dimanche 20 septembre 2020

Résistance poétique Acte 3 (amplifié des deux premiers)

 

Il fallait bien dès l'aube et sans correspondance aucune, semer vingt huit graines de poèmes dans la ville pour qu'elles germent à temps.

Fi des vains discours, place aux justes voix de tous temps et tous lieux qui n'eurent d'autre chose à dire que chant.

La beauté dès l'aube se collait aux poteaux sans condamnation et l'espoir prenait couleurs d'aurore, dans la juste semaison des mots.

Xavier Lainé

20 septembre 2020






























jeudi 17 septembre 2020

Sous le soleil d’août, vaine tentative de lucidité 32

 




Ha ! Si tu avais un nom qui sonne bien, un bras plus long, les dents qui rayent le plancher.

Si tu étais de connivence avec les bien-en-cours, fils ou petit-fils de.

Peut-être viendrait-on te lire.

Tes écritures seraient à la vitrine des libraires pour une rentrée littéraire avec tambours et trompettes.


Mais tu n’es rien, et rien tu demeures.

Tu termines ce mois de soleil harassant, tu ronges tes colères de demeurer à l’ombre.

Tu t’y plais, de toutes les façons, à l’ombre.

Tu la préfères aux lumières tapageuses des gens bien comme il faut qui ont tant de choses à dire sur le sort du monde, sans jamais le remettre en cause, fondamentalement.


À force de gérer le désastre, on finira bien par l’atteindre.

Les bons bourgeois s’en sortiront d’une pirouette.

Ils trouveront le moyen de se protéger entre eux, sans un regard de compassion pour les naufragés.

Marseille a ouvert son port à ceux-là.

C’est la seule bonne nouvelle d’un temps sans envergure.

Bernard Stiegler a abrégé ses souffrances. On peut le comprendre.

Quelle chance nous laisse l’absurdité de ce siècle ?


Vaniteux comme tous les bons bourgeois que tu critiques, tu as tenté ton coup de colère quotidien, juste pour essayer de réveiller un peu deux ou trois consciences.

Elles ne seront pas plus à t’emboiter le pas.

« Ne rien voir, ne rien dire, ne rien entendre », c’est la devise des suicidaires. Le processus est « en marche », sans ironie aucune.


Xavier Lainé

31 août 2020


Sous le soleil d’août, vaine tentative de lucidité 31

 



Je parlais de lucidité, et j’ajoutais le mot « vaine ».

Car au fond on peut toujours ouvrir les yeux et voir.

On peut toujours et ça ne change rien.

D’où la vanité de vouloir les ouvrir et la fuite devant un aperçu du réel qui nous donne la nausée.

Alors tu avances les yeux fermés, les oreilles bouchées pour ne pas voir ni entendre.

Le monde lui, continue sa course vers les mirages d’une anthropocène qui place l’homme au centre, tandis qu’autour de lui tout s’écroule.

Triomphe de la galerie de l’évolution : l’homme, devant, qui ne se retourne jamais sur les ruines qu’il a semé derrière lui.

Apothéose de l’ère néolithique qui vit l’homme debout assister à la lente érosion de sa propre diversité, devenu maître absolu d’une nature dont il n’est que locataire.

Comme le dit Alain Badiou, il a fallu des millions d’années pour que se produise la révolution néolithique, la seule qui ait vraiment abouti sur cette terre.

Comme toute révolution, sur le plan physique, est un éternel recommencement, irons-nous jusqu’à rendre la terre, en cette fière anthropocène, inhabitable à notre propre espèce ?

Ce serait en effet la logique absolue d’une révolution dont nous risquons de ne sortir que les pieds devant.


Je parlais de lucidité, et ce n’était que vanité encore.

Nul ne sait ni peut y voir clair, ni prédire de quoi demain nous serions capables.

L’expérience me dit que ce pourrait être le pire comme le meilleur, et que parfois, c’est dans l’expérience du pire que le meilleur fait briller ses lumières.

Il nous faut la nuit pour apprécier le jour, l’ombre pour aimer la lumière.

Tout n’est pas qu’affaire de volonté.


Xavier Lainé

30 août 2020



lundi 14 septembre 2020

Sous le soleil d’août, vaine tentative de lucidité 30

 



Ouvrez donc les yeux !

