mercredi 31 août 2022

Juste retournement des choses 16

 




Etrange pays où tu es rendu coupable

Coupable lorsque tu tentes encor de réfléchir

Coupable de ne pas accepter le bon Dieu sans confession

Coupable de ne pas prendre vessies pour lanternes

Etrange pays


Étrange pays qui ne dira jamais ce qu’il pense

Mais te fera sentir en quelles culpabilités il te tient

Posant au hasard des jours les jalons de son jugement

Un jour aimable puis brutalement se détourne

Étrange pays


*


Tout autour de ce mot

Étrange

Règne un trouble climat


Un mot si maigre

Que déjà il s’envole

En pays sans parole

Sans parole tenable

Ni tenue


Ce qu’on dit est compris « à la louche »

En terre d’approximations

On n’ose plus rien dire

Qui ne risque douteuse interprétation

Il ne te reste que le replis

Pour ne pas encore subir les affronts


Xavier Lainé


16 août 2022


mardi 30 août 2022

Juste retournement des choses 15

 




Parfois tu persistes dans l’illusion

Illusion d’un monde « facile »

Illusion d’une vie 

D’un claquement de doigts

Tu deviendrais célèbre

Riche et puissant


Ce n’est qu’illusion

Que l’écorce du monde ronge

Jusqu’à la faire disparaître

Dans la douleur 


*


Qu’un brin de fraîcheur se dépose

Que quelques gouttes violentes viennent

Vous voilà confortés dans l’illusion

D’un monde infini


Or

Rien ne persiste qui ne doive se reproduire

En Terre vivante


Alors bien sûr

Toujours la lutte entre capital et travail

Entre dominants et dominés

Les uns et les autres maintenus

La tête sous la marée illusoire

Les uns tenant la tête des autres


Xavier Lainé


15 août 2022


lundi 29 août 2022

Juste retournement des choses 14

 




J’ai déposé sur les nuées matinales

Quelques larmes d’espérance

Gouttes de pluies parcimonieuses

Ont roulé sur les joues ensommeillées


J’ai déposé sur vos paupières

Mots d’amour et de tendresse

Dans l’attente qu’elles s’ouvrent

Sur des jours moins soucieux


Un jour la roue tourne

Vous posez avec un clou

Sur le tronc d’un arbre

Votre nom de domaine


Voici que l’écorce s’enflamme

Puis lentement engloutit

Ce qui fut marque humaine

Dont il ne restera que vague souvenir


Un jour le temps aura fait son voyage

De quoi auront nous encore mémoire

Puisque tout se dépose en des appareils

Portant en eux-mêmes date de péremption


Il ne restera alors sur la plage

Que vague empreinte de nos prothèses

Contenant les productions de nos esprits

Mais que nul ne saura ouvrir ni lire

N’ayant plus les outils périmés depuis longtemps


Xavier Lainé


14 août 2022


dimanche 28 août 2022

Juste retournement des choses 13

 




Car « hommes » certes

Mais « sapiens » 

Il est possible d’en douter


À moins que…


*


Apprendre

Apprendre qui nous sommes

De qui nous sommes

Ce que nous sommes devenus

Afin qu’avec Terre

Nous apprenions à vivre

En meilleure entente


À condition de…


*


Suivez-donc mon regard

Ils ont des noms

Ne sont pas que des ombres

Ceux qui tirent les ficelles

Font de nous leurs larbins

Les fossoyeurs de toutes vies


On peut toujours ironiser

L’heure du réveil est incontournable

Nous avons juste le temps de nous étirer


Xavier Lainé


12-13 août 2022


samedi 27 août 2022

Juste retournement des choses 12

 




Les nuées eurent une grosse envie

Mais grosse envie ne fait pas le bonheur

Autant remplir la baignoire avec une pipette

Et attendre qu’elle soit pleine

Pour aller prendre un bain


Nous ne sommes pas arrivés

Ou plutôt si

Nous y voici


Des années qu’on vous le dit

Que le bout du tunnel est pour bientôt

Le bout du bout n’est pas encore atteint

Mais de lumière point

Sinon celles des illusions répandues


Les nuées se sont un peu lâchées

Sur nos têtes assoiffées

Juste un petit répit

Pas de quoi abreuver la terre

Sinon en surface


C’est ce qu’on préfère

La surface

On peut la polir

La faire briller

Sans jamais en retourner la page

Sans jamais lire au verso

Le mode d’emploi de la vie

Celle qui nous rendrait enfin « sapiens »


Xavier Lainé


12 août 2022


vendredi 26 août 2022

Juste retournement des choses 11

 




« Et pourtant elle tourne »

