jeudi 31 mars 2022

La guerre, sans fin 28

 



Photographie, Xavier Lainé, tous droits réservés


Alors tu vois je passe d’un livre à un autre et mon cerveau crée des liens.

Des liens invisibles que mes mots finissent par tisser sur les pages.

C’est comme un fil qui me lie du blanc immaculé aux pages noircies par tant et tant que se firent témoins.

Je me jette sur cet « Archipel du Goulag » que je n’avais pas lu adolescent, bien qu’ayant vécu en direct les tribulations de son auteur.

Non sans avoir été accusé d’en faire état en un temps où je fus communiste avant que ceux-là même me tournent le dos.

« Il reste les meilleurs » me disaient-ils avant de me montrer la porte à mon tour.

Mais si nous voulons comprendre la tragédie qui traverse le XXème siècle et se poursuit au XXIème, il nous faut nous pencher sur ces témoins.

Il nous faut décrypter en quelle naïveté nous ont jetées les idéologies mal pensées, d’un côté comme de l’autre de cette frontière que tracent les puissants sur la carte de nos existences.

Il me faut lire et puis ensuite écrire pour attraper le fil au hasard de mes errements de pensée.

Me fonder en une pensée errante, puiser dans mes doutes la force encore d’exister en écrivant pour ne rien perdre.

Me faire témoin à mon tour.


« La guerre n’a pas un visage de femme », « Les cercueils de zinc », « La supplication », « La fin de l’homme rouge » de Svetlana Alexievitch sont là, tous commencés, tous difficiles à finir car ils disent l’indéfinissable fil d’humanité sous les évènements de l’histoire (ceux qui seront retenus par l’histoire en oubliant le tissage du vivant qui est derrière).

Je termine « Ceux qui trop supportent », de Arno Bertina : je me dis qu’elle est là cette guerre sans fin que les peuples ne cessent de subir, non sans lutter pour ne pas sombrer, ou pour croire, avec une naïveté feinte, encore, en quelque chose qui pourrait être la « démocratie ».


Xavier Lainé


25 mars 2022


mercredi 30 mars 2022

La guerre, sans fin 27

 



Photographie, Xavier Lainé, tous droits réservés


Où commence la guerre, cette guerre qui n’en finit jamais ?


Bien évidemment chacun est libre de ses opinions.

Enfin, presque, c’est du moins ce qui est affirmé.

Nous sommes en démocratie, tout de même !


Mais…


Mais lorsque tu te trouves à un poste de responsabilité, tu n’es pas libre de tes opinions.

Pas libre de critiquer le pouvoir, sous peine de…

Pas libre, mais pas prisonnier non plus.

C’est la peur qui te retient.


De partout monte cette plainte, cette crainte.

Celle du déclassement qui te ferait tomber du haut de ton piédestal.

Alors tu te tais.

Tu te fais guerre à toi-même pour ne pas laisser tes propos, même sincères, filtrer.


C’est ici que commence la guerre de tous contre chacun, de chacun contre tous.

Dans cette méfiance, cette défiance.

Toute relation humaine combattue de l’intérieur même de l’être.

L’autre devenu suspect d’être vecteur de contagions.

Virus ou idées subversives, l’autre est suspect.

Dès lors se taire, comme acte d’auto-censure mais en proclamant être libre !

Libre d’avoir l’illusion d’être libre, tandis que la guerre fait rage, au sens propre comme figuré.


Xavier Lainé


24 mars 2022


mardi 29 mars 2022

Gammes

 




C'est l'histoire d'un carnet, et de mots écrits dedans au fil de la vie.

C'est l'histoire d'un carnet lentement retranscrit, réécrit, corrigé, lu et relu jusqu'à ne plus savoir qu'y changer.

C'est l'histoire d'un tapuscrit envoyé, à tout hasard et sans illusion auprès d'un éditeur qui semblait fiable.