Regardez bien ces oligarques autoproclamés maîtres du monde.

Qui ne copulent qu’entre eux sur des matelas d’arrogance et de dollars.

Vous ne les croiserez nulle part.

Ils sont la preuve formelle des mondes parallèles.

Le leur ne rencontre jamais le nôtre.

Ils vivent à des altitudes d’opulence qu’aucun ne pourrait imaginer.


Ouvrez donc les yeux et voyez !

Cette infime minorité qui font d’un Etat prétendu démocratique rempart.

Ils usent de toutes les protections, échappent à toutes formes de justice.

Ils n’ont besoin d’aucune corruption pour frayer à l’ombre de leurs banques.

Ils sont la corruption incarnée qu’ils transmettent via leurs gamètes à leur progéniture argentée.


Ouvrez grand vos yeux, vous qui frileusement errez masqués.

Ce que veut cette poignée de parvenus, c’est votre effacement.

Vous étiez le peuple, ils vous veulent couchés.

Vous étiez l’incarnation d’un pays fier d’avoir inventé déclaration des droits de l’Homme, ils usent du pouvoir usurpé pour vous démettre de tout pouvoir.

Vous étiez fiers de vos conquêtes, mais aviez oublié que rien n’est définitif tant que système à leur service se perpétue.


Vous aviez oublié que rien n’est jamais acquis à l’homme de la rue.

Aucun de leurs prédécesseurs n’a jamais ouvert sa bourse avec grâce.

Négocier le poids des chaînes ne libère personne de l’esclavage.


Regardez donc l’évidence, et tirez en conclusions réfléchies.


Xavier Lainé

29 août 2020 (2)



dimanche 13 septembre 2020

Sous le soleil d’août, vaine tentative de lucidité 29

 



Sous régime de bourgeoisie triomphante, il ne fait pas bon écrire qu’il serait temps d’en accélérer la ruine pour passer à autre chose.

Distinguons cependant au sein même de ce clan triomphal, ceux qui en engrangent les dividendes et ceux qui aident les premiers à faire leurs vendanges.

Les premiers ne se mêlent pas au second et encore moins au peuple des riens.

Ceux-là ne savent d’ailleurs même plus le montant de leurs possessions.

Il faut des riens conscients pour découvrir qu’à eux seuls, ils ont quatre vingt dix pour cent des richesses de la planète.

Viennent ensuite ceux qui leur facilitent la tâche.

Ceux là se chamaillent pour savoir qui est de droite (donc franchement serviteurs des premiers) ou de gôche (ceux qui veulent bien contester mais pas trop, et surtout sans remettre en cause les dogmes du système).

Les uns comme les autres ânonnent quelques citations d’auteur en vogue, comme bréviaire perpétuant le monde tel qu’il est.

Les un pour cent ne lisent que très peu, ne sortent qu’entre eux, ne côtoient que les écrivains ou artistes en majuscule admis à entrer dans leurs cénacles.

Les autres, vous les voyez dans tous les festivals, passant des vacances studieuses et culturellement enrichissantes (pour les un pour cent, financièrement parlant).

De droite comme de gôche, ils méprisent les pauvres riens qui n’ont pas les moyens de s’offrir un livre, ont vécu de rupture en rejet tous les grades de la marginalisation sociale.

Ils vont parfois, comme punaise des bonnes oeuvres, faire la lecture aux enfants « déshérités », histoire de se ménager bonne conscience, qui à la messe du dimanche, les autres, dans les réunions entre gens biens comme il faut qui étudient comment « réformer » le système sans imaginer qu’ils puissent en inventer un autre.


Xavier Lainé

29 août 2020 (1)



Pour ne pas rester muet (total soutien aux réfugiés de Moria et aux justes qui leur viennent en aide)

 

Photographie : AFP, 9 septembre 2020


Mes yeux ne peuvent se fermer tant que Moria brûle.

Mes yeux ne peuvent regarder la mer tant que nagent entre deux eaux les cadavres dédaignés.

Mes yeux ne peuvent s’en remettre de contempler les barbares à l’oeuvre.

Mes yeux suivent les justes qui tendent la main et accablent les monstres et leurs matraques d’infamie.

