés même si on n'y croit pas.

Ne comptez pas sur moi pour les dire et les répéter.

Des années que ça dure et que tous les ans on recommence.

Des années que ça dure et qu'on attend d'un sauveur suprême qu'il satisfasse nos voeux.

Bien évidemment c'est le contraire qui se produit et nos voeux, s'ils retombent, c'est pour nous faire une vie toujours plus dure et difficile. Certains le savent plus que d'autres qui ont faim, se suicident, meurent au fond des mers ou sur nos trottoirs, sous nos fenêtres où nous y allons de nos banquets et de nos souhaits sans sincérité.

Ne comptez pas sur moi pour continuer dans cette hypocrisie.

Une année s'en vient qui sera ce que nous en ferons à la condition de nous en occuper, de ne pas laisser toute la place aux disrupteurs d'un système qui nous entraine dans sa folie systémique.

A défaut de nous en occuper, ils sauront bien nous réserver le pire quand nous aurons rêvé du meilleur. Alors, appliquons nous à réaliser nos rêves, à construire nos utopies sans eux, sans attendre je ne sais quel lendemain qui chanterait ou quel jour J d'une révolution impossible sans révolutionnaires pour l'accomplir.

Il est temps. Il est l'heure.


Xavier Lainé


1er janvier 2021


mardi 19 janvier 2021

Entre crépuscule et aurore 34

 




Ce sera sans regrets donc qu'il faudra quitter l'an.

Sans regrets mais sans voeux dont nous savons qu'ils ne retombent jamais voire même se retournent contre leurs auteurs.

Ce n'est pas encore l'heure, juste une anticipation, une leçon à tirer d'une année sans : rien n’arrive à qui se contente d'attendre et d'obéir.

Qu'un pouvoir se complaise à détourner les mots de l'histoire ne change rien à l'affaire.

Tant que nous accepterons cette soumission (volontaire ou non), la nuit ne saura que s'étendre toujours sur planète saccagée.

Plus que quelques heures pour réfléchir, apprendre, faire travailler nos imaginations et avancer vers nos rêves.


« La guerre, la destruction, le massacre sont notre Constitution intime. C’est notre faute, notre chute, notre honte qui sont au fondement de l’ordre où nous vivons. » Camille de Toledo, Le hêtre et le bouleau.


Ça ne coûte pas grand chose, juste un peu d’argent (ou beaucoup, mais à ce niveau, on ne compte plus !) de construire des mausolées.

Même celui qui fut autour de la centrale de Tchernobyl finit par se fissurer.

Comme finiront bien par rouiller les oeuvres d’art, les dalles de béton symbolisant nos « plus jamais ça » !

Si nous n’avions pas la mémoire qui rouille, qui flanche, qui part en lambeaux, aurions-nous accepté l’inacceptable imposé, ce couvercle posé sur nos vies, nos amours, nos imaginaires ?

Plus que quelques heures pour enterrer une année comme nous ne cessons de les enterrer, chaque année, dans un rituel qui finit par prendre goût de rance et de moisi.

Il me prend de ne pas me contenter de faire péter le bouchon d’un champagne, d’en étendre l’onde de choc à toutes les cervelles endormies sous un manteau neigeux qui ne nous blanchira pas de la honte  et de l’indignité.


Xavier Lainé


31 décembre 2020 (2)


lundi 18 janvier 2021

Entre crépuscule et aurore 33

 




De toutes les bouches ne montent que clameurs : assez de toute hypocrisie !

Toutes ? Non, tu exagères : beaucoup se trouvent muselées, l’esprit gourd sous l’effet soporifique d’informations empoisonnées, de discours angoissants, de prescriptions sournoises.

Juste quelques unes qui crient, mais dans un silence assourdissant.


Une année en creux se termine.

Si tests positifs furent, ils montrèrent jusqu’où peuvent aller les requins dans les consignes de soumission.

Ils peuvent aller désormais très loin.

Ainsi commence notre errance : les camps ne furent hier que l’aboutissement d’une logique admise comme incontournable.

