mercredi 31 janvier 2024

Les années passent ! 8

 




Dès lors on s’organise comme on peut

« L’offre » étant défaillante


On trouve refuge

Loin des foules et du business

On s’isole en des tours d’ivoire

Qui sont plus de papier que du noble matériau


Mais c’est miracle que de demeurer

À distance d’un monde

Soutenu par immondes


*


Bien sur qu’il en existe des choses

Des actions et des associations

Mais


Mais il faudrait trouver le temps

En journées interminables

De s’y consacrer


Or lorsque la vie n’est plus que survie

Le temps se fait rare

Sacrifié sur l’autel des nécessités



Xavier Lainé

8 janvier 2023


mardi 30 janvier 2024

Les années passent ! 7

 




C’est un régal que la discussion mêlée d’ironie

Celle qui ne se prend pas au sérieux

Mais dont l’humour ne fait que refléter

Le sérieux d’une pensée évanescente


C’est un régal de se dire a-politique

Non comme une indifférence à la chose commune

Au contraire c’est de ne trouver en l’état

Aucune maison où déposer mots et rêves


C’est un régal de laisser planer le doute

Dans les esprits dérangés par celui du siècle

Qui ne cesse de corrompre vies et idées

Pour en faire bouillie infâme sans avenir


C’est un régal de le dire

« Je crois en l’homme cette ordure »

À la suite de l’ami Lucien

Affirmant n’être que de ce parti là


C’est un régal de proclamer

Vouloir entrer en cette opinion

Qui place le bonheur humain

Au centre des préoccupations


C’est un régal de dire et maintenir

Qu’adhérer n’est pas tout admettre

N’est pas entrer en la religion des verbes creux

Psalmodiés en chaque occasion


Si je suis d’un parti

C’est celui des humains en devenir

Or celui-là n’existant pas

Serions-nous assez nombreux

Pour en inventer le futur

Ce serait dans un grand éclat de rire


*


Comment dire les choses sans froisser


La vie en ville moyenne

De région sinistrée

C’est un enterrement de première catégorie


On se demande chaque jour

Ce qu’on pourrait trouver 

Pour s’entretenir l’esprit à vif

Nouer conversations

Qui ne soient pas insipides


On aimerait autre chose

Que ces rues mortes du soir

Celles vides du dimanche

Ces salles de cinéma 

Vides quand il s’agit 

D’autre chose que cinéma commercial


On aimerait théâtre ou concerts

Qui ne soient pas du dernier choix des boulevards parisiens

On aimerait pouvoir enrichir nos connaissances

Vieillir moins bêtes 

Se sentir vivre quoi

Vivre vous savez



Xavier Lainé

7 janvier 2024


lundi 29 janvier 2024

Les années passent ! 6

 




Chaque jour je me lève

Chaque jour me demande

Quand vont tomber les sanctions


C’est commode de travailler ainsi

Sous la menace

Justement

De ne plus pouvoir travailler

C’est commode


On se lève

C’est comme si le corps était rompu

Une lassitude poisseuse

Vous suit partout

Vous ne pouvez détourner l’attention

De cette mort sociale

Programmée par d’obscurs administratifs

Qui ne connaissent rien de l’humain

Et particulièrement

De l’humain en souffrance


Leurs menaces vous collent à la peau

Les mains ne savent plus vers où se diriger

Elles savent que peut-être demain

Tout pourrait s’arrêter

Sous le couperet de sanctions inhumaines


Mais qu’ont à faire de l’humanité

Les chiffres institutionnels

Rien


Car aux yeux des « gestionnaires »

Nous ne sommes rien

Vous n’êtes rien

Rien d’autre que des chiffres

Dans une comptabilité dérisoire


*


Ce qu’il me faudrait de chaleur humaine

Pour simplement éprouver petite parcelle de bonheur

Mais voilà que nous sommes sur les récifs

Que notre rafiot tangue dans la tempête

Qu’il est bien délicat de demeurer serein

Lorsque les lourdes nuées s’amoncellent


Je me lève

Une brume épaisse et froide s’étend

Saurais-je retrouver le chemin des rêves

Depuis si longtemps perdu

Sur le fil tendu du temps


Je me lève

Je n’ai plus que vague souvenir

De ce qui faisait de la vie

Un havre de paix et de douceur


Je me lève et j’écris

Je me lève et je crie


Bien évidemment inadapté

À un monde qui ne sait

Qu’envoyer colonnes blindées de chiffres

À la gueule des plus démunis


Je me lève contre

Cette ignominie

Je me cramponne à mon radeau d’humanité

Parfois je bois la tasse



Xavier Lainé

5-6 janvier 2024


dimanche 28 janvier 2024

Les années passent ! 5

 




Chaque jour tu jongles

Avec la fatigue d’exister

Avec ce monde où tu ne trouves place

Avec les écueils dressés

Dont tu te doutes bien

Qu’ils viennent en partie de toi-même


Alors tu jongles

Tu tentes une traversée du jour

Pour une fois sans coups durs


C’est tout un art

D’enfoncer l’angoisse et le désir de mort

De leur faire rendre gorge

Pour demeurer un jour de plus en vie

Des fois que


Tant d’années désormais

Où tu t’es réveillé avec ces mots là

« Des fois que… »


Mais voilà que les obscurs

Les post-humains ou pas encore ainsi

S’acharnent et te brodent un linceul de menaces

Ils te signifient ton incongruité en leur monde

Tu n’y es résolument pas à ta place

Tu te mets en mode survie

Roulé en boule de protection

Au fond de ton terrier de mots

Tu laisses passer le vol des voeux 

Qui tombent drus sur ton échine éreintée


*


Le moral se tient aux abonnés absents

Une vague de découragement envahit l’an

Et ce n’est qu’un début

Faudra continuer le combat

Contre les ombres qui t’envahissent


C’est vrai

Tu te méfiais 

Mais quand même

Au fond

Tout au fond

Tu avais cette envie folle

De voir enfin l’année

Prendre son envol

Sur de meilleurs bases

Que toutes les précédentes


C’est vrai

Mais


L’an n’avait que deux jours

Que déjà te voilà cloué

Pauvre hibou perdu en plein jour

À la porte de l’espoir


Tu te méfiais

Mais quand même

Du fond du coeur

Tu l’appelais ce bonheur d’exister

Et lui te tournait le dos



Xavier Lainé

4 janvier 2024