Mes yeux embués de larme, plongent au creux des vagues, cherchent dans cette nuit les corps meurtris de toute humanité.

Mes yeux ne peuvent se fermer et quand ils se ferment, ils voient encore les flammes, les bombes et le sang.

Mes yeux vont de Palmyre à Bagdad au pas des réfugiés en leur éternelle errance.

Mes yeux lisent l’injure des barbares et leur cynique indifférence.

Mes yeux pleurent sur Moria comme ils pleurent sur tous les continents.

Mes yeux suivent la longue cohorte des justes devenus proie sous l’indigne discours justifiant le pire.

Mes yeux ne peuvent se fermer sur la nuit inhumaine répandue de mains sans âme.

Mes yeux cherchent vers où tendre mes mains, ouvrir mes portes, oeuvrer à la grandeur de l’Homme où les barbares au pouvoir ne sèment que la honte.

Mes yeux ne quittent pas Moria, Lesbos et Mythilène : un jour mes ancêtres ont suivi ce même chemin.

Mes yeux les voient pliés sous les bagages, fuyant l’avance des barbares d’un autre temps, qui eurent même visage que ceux d’aujourd’hui.

Mes yeux pleurent, grands ouverts sur le cimetière marin où se noient les espérances.

Mes yeux ne quittent pas les flammes, mes oreilles les cris, étouffés sous le poids des forces du désordre.

Mes yeux ne pleureront jamais assez pour nous laver de cette infamie.


Xavier Lainé

13 septembre 2020


samedi 12 septembre 2020

Sous le soleil d’août, vaine tentative de lucidité 28

 



On autorise, certes, les critiques feutrées au nom de l’apparence de démocratie.

On autorise ce qui ne dit rien de l’impérieux besoin d’air.

On autorise l’un, on interdit l’autre.

Ou plutôt qu’interdire, on laisse le soin à l’oubli d’accomplir son oeuvre.

Il y a pensée et Pensée, Poésie et poésie.

Dans le classeur raisonnable de bonne bourgeoisie, il faut des majuscules sinon rien.


Pour la bonne conscience certes, on ne censure pas tout le monde, seulement ceux qui ne sont pas issus du sérail, qui n’ont pas les diplômes ad hoc, les riens qui voudraient prendre la parole et se faire entendre, faire entendre d’autres discours, d’autres manières de causer, autrement que le petit doigt en l’air, sur les canapés, sous les ors de moribonde République.

On ne censure pas tout le monde, juste ceux qui ont tellement pris l’habitude de se taire qu’ils ne se dérangent plus pour rien, puisqu’ils sont exclus de ce monde qui parle de culture, de poésie, la bouche en cul de poule, juste pour faire chic.

On ferme la gueule de ceux qui revendiquent de ne pas être des amuseurs, mais des ferments, avec les mots propres aux dépossédés de la terre.


Les mots de la colère roulent dans les souterrains où la liberté gronde encore un peu.

Que les bourgeois accaparent tout, mettent la main sur le plus intime des cris ne changera rien.

Un jour la parole sera aux damnés. 

Elle a déjà jaillie, jaune de colère autour des rond-points qui virent sauter le verrou de la parole.

« Fin du moi, début du nous », disaient-ils.

Le couvercle d’un virus posé n’a fait que reporter l’échéance.


Xavier Lainé

26-27 août 2020



Sous le soleil d’août, vaine tentative de lucidité 27

 



Idéal/Idéologie/Dogme, c’est temps de grandes confusions.

De grandes négations, aussi.


Foin de tout ceci et parlons d’autre chose.

Au jardin d’acclimatation du capitalisme définitif, n’existe plus rien sinon son dogme universel.

Fi de tout idéal qui viendrait prouver l’impérieuse nécessité de passer à autre chose.

Loin des yeux et de l’intelligence toute forme de critique tendant à prouver la criminalité du régime omnipotent et omniscient.

Vous devrez marcher au pas cadencé des impératifs financiers de la minorité.

A défaut, vous rentrerez dans le rang à grands coups de matraques.


Qu’est donc pays sous cette domination sans partage ?

Sinon prison à ciel ouvert où le monarque auto proclamé, élu de justesse par trafics d’influences, décide de tout.