C'est l'histoire d'un contrat trouvé et retourné avant d'être signé, pour être sur qu'il n'y ait pas d'entourloupe.

C'est l'histoire d'un livre paru sur lequel il semblait que l'éditeur s'engageait à faire sa promotion, donc à en faire circuler les exemplaires.

C'est l'histoire d'exemplaires qui n'ont eu d'existence que là où l'auteur est passé et nulle part ailleurs.

C'est l'histoire d'un mail reçu trois ans plus tard annonçant la mise au pilon des ouvrages, à moins que l'auteur ne les rachète.

C'est l'histoire, toujours la même, des illusions semées par ceux qui font profit du travail des autres.

C'est l'histoire d'un auteur qui ne cesse d'écrire mais, décidément, ne trouve aucune porte qui soit vraiment accueillante.

C'est l'histoire d'un auteur qui se contentera désormais d'écrire une belle oeuvre posthume, incapable de faire son auto promotion.

C'est l'histoire d'une filière du livre qui n'est finalement qu'une histoire d'argent, pas de littérature.


A bon entendeur salut !

Xavier Lainé

30 Mars 2022


NB. Vous pouvez toujours harceler l'éditeur en allant commander ce livre tant qu'il est toujours disponible : Gammes/Editions Le Lys bleu

La guerre, sans fin 26

 



Photographie, Xavier Lainé, tous droits réservés


« Une humanité éclairée, consciente de toutes ses potentialités dans une société écologiquement harmonieuse, n’est qu’un espoir et non une réalité présente ; un « devoir être », non un « étant ». Tant que nous n’aurons pas créé cette société écologique, nos capacités de nous entretuer et de dévaster la planète continueront de faire de nous une espèce encore moins évoluée que les autres. » Murray Bookchin, L’écologie sociale, éditions Wildproject, 2020


J’ai ficelé un peu plus mon drapeau de paix à ma fenêtre.

Pour qu’il ne s’incline plus ni à droite ni à gauche mais qu’il claque au vent, bien droit au milieu des tempêtes (qui ne viennent pas — et quand elles viendront, sans doute faut-il nous attendre à je ne sais quelle catastrophe).


J’ai ficelé un peu plus serré mon drapeau puisqu’il devra tenir longtemps avant que je puisse le ranger.

J’imagine mon bureau, mon lieu de travail comme une « ambassade de la paix », ce continent qui n’existe pas.

Furetant en la librairie Au coin des mots passants (à Gap — Hautes-Alpes), je découvrais une réédition de L’archipel du Goulag de Soljénitsine : son histoire était venue heurter de plein fouet mon adolescence finissante.

Mon premier lien avec le « bloc » qui couvrait cet archipel fut une correspondance avec une tchèque de mon âge.

Correspondance mystérieusement interrompue au moment du « printemps de Prague ». 

Je n’ai jamais su ce qu’était devenue ma correspondante. 

Juste ce souvenir du vide, lorsque les mots se furent arrêtés contre le rideau de fer, le mur.

Que celui-ci soit tombé en 1989 a-t-il vraiment changé quelque chose au triste sort du monde ?

Sinon faire tomber les peuples, d’un côté comme de l’autre, d’une illusion dans une autre, d’une dépossession dans une autre.


Xavier Lainé


23 mars 2022


lundi 28 mars 2022

La guerre, sans fin 25

 



Photographie, Xavier Lainé, tous droits réservés


« Riens » qui sont tout un monde à reconstruire.

Car dépossédés depuis des années de tout pouvoir sur leur propre existence, il leur faut tout réapprendre.

Ou, du moins, ne plus se laisser embarquer dans l’illusion qu’un sauveur, fut-il le mieux intentionné, ferait le mieux pour eux.


Il n’est que trop lisible, ce monde de la dépossession.

Il se décline en flot de misères, en noyés fuyant les massacres, en morts de froid sur les trottoirs de nos villes, devant les vitrines rutilantes mais inaccessibles.