Elle tourne comme la vie

Comme le temps


Elle tourne puis revient 

À son point de départ

À son point d’équilibre 

Un instant perdu


Toujours elle tourne

La roue de la vie

Depuis l’instant précis

Où elle jaillit du néant

Pour se répandre sur ce rocher

Tournant autour de son soleil


« Et pourtant elle tourne »

Un jour où l’autre

La roue de la vie prend sa revanche

Elle revient et ouvre sous nos pas

La béance de nos prétentions


Un jour lierre et écorces

Effacent la trace de notre passage

Comme vagues sur le sable

L’empreinte de nos pas

Juste retour des choses


Elle tourne et nous prétendons

En faire à notre guise : elle rit


Xavier Lainé


11 août 2022


jeudi 25 août 2022

Juste retournement des choses 10

 




Ha ! Quelle douce recommandation

Que celle de se vouer au bonheur !

Le pire est que vous avez raison !


Il faudrait juste savoir ne pas voir 

La faille béante des misères

Où se précipitent tant de belles âmes


Alors le bonheur ?

Il est dans cette minute volée

Pour vous écrire que je n’y crois pas !


*


Pour le reste

À part les impératifs de la vie

Qui ne sait que sauter

De pierres en pierres

Pour passer le gué

Entre vie et trépas

Vous proposez quoi


Une once de fraîcheur 

Se pose sur les fronts exténués

Me voilà devant cette vacance

Cette béance de toute pensée

Attelé comme bête de somme

À la nécessité de ne pas choir

Avant de parvenir sur l’autre rive

Où m’attend le bonheur d’un repos éternel


Xavier Lainé


10 août 2022


mercredi 24 août 2022

Juste retournement des choses 9

 




« Le cri laisse dans le vent 

une ombre de cyprès.


(Laissez-moi dans ce champ, 

pleurer.)


Tout  s’est brisé dans le monde.

Il ne reste que le silence.


(Laissez-moi dans ce champ,

pleurer.)


L’horizon sans lumière

est mordu de brasiers.


(Je vous ai dit de me laisser

dans ce champ,

pleurer.) »

Federico Garcia Lorca, Poèmes du Cante Jondo


Surtout ne me dérangez plus

De vos vains discours

De vos morales épuisantes

De vos humanités tordues

Laissez-moi


Foutez-moi la paix

Vous qui dynamitez

Qui jetez vos bombes et vos ordures

Dans un rire hideux

Qui volez à basse altitude

Au-dessus de nos souffrances


Xavier Lainé


9 août 2022

mardi 23 août 2022

Juste retournement des choses 8

 




Tandis qu’au dehors les débroussailleuses assourdissent le matin pour que pas une herbe ne dépasse.

Tandis qu’aux hôpitaux exsangues on oppose fins de non recevoir.

Tandis que faute de revenus suffisants soignants renoncent à leurs vacances.

Deux ministres, un député et une préfète vont aux champs au chevet d’une agriculture desséchée.

Peut-être inviteront-ils touristes à pisser tous en coeur dans l’espace vide des lacs de retenue pour en rehausser le niveau ?


Tandis que… Tandis que…


Fils en sa troisième année d’études, viré de son logement mis en vente subrepticement, ne trouve pas de logement.

Après la fonte pour cause de canicule des jobs d’été déjà fort rares (mais pas fort chers), le voici proie d’un « marché » de l’immobilier où règnent en maîtresses arnaques et fausses informations.

Des « commerciaux » qui ne le sont que sur le papier, ne répondent jamais, des annonces sitôt publiées disparaissent (donc il doit bien y avoir quelques « commerciaux » aux commandes), d’autres s’avèrent être des pièges pour quelques hackers qui ne savent comment subventionner leurs vacances.

Rien de plus normal en Absurdistan.


Tandis que…

Tandis que…


Un sale gosse mal éduqué établi par peuple en Bérézina de l’esprit comme président se la coule douce en sa résidence d’été.

Tout va bien : n’oubliez pas de vous retourner sur vos serviettes, le soleil cogne.


Xavier Lainé


8 août 2022


lundi 22 août 2022

Juste retournement des choses 7

 




Vous irez encore

Léchant la main de vos maîtres

Négocier les miettes

Au banquet de leur mépris


Un monde s’écroule

Dans l’affolement inconscient

Vous courez en tous sens

Ignorant du but même de toute vie


On me dit que je ne devrais pas

Écrire des mots qui culpabilisent


On me dit que mes mots sont injustes

Qui montrent l’impasse

Le mur et le gouffre


On me dit que mes colères sont vaines

Qu’il faut bien négocier

Avec vos torpeurs


On peut toujours

Dépenser plus que ce qu’on gagne

Puisque nous épuisons la Terre

De plus en plus tôt

Que nous vivons à crédit

Niant le précipice ouvert

Au devant de nos fous désirs

On peut toujours boire aux sources taries

Une eau bouillante et empoisonnée


Xavier Lainé


7 août 2022


dimanche 21 août 2022

Juste retournement des choses 6

 




Toujours les regards sceptiques

La litanie des plaintes

L’absurde attente

Mais de quoi ?