Sinon bagne où doivent oeuvrer les condamnés à la survie éternelle tandis que vont les clans enrichis, sur leurs yachts rutilants, faire la fête au large des côtes débarrassées des manants.


On te conteste d’avoir un idéal, surtout s’il va à contrecourant.

On te conteste toute idéologie qui ne réponde pas aux canons de la minorité agissante.

On te conteste toute imagination d’un autre monde possible au nom des dogmes de la sainte religion du fric et de l’absence d’esprit.


Ecrire la dure réalité relève du blasphème si tu n’es pas du sérail autorisé à critiquer.

Si tu veux avoir un avenir, il te faut répondre aux normes.


Xavier Lainé

25 août 2020 (2)



jeudi 10 septembre 2020

Sous le soleil d’août, vaine tentative de lucidité 26

 



Le masque serait-il posé sur la lucidité ?

Tu lis, ici et là les attentes de « gestes forts ».

Mais qu’attendre encore d’un Etat au service du capital, sinon la paupérisation accélérée de l’immense majorité ?

Y aurait-il, en plus du masque sur les nez, un bâillon sur les intelligences ?

Qui pourrait encore prétendre composer avec un système qui ne sait de l’homme que la domination et le crime !

Qui ?


Vous ?

Moi ?

Qui voudrait encore poursuivre sur cette route dont nous savons qu’elle nous mène à l’impasse ?


Il nous faut apprendre à rompre.

Il nous faut apprendre à vivre debout et à marcher hors des sentiers battus.

Inventer les outils pour trancher nos chaînes.

Balancer aux oubliettes de l’histoire, les centaines d’années vouées au meurtre et à l’esclavage.

Sortir enfin du néolithique, dirait Alain Badiou.


Travailler à cette issue serait déjà de reprendre la parole, si longtemps confisquée par ceux qui s’autoproclament nos élites.

Non que tous ne disent que bêtises, mais combien souhaitent nous accorder le droit de penser par nous-mêmes ?


Ils se disent hors de toute idéologie quand ils en ont une, celle de maintenir le système néolithique en place.

Ils nous interdisent d’en avoir une autre : celle de sortir de leur imposture.


Xavier Lainé


25 août 2020 (1)



mercredi 9 septembre 2020

Sous le soleil d’août, vaine tentative de lucidité 25

 



La vaine lucidité n'intéresse pas le monde masqué : il n'aime pas être démasqué, justement et c'est un problème d'usage de la culture. Il y a celle, fort utile à la poignée d'oligarques, qui vous détourne de vos problèmes et vous endort, et puis celle qui voudrait vous voir dûment éveillés, écrivant à votre tour le poème de votre vie !


Vivez, vivez donc, embrassez vous, ne vous laissez pas contraindre !

Prenez donc le risque de vivre et d’avoir des idéaux !

Idéaux d’amour et de fraternité, idéaux de partage et d’entraide.

A trop confondre idéal et idéologie, nous voici dans l’impasse, privés d’imaginer un monde à notre mesure.

Leur démesure qui tue toute imagination nous stérilise, nous dessèche, nous assoiffe.

Ne les laissez pas triompher, par pitié pour l’espèce qui est notre et qui ne sait rien encore de sa grandeur, lorsqu’elle sera sortie de ce temps primitif où règnent les barbares !


Il est temps de sauter par dessus les parapets qui nous emprisonnent, de scier les barreaux posés aux fenêtres de nos rêves.

La lucidité, il nous faut la chercher et la faire fructifier en milliers de mots qui seront les constellations de notre futur.

Improbables, certes, improbables instants qui nous verront réconciliés avec nous-mêmes, avec la terre qui nous donna naissance.

Pour aborder ces rives, il nous faut regarder en face les sombres stratèges qui nous conduisent au massacre.


Le crime est resté depuis des millénaires impuni car nous ne savions pas.

Pouvons nous encore prétendre ne rien voir de ce qui est ?

N’aurions-nous pas la sapience d’exiger des comptes ?

Est-ce trop demander que d’ouvrir les yeux et les coeurs ?


