Il n’y a pas que cette poussière
À laquelle nous pourrions être réduits
Il y a ce malheur qui frappe à la porte de beaucoup
Cette poussière de mots qui viennent comme marée sur mes pages
Il n’y a pas que cette poussière
Il y a cette considération très haute d’eux-mêmes de certains
Qui les rend dominants dans un monde qui ne sait rien du partage
Et moi
Moi je suis là devant les mots qui me font leurs clins d’yeux
Qui sautent des pages et envahissent mes pensées
Qui suis-je donc à les recueillir comme perles de rosée précieuse
Déposée sur mes matins parfois si las
Qui suis-je donc à collectionner les mots des autres
À les saisir à doigts délicats pour les ranger dans les annexes de ma mémoire
« Et on essaye de lire, on ne comprend pas
Qui s’intéresse à nous dans la mémoire,
Sinon que c’est l’été encore ; et que l’on voit
Sous les flocons les feuilles, et la chaleur
Monter du sol absent comme une brume. »
(Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière suivi de Début et fin de la neige, éditions NRF Poésie/Gallimard, 1987/1991)
On essaye de lire, les mots lus sortent de la page et entament leur danse dans l’ardeur solaire d’un été sec, définitivement sec, radicalement desséché.
Mes doigts leur ouvrent la porte, ils passent la frontière invisible entre jour et nuit. Entre jour et nuit voguent les rêves que le monde engloutit.
Xavier Lainé
25 juillet 2022
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