Les organisateurs de ce chaos ont des noms, des visages, ils émargent parfois sur les impôts de ceux qui en paient.

Ils se gavent tandis qu’on crève devant leurs portes royalement défendues par les cerbères à leur solde.

De ce chaos il tirent encore plus de pouvoir, semant le doute et le désespoir dans les esprits égarés.


Il est temps et heure de sonner le réveil des peuples et le glas des esclavagistes.

Il est temps que la peur et le doute changent de camp.

Resterons-nous sur ce seuil, avec pour seule perspective, celle promise d’un monde toujours plus insupportable et invivable ?

Ou prendrons-nous le temps de nous mettre à l’oeuvre, de saisir l’occasion de reconstruire ce qui a été méticuleusement détruit ?


Imaginons un instant l’onde bénéfique qui traverserait le monde si un peuple comme le nôtre reprenait en main son propre destin !

Imaginons la traînée de poudre d’espérance qui serait semée, et l’enthousiasme de vivre retrouvé !

Car c’est au fond, là que nous puiserons notre capacité à vivre en paix.


Xavier Lainé


22 mars 2022 (2)


dimanche 27 mars 2022

La guerre, sans fin 24

 



Photographie, Xavier Lainé, tous droits réservés



Je me souviens de ce jour

De cette nuit de bombes incendiaires

Cette fois là

C’était Bagdad

Sous les tirs américains


Et la foule immense dans les rues du monde

Une foule comme jamais vu

Qui disait qu’il ne fallait pas


Et dans la nuit j’écrivais

« La mille et unième nuit c’était hier »

Pour Shéhérazade qui pleurait

Assise sur les ruines


Combien d’autres ont pleuré

Sous les bombes russes

À Idleb et Alep

Sous les bombes françaises

À Tripoli ou Bamako

Ou encore au Yemen


Combien d’autres

Combien de larmes

Tandis qu’autour des corbeilles du monde

Les plus riches se réjouissent

Et spéculent

Sur les larmes des autres

Ces pauvres « rien »

Qui sont tout un monde


Xavier Lainé


22 mars 2022 (1)


La guerre, sans fin 23

 



Photographie, Xavier Lainé, tous droits réservés



Car au fond, la tragédie est ici : elle jaillit de cette guerre continue que les dominants font supporter aux dominés.

Font supporter et en font les acteurs principaux.


Je me souviens.

J’étais étudiant à Paris et louais un petit deux pièces au septième étage sans ascenseur, non loin de la rue de Charonne.

Sur le même palier dont nous partagions les toilettes, vivait, dans un petit appartement à peine plus grand que le mien, un vieil homme.

Souvent, le dimanche, je profitais de mon temps libre pour lui remonter pain et croissants de bon matin, ainsi que son journal.

Le midi, il venait discrètement frapper à ma porte pour m’inviter à boire un apéritif avec lui. Sa langue se déliait alors et il me parlait de ses souvenirs de guerre qu’il avait vécue dans les Balkans.

Il me décrivait l’horreur et la surprise d’en être sorti vivant.

« Mais », me disait-il, « pendant que nous risquions nos vies dans les tranchées des Balkans, d’autres de notre âge, jouaient à la roulette dans les casinos de Monaco ! »

Logique implacable, vies d’apocalypse et moralité réaliste : ceux qui vont se faire étriper à grands coups de baïonnettes ne sont pas ceux qui fomentent les conflits.

Ceux-là, jouent à la roulette et engrangent les bénéfices dans les corbeilles du monde.


C’est toute la tragédie, qui semble aujourd’hui un peu écornée : que les peuples qui ne veulent pas la faire finissent par, comme le prétend l’histoire officielle, aller faire la guerre la fleur au fusil et en chantant des chants patriotiques.

Tragédie enfin un peu écornée puisque les voix discordantes montent dans le silence pesant des pantoufles médiatiques.