Xavier Lainé


23 août 2020 (2)



mardi 8 septembre 2020

Sous le soleil d’août, vaine tentative de lucidité 24

 



C’est pourtant dans les livres qu’il t’est possible d’imaginer un autre monde.

Il te faut penser à la sortie du monde néolithique.

Ce monde qui fait de la domination une règle incontournable.

Qui diffuse dans nos biberons une image inégalitaire des Hommes, divisée en genres, richesses et pouvoirs.


Les livres sont là pour t’aider dans cette réflexion, de Badiou à Stiegler, de Foucault à Jullien.

Tant qui t’invitent à persévérer dans l’invention du monde à venir !

Un monde débarrassé de ses vieilles routines, de ses habitudes délétères qui font que la vie ne mérite même plus d’y être vécue (Stiegler).

Un monde dont nous serions capables d’inventer la seconde révolution qui soit sortie de l’ère néolithique où nous maintiennent les idéologues néo-libéraux (Badiou).

Un monde qui ferait de l’amour, de la compréhension, de la tendresse, de l’échange et du partage entre individus libres et égaux sa constitution.


Regardez bien le tri qui s’opère au sein même de notre culture, entre le spectaculaire qui vise au détournement des attentions et ceux qui oeuvrent à faire grandir l’esprit de résistance et de solidarité !

Regardez bien le monde qu’ils sont en train de construire derrière l’obligation de sortir masqués !


Demain, nous serons les indiens parqués hors de leur barbarie (Huxley).

Ou, soumis et serviles, le cerveau lavé de tout soupçon de révolte, nous serons sous le contrôle de leur big data.

C’est ce monde là qui sied aux oligarques qui à eux seuls possèdent presque toutes les richesses de notre pauvre planète qu’ils saignent à blanc.

Nous sommes donc devant l’urgence d’inventer nos nouvelles vies.


Xavier Lainé


23 août 2020 (1)



lundi 7 septembre 2020

Sous le soleil d’août, vaine tentative de lucidité 23

 



Tant soumis qu’à la fin ils se perdent.

Ils se perdent sans prendre le temps de réfléchir.


Ce qu’il nous manque ?

La beauté de l’insouciance.

La beauté de la jeunesse.


Ce qu’il nous faudrait ?

Le temps de redescendre chercher notre humanité perdue.


J’écris, mais il semble que mon écriture ne soit pas lisible.

Il me faudrait décider de ne plus rien publier.

L’acte de vanité est terrible, lorsque tu crois encore avoir quelque chose à transmettre à tes semblables.

Tu en reviens et restes muet.


Tu restes muet devant les décombres.

Tu as mis un terme à toute espérance d’amour et de flamme.

Il ne demeure dans ton sillage que flammèche éparpillées qui éclairent encore ton ciel de nuit.


Un matin frais vient qui chasse les torpeurs caniculaires.

Ta nuit s’est débattue entre vaines explications et devoirs incertains.

Tu devais enseigner mais sans savoir où ni quand, ni quoi, vraiment.

Les bureaux des décisionnaires étaient inaccessibles à tes pas.

Lorsque tu y parvenais, les autres, ceux qui ont les codes d’accès étaient déjà là et riaient de ta déconvenue.

Puisque le mot qui s’est noyé, emporté par le courant des sauvetages individuels, s’appelle « solidarité ».

Chacun pour soi dans la barque libérale et la ruine pour tous.


Xavier Lainé


22-23 août 2020



dimanche 6 septembre 2020

Sous le soleil d’août, vaine tentative de lucidité 22

 



Vous avez raison : la poésie est exempte de la façon dont le monde se comporte.

Elle est ailleurs, hors, comme sont hors ceux qui nous mènent à la catastrophe.

Comme sont hors ceux qui tirent profit de nos aveuglements.

Comme nous sommes hors, lorsque nous nous laissons aveugler.


Parlons d’autre chose, regardons ailleurs, cultivons notre bien être tandis que d’autres nourrissent leur bien avoir.

Marchons fièrement en ce marché de dupes qui nous porte à nous penser seul à sauver.

L’individu désindividualisé, conforme aux normes en vigueur et décidées au fin fond d’un bureau par quelques ronds de cuir sans esprit.

Marchez donc dans les clous, braves gens !

