lundi 8 août 2022

Comme le lierre 25

 




Il n’y a pas que cette poussière 

À laquelle nous pourrions être réduits

Il y a ce malheur qui frappe à la porte de beaucoup

Cette poussière de mots qui viennent comme marée sur mes pages


Il n’y a pas que cette poussière

Il y a cette considération très haute d’eux-mêmes de certains

Qui les rend dominants dans un monde qui ne sait rien du partage


Et moi

Moi je suis là devant les mots qui me font leurs clins d’yeux

Qui sautent des pages et envahissent mes pensées


Qui suis-je donc à les recueillir comme perles de rosée précieuse

Déposée sur mes matins parfois si las

Qui suis-je donc à collectionner les mots des autres

À les saisir à doigts délicats pour les ranger dans les annexes de ma mémoire


« Et on essaye de lire, on ne comprend pas

Qui s’intéresse à nous dans la mémoire,

Sinon que c’est l’été encore  ; et que l’on voit

Sous les flocons les feuilles, et la chaleur

Monter du sol absent comme une brume. »

(Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière suivi de Début et fin de la neige, éditions NRF Poésie/Gallimard, 1987/1991)


On essaye de lire, les mots lus sortent de la page et entament leur danse dans l’ardeur solaire d’un été sec, définitivement sec, radicalement desséché.

Mes doigts leur ouvrent la porte, ils passent la frontière invisible entre jour et nuit. Entre jour et nuit voguent les rêves que le monde engloutit.


Xavier Lainé


25 juillet 2022


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