Xavier Lainé


20 mars 2022 (2)


vendredi 25 mars 2022

La guerre, sans fin 22

 



Photographie, Xavier Lainé, tous droits réservés


Il me faut documenter cette chose, cette quasi évidence, de plus en plus anthropologiquement fondée : guerres et dominations ne sont pas incontournables.

Rien ne justifie que les humains soient pire que loups pour eux-mêmes.

Que l’éducation, l’histoire, la philosophie répande l’idée que la violence est inéluctable, biologiquement intrinsèque à notre état d’hommes, devrait nous interroger.

Or non : le tour de force est d’avoir fait admettre comme un évidence ce qui ne ressort nullement des études un peu sérieuses que médias et pouvoirs se gardent bien de divulguer.

À qui profitent ces omissions ?


Il me faut me faire le témoin de cette abomination qui consiste à inculquer aux enfants l’idée d’une violence génétiquement banalisée.

De tous temps la guerre aurait été, car l’homme lui-même en aurait forgé les armes, comme un atavisme incontrôlable.

Il me faut donc aussi documenter cette chose incroyable : qu’une majorité d’humains dont la soif de paix est immense puissent se laisser envahir par une idée fausse d’eux-mêmes au point de s’en porter garants.


« Le virus qui atteint les hommes dans ce qui avait donné ses meilleurs chances à l’espèce, son intelligence, se propage en épidémie.

Les terrifiantes activités de ceux qui sont atteints par ce virus rappellent celles des organismes qui s’entredévorent dans les « écosystèmes », sauf que les déséquilibres qu’ils déclenchent ne se rééquilibrent jamais. Insoupçonnable deux millénaires plus tôt, ce chiendent dévaste les luxuriants jardins mésopotamiens. » Catherine Claude, L’enfance de l’humanité, éditions L’Harmattan, 1997


Rien ne semble justifier la soumission à des dogmes non établis.

Et pourtant je l’entends tous les jours : c’est de l’homme lui-même que jaillirait la haine.


Xavier Lainé


20 mars 2022 (1)


jeudi 24 mars 2022

La guerre, sans fin 21

 



Photographie, Xavier Lainé, tous droits réservés


Si lointaine sont les rumeurs

Qu’indifférents au sort du monde

Laissent trainer dans leur sillage


Emportés par le vent des cimes

Les masques de la soumission

L’égarement des esprits perdus


Rares plaques de vieille neige

Résistent encore à l’assaut 

D’un climat qui s’échauffe

À rendre la vie délicate

Sur les rives assoiffées

Où vont peuples errants


*


Guerres sans fin qui jamais ne délivrent

Du poids insensé des tourments et tourmentes

J’ai fui

Et je fuirai encore

Pour ne point succomber

Sous le poids gigantesque

Des exploitations honteuses


J’ai sans doute perdu d’avance

Ils le disent eux-mêmes

Dans la guerre des classes

Ils ont l’assurance morbide

De sortir vainqueurs


Xavier Lainé


19 mars 2022


mercredi 23 mars 2022

La guerre, sans fin 20

 



Photographie, Xavier Lainé, tous droits réservés



« Inestimable et coûteux : voilà les deux qualificatifs qu’il fut impossible de concilier dans un monde où l’économie n’est plus un outil d’intendance mais de pouvoir, un monde où ce qui n’a pas de prix ne vaut rien. » Stéphane Velut, L’hôpital, une nouvelle industrie, la langage comme symptôme, Tract Gallimard n°12, 2020


Qu’importent donc les conflits, les misères, les exils, les famines : tout fait ventre en monde réduit à l’économie de marché.

Nul ne les voit, les commanditaires, ceux qui dans le secret des affaires, spéculent sur votre soif, votre faim.

Ils anticipent toutes les guerres puisqu’ils les mènent avec la certitude que l’ampleur de leur gain signe leur victoire.

Les poches bien pleines, ils ne fréquentent que leur propre milieu, ne mettent leurs enfants que dans les écoles à leur image, bien propres sous tous rapports.

