Tous les jours je reçois et ouvre mon journal
Tous les jours mon journal parle
Il parle d’un monde qui n’est pas le mien
Les gens qui le fabriquent
Ceux qui y écrivent
Vivraient-ils sur une autre planète
Que je n’en serais pas surpris
Tous les jours je reçois et lis mon journal
Il en dit des choses mon journal
Mais rien qui concerne ma vie quotidienne
Celle que je partage avec tant qui poussent ma porte
Celle qui se bat pour survivre
Quand toujours tout nous enfonce
Tous les jours j’ouvre et je lis mon journal
Avec cet étrange sentiment qui ne cesse de grandir
De lire les nouvelles d’un monde
Qui ne me concerne pas
Qui ne dit mot des difficultés à vivre encore
Qui se répand en perspectives qui ne me toucheront guère
Sinon qu’à l’expérience je sais qu’au contraire
Mon quotidien dont mon journal ne parle pas
Sera tous les jours un peu plus dur
Loin des bruits de leurs fêtes et de leurs guerres
Tous les jours j’ouvre mon journal et je le referme
Je ne sais ce que j’ai lu sinon l’écho d’un monde
Qui n’est jamais le mien
Ni celui de toutes celles et ceux
Qui tentent chaque jour de joindre deux bouts
Qui ne cessent de s’éloigner
*
"Ne demande jamais ton chemin à quelqu'un qui le connaît, car tu ne pourrais pas t'égarer!" Rabbi Nahman, cité par Marc-Alain Ouaknin, Mystère de la Kabbale
Ne me dites pas vers où diriger mes pas
Ils sont trop habitués à suivre leur propre chemin
Parfois au risque de ne savoir où sera l’ultime port
Ne me montrez jamais le chemin de votre droiture
Le mien serpente comme ruisseau sous les mousses
À l’abris d’un temps de désespérance
Mon chemin se noie dans les yeux d’enfants agonisants
En terre dite sainte désormais souillée pour toutes générations
Mon chemin est tissé de ce sang répandu où mon âme s’égare
Ne me dites pas vers où aller
Je préfère me perdre en prenant par la main
La foule immense des déshérités
Des dépossédés
Sachez-le
Vous qui croyez détenir la vérité
Jamais je ne plierai sous votre joug
Ni suivrai la pente sinistre de vos calculs
Je dis que mon chemin pleure
Dans les yeux d’un enfant mort à Gaza
Sous les coups de tyrans qui ne savent plus ce qu’ils font
Souillant la religion qu’ils prétendent défendre
Xavier Lainé
11 décembre 2023
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