Je vis en étrange pays

Pays qui attend

Pays transformé en salle d’attente

D’un avenir construit par d’autres

Jamais satisfaisant à quiconque

Justement

Attend


Pays sans imagination

Pays livré aux grossiers appétits

Pays sans profondeur


*


Toujours vous approchez avec le sourire

Toujours prête à votre service 

Toujours disponible sans faille

Mais voilà que derrière le sourire

La fatigue s’exprime

« Ça fait trop longtemps que ça dure »

Sans dire quoi précisément

Trop longtemps que dure

Canicule ou sécheresse

Ou condition de travail 

Rien n’est dit derrière ce « Trop longtemps »


Xavier Lainé


6 août 2022


samedi 20 août 2022

Juste retournement des choses 5

 




Or nature finit toujours par reprendre ses droits

Par s’immiscer dans les failles qui morcèlent les certitudes


Terre était là bien avant que premier homme n’en surgisse

Quelle prétention d’en faire notre pré carré 


Seuls des esprits malades peuvent se croire à ce point

Au-dessus des forces telluriques et cosmiques


Peut-être le sommes-nous malades


*


Toujours comme si

Comment

Nul ne sait

Ce qui demain viendra

Désormais


Pas moyen

Poète

De jouer 

De te laisser gagner

Par ce détournement des pensées


*


Un vieux fond de colère roule au fond des gorges

Le noir envahit le ciel de l’avenir

Y aurait-il ciel bleu au fond des coeurs ?


Xavier Lainé


5 août 2022


vendredi 19 août 2022

Juste retournement des choses 4

 




Je dirai l’inconfort et le provisoire

L’illusoire parfois de croire vivre

Comme 

Ou comme si

Mais jamais VIVRE


Je dirai l’éphémère d’une vie

La tragédie de la traverser

Sans jamais savoir qu’y faire

Non pour briller

Mais

Pour la

VIVRE


Je dirai cette torture infligée

Lorsque tu n’as pas la bonne carte

Le bon carnet d’adresse


Tu traverses sans exister

Le chemin tortueux 

Sous les yeux qui se détournent

Lorsqu’ils te voient tomber


« Si jamais ne t’en sors

C’est que tu ne sais

Comment t’y prendre »

Mais

Se gardent bien les bougres

De te filer les codes d’accès

Les mots de passe


Xavier Lainé


4 août 2022


jeudi 18 août 2022

Juste retournement des choses 3

 




On peut, en ville d’indifférence, ne plus pouvoir payer son loyer pendant deux ans.

Nul n’y prête attention, sauf le jour où, dans un grand charroi de maréchaussée, les huissiers viennent tout saisir, laissant le quidam sur la paille.

On peut mourir sous les yeux sans regards d’une ville sans empathie.


On peut y mourir mais aussi tenter d’y vivre encore.

Si tant est qu’on puisse appeler vivre le fait que chaque geste, chaque parole y est plus ou moins maudite si elle ne rentre dans le moule formaté des édiles.

Car ces gens là ne peuvent envisager qu’on ne pense autrement qu’eux.

Ils ont cette vision étroite inculquée en hautes écoles : ils sont seuls à détenir toute vérité, l’erreur est au-delà de leur propre pensée.


Alors ils font ce qu’on leur appris à faire : ils décident.

Seuls contre tous ils décident.

Ils construisent les remparts qui les protègent de toute contradiction.

Ne sortent que parmi leurs « gardes dru corps », les amis qui sont comme eux, qui leur servent de paravent.

« On n’est pas au Qatar », qu’ils disent.

Non, c’est ici un Qatar qui ne montre jamais son vrai visage.

Un Qatar qui se planque pour accomplir ses basses oeuvres dans le silence complice de ceux qui voient mais ne disent rien.

Ignorants de la diversité nécessaire au maintien de la vie, ils posent leurs ombrières sur les places rendues stériles.

Qu’importe qu’on y grille : elles sont le symbole même de leur triomphe à bas prix…

Et de la mise à mort, sous leur domination sans partage, de notre Terre commune.


Xavier Lainé


3 août 2022