Car tout dans leur règne est histoire de rapport.

Au besoin, ils n’hésitent pas à utiliser leurs mercenaires pour presser un peu plus le citron salarial.

En ceci, finalement, cette condition vaut mieux que celle des esclaves, car ils obtiennent à moindre frais la soumission sous la menace du déclassement.

Ils règnent sur la dépossession des peuples.


Lorsque ces derniers, las, en viennent aux mains, ils font encore de l’argent en fournissant les armes de la déchéance.

Les enfants noyés ne les émeuvent pas plus que les ventres gonflés par la famine.

Les larmes versées, ils n’en prennent jamais connaissance.

Leurs yeux ne voient que les courbes économiques sur les écrans de leur intelligence artificielle, tellement artificielle qu’elle en oublie d’être intelligente.

Car sans coeur, l’humain n’a pas d’autre esprit que celui d’un robot.


Xavier Lainé


18 mars 2022


La guerre, sans fin 19

 



Photographie, Xavier Lainé, tous droits réservés




« Le grand nombre, de par sa nature, n’obéit pas à la honte mais à la peur ; il ne se garde pas non plus des vilaines choses parce qu’elles sont laides, mais parce qu’elles entraînent des punitions. C’est que, vivant au gré de son affection, il poursuit les plaisirs qui lui conviennent personnellement et cherche les moyens d’avoir ces plaisirs-là, tout en fuyant les peines opposées ; quant à ce qui est beau et vraiment agréable, il n’en a même pas l’idée, puisqu’il n’y a jamais goûté. » Aristote, Ethique à Nicomaque


« Le nez dans le guidon » : ça revient si souvent !

C’est comme un refrain : « Le nez dans le guidon ».

Et pas moyen de regarder plus loin.

Tant pleuvent les mauvaises nouvelles du monde.

Tant s’acharnent les mauvais traitements, les contraintes multipliées.

« Le nez dans le guidon » : combien de fois par jour ça revient, puis ça tourne dans ma tête la nuit, le jour, sans fin.

Ce serait quoi, vivre sans « le nez dans le guidon » ?


Pas moyen de savoir.

Faut se contenter de slalomer entre les écueils, de rester encore un peu droit dans ses bottes, avec sourire contraint.

Avec sourire contraint pour ne rien montrer de l’affaissement.

Ne rien montrer du souci des fins de mois qui commencent tellement tôt que parfois, le mois, il n’a même pas le temps de démarrer que déjà la ligne rouge est franchie.

Ne rien montrer pour ne pas avouer la moindre faiblesse.

Faut serrer les dents, s’empêcher de respirer entre le cancer des uns, la pandémie des autres, et les menaces guerrières des mâles en rut.

Faut serrer les dents pendant que gamin élyséen joue à la guerre sur ses photographies publicitaires.

La plastique de ce temps n’offre rien au vivant, juste sa façade vaguement plâtrée d’un mauvais rimel.


Xavier Lainé


17 mars 2022


lundi 21 mars 2022

La guerre, sans fin 18

 



Photographie, Xavier Lainé, tous droits réservés



« L’aristocratie se change en oligarchie, à cause du vice des gouvernants, dès lors que ceux-ci distribuent les faveurs de la Cité en dépit du mérite, c’est-à-dire se réservent à eux-mêmes tous les biens ou la très grande part et attribuent toujours les pouvoirs aux mêmes personnes avec le souci presque exclusif de s’enrichir. » Aristote, Ethique à Nicomaque


Tout change donc et rien ne bouge.

Mais toujours ce moyen de l’aristocratie de se métamorphoser en s’appuyant sur l’exclusion et la soumission.


Elle fait le tri : ceux qui sont utiles à son profit d’un côté, les autres, les « inutiles », les « nuisibles », les « riens », de l’autre.