Mais tous dans le même sens et sans regarder votre direction : le premier de cordée sait très bien où vous devez aller !

Pour ne pas se faire piquer, l’apiculteur enfume ses abeilles.

Pour ne pas…


Moi, dont les mots demeurent à l’ombre de l’anonymat, parmi les riens, je tire les mots de mon havresac.

Je les jette de la plus haute cime avec l’espoir qu’ils fassent assez de tintamarre en retombant.

Puisque Zeus ne fomente aucun orage, je précipite les mots en nuées de colère, je zèbre de leur éclair votre impensable quiétude.

Car qui pourrait se déclarer serein devant tant de sacrifiés ?

Qui pourrait sans remord, dormir sur ses deux oreilles lorsque vies ne tiennent qu’au fil de la misère ?

Qui pourrait se taire quand il faut enfin parler, clamer, hurler avec les disparus ?


Xavier Lainé


21 août 2020



samedi 5 septembre 2020

Sous le soleil d’août, vaine tentative de lucidité 21

 



Revenir au poème pour ce qu’il a de salvateur : une parole libérée de la gangue crasseuse d’un temps sans parole.

Un temps de parole usurpée, privatisée, détournée de tout sens commun.

Un temps qui ne tient plus parole, qui s’étire en vaines promesses, en mascarades absurdes.

Mots vidés de leur espérance, au profit d’un non-dit qui fait tomber les masques.

Pas tous, et c’est peut-être pourquoi on oblige les communs à en porter un sans urgence sanitaire évidente.

Les uns tombent, les autres se figent devant le spectacle atterrant du mensonge intronisé en règle.

Nous voici tous sidérés.


Que peut bien faire le poème en telles circonstances ?

Sinon déposer des mots comme gerbes de fleurs sur la barque échouée de nos espérances.

Puis, discrètement, tisser les couronnes d’un nouveau départ sous le commandement d’autres capitaines.

Car poursuivre sous les ordres des mêmes serait vouer l’humanité à son plus strict naufrage.


Besoin d’air, besoin d’étreindre, d’embrasser, d’aimer.

Besoin de voir vos visages parfois heureux, parfois renfrognés.

Besoin d’un monde qui nous fasse grandir et non de celui-ci qui ne cesse de nous rabaisser.

Besoin de vivre quand il en est encore temps, de tomber amoureux, de rire au grand soleil, de chanter à tue tête et de dire des mots doux dans la caresse du vent.

Besoin d’écrire non pour être lu mais pour prendre parole et la tenir.

Oui, tenir parole, justement, ce que nous ne savons plus faire.


Xavier Lainé


20 août 2020


vendredi 4 septembre 2020

Sous le soleil d’août, vaine tentative de lucidité 20

 



Il me faut faire état de la lassitude des peurs paniques entretenues.

Il me faut faire état de la lassitude devant les clans institués sur des clivages qui n’ont aucun sens.

Le problème est ailleurs.


Qu’un virus puisse se propager et qu’il puisse être dangereux pour les plus fragiles, qui pourrait le contester.

Qu’il faille, dès lors qu’il apparaît, se donner les outils pour éviter que ces derniers n’en soient victimes tombe sous le sens.

Pas besoin de menaces ni d’amendes pour le savoir, le sentir.

A moins que nous ayons beaucoup perdu de notre humanité.


Mais voilà qu’on gouverne des adultes comme des moutons, en ce pays,  et le berger méprise son troupeau. 

Quand on gouverne avec mépris, la peur est un recours utile.

Et il s’en trouve de média en média pour servir la soupe.


La peur.

La peur ça vous bouffe les tripes, ça vous coupe le sommeil, ça vous laisse hagard dans les petits matins caniculaires. 

La peur, ça vous crée des symptômes inattendus.

Que tu cherches à soigner, sans plus trouver à qui te fier.

Tant de mensonges tuent la confiance.

Tant de mensonges fatiguent ceux qui pourraient te soigner et ne peuvent plus le faire.


Que fait le berger ? 

Tandis que les loups rodent autour du troupeau, il profite de ses vacances.

Il profite et se vautre, petit sourire aux lèvres devant la panique générée qui ne repose sur rien, ou si peu.


Xavier Lainé


19-20 août 2020