L’abomination couve sous les cendres du supportable.

Le crime se fomente avec discrétion et n’explose au grand jour qu’une fois commis.


Nous avons eu une année pour en observer la montée progressive.

Elle se traduit en yeux et mains perdues, en vies suicidées, noyées, affamées tandis qu’on parle d’autre chose.

« Des fêtes sans embûches » titrait avec cynisme Vinci sur ses autoroutes.

Voilà : à vouloir vivre sans embûches, à rechercher en tous temps et tous lieux une sécurité improbable, c’est la vie qui se trouve suspendue.

Un jour, cette quête d’une humanité sans humanité finit par se retourner contre tous et contre chacun.

On se réveille les yeux embués de larmes et il n’y a plus personne pour les essuyer.

Il ne reste alors qu’à pleurer sur son sort, le temps passe, il est trop tard.

Sur les cendres de nos libertés brûlées, l’an passé et celui qui vient se rejoignent.


Xavier Lainé


31 décembre 2020 (1)


dimanche 17 janvier 2021

Entre crépuscule et aurore 32

 




Impossible de se poser la question même du monde et de la vie que nous pourrions appeler de nos voeux.

Impossible, car nous savons tous que plus personne n’est là pour nous aider.

Au contraire.


Ce temps, cette année, ce jour, cette heure ont un arrière-goût de Titanic.

Dans ce naufrage le capitaine noie tous les passagers, les femmes et les enfants d’abord.

Le capitaine ne sait plus ce qu’il fait, sinon faire des discours qui n’ont plus aucune crédibilité.

Le capitaine et ses adjoints, devenus fous et ivres de leur pouvoir ne savent qu’augmenter les conséquences du naufrage.


Il te reste la poésie comme radeau.

Il te reste l’air que tu respires, les racines accueillantes du grand chêne.

Il te reste les milliers de pages lues et à lire qui t’emportent loin d’ici.


Le pire serait de ne plus pouvoir penser librement.

De ne plus pouvoir t’envoler de cette prison à ciel ouvert qu’est devenu ton pays.

Que sont devenus nos pays.


Car où que se dirigent nos regards, c’est même spectacle affligeant.

Des réfugiés partout, sous des tentes d’infortunes qui cherchent à fuir les pogroms qui ne disent pas leur nom.

Tandis qu’on festoie dans les palais, on meurt de faim dans les rues.


Oserions-nous encore lancer en l’air nos voeux de triste bonheur ?

Oserions-nous encore souhaiter autre chose que victoire dans nos luttes ?


Xavier Lainé


30 décembre 2020


samedi 16 janvier 2021

Entre crépuscule et aurore 31

 




Quitter ces rives de soumission à la dictature des médiocres.

Ce pourrait être un beau voeux à prononcer, dès lors qu’année horrible se termine.


Car ils viendront les voeux lancés en l’air et qui ne retombent jamais.

On se souhaitera la santé, la prospérité, le bonheur.

Et puis on retournera à ses petites affaires.


On ne prendra pas le temps d’un bilan.

Le temps continuera sa course, sans que rien ne change.

Car, avons-nous envie de changer ?

De changer vraiment ?


Aurons-nous demain plus de souci de l’autre qu’hier ?

Saurons-nous prendre de la hauteur pour apprendre à tourner le dos à nos errements et erreurs ?


Te voici devant la nuit qui s’attarde.

Certes les jours commencent à grandir, mais c’est à peine perceptible.

Ce qui est perceptible, c’est le terrible effondrement.

Plus rien ne tient, aucun phare, aucune balise qui puisse nous indiquer vers où se trouve le port.


Dans la lutte harassante pour survivre, beaucoup d’entre nous mordent la poussière.

Dans ces circonstances, bien malin qui saurait regarder plus haut, plus loin.

Il faut s’en sortir, payer son toit, sa nourriture, ses vêtements, assumer les dettes qui s’accumulent pour des besoins créés de toute pièce.

Impossible pour un esprit autant assailli d’imaginer le moindre avenir.


Xavier Lainé


29 décembre 2020