Toujours ce souverain mépris qui est l’image de marque de cette guerre des classes qui défie le temps.

Une guerre sans fin, me disais-je aux premiers coups de canon dans l’Est européen.

Une guerre sans fin qui est celle des esprits dominateurs étriqués contre tout ce qui bouge, vit, s’émeut, aime.


Ne croyez pas que le tri ne se fasse qu’entre exilés.

Car pendant que les regards sont tournés à l’Est, ici les discriminations vont bon train.

Certes, après ton entretien d’embauche, on n’a pas ajouté, pour te refuser le poste, ton origine, on a juste fait remarquer, tare horrible, que tu n’étais pas vaccinée. 

Ils auraient pu aussi t’opposer ton faciès, ta religion, dans cet hôpital défiguré.

Ils auraient pu.

Car, au pays des droits de l’homme, n’ont de droits que ceux qui se soumettent à la conformité décrétée en oligarchie stupide.


Xavier Lainé


16 mars 2022


dimanche 20 mars 2022

La guerre, sans fin 17

 



Photographie, Xavier Lainé, tous droits réservés



« N’est pas un roi celui qui ne se suffit pas à lui-même et n’est pas supérieur sur tous les plans du bien ; or un homme de cette qualité n’a besoin de rien en plus ; donc, les intérêts qu’il a en vue ne sont pas les siens à lui, mais ceux des sujets qu’il gouverne. » Aristote, Ethique à Nicomaque


Dans nos rêves nous aurions le pouvoir.

Et ce pouvoir ne ferait pas la guerre.

Ce pouvoir aurait la compassion et la compréhension pour adage.

Juste dans nos rêves.


Car pour de vrai

Aucun pouvoir n’oeuvre pour le bien de tous.

Aucun.


Lorsqu’ils décident la guerre, c’est juste pour satisfaire à la folie d’une minorité voir même d’un seul agissant comme un tyran sur son propre peuple.

Mais par ignorance parfois, ces peuples là se lancent avec vaillance dans la mésaventure.

Amis ou ennemis, tous en ressortent meurtris.


Car où le crime se répand les plaies sont à jamais ouvertes.

Si rémission est possible, jamais pardon ne s’impose.

Comment pardonner la souffrance et la mort ?


C’est là que la grande confusion se saisit des esprits égarés.

On assimile les peuples aux bourreaux qui les mènent à l’abattoir.

On oublie que sans tyrans, les fusils n’auraient jamais parlé.

Or ils causent en ce monde.

Et nos tyrans « démocratiques » font le tri entre bonnes et mauvaises victimes.


Xavier Lainé


15 mars 2022


jeudi 17 mars 2022

La guerre, sans fin 16

 



Photographie, Xavier Lainé, tous droits réservés


« Notre société permet tout ce qui ne la dérange pas. Si ce n’est plus tout à fait vrai aujourd’hui et s’il y a crise, c’est que l’intérêt immédiat des hommes du pouvoir est en contradiction avec les valeurs qui fondent leur pouvoir. Il leur faut, par exemple, favoriser la consommation, qui les enrichit, au détriment de la morale, qui les légitime. Pour la première fois, le pouvoir s’établit sur la confusion et non plus sur l’ordre. Il s’ensuit un mensonge généralisé, dont la langue est malade. » Bernard Noël, La pornographie, Editions Gallimard, 1990


La différence est de taille, mais ce qui sépare l’un de l’autre en terme de résultat, est bien mince.


Le dirigeant formé aux techniques du KGB :

Ne supporte aucune opposition ou contestation

Emprisonne toute personne se dressant sur son chemin

Ou pire commandite les crimes les plus odieux

Fomente les guerres les plus atroces au nom de la grandeur de son pays

Mais droit dans ses bottes assume ses origines


Le dirigeant formé aux techniques du néo-libéralisme

Ne supporte aucune contradiction ou contestation

Sans apparente violence use d’une sensure jouant sur les mots

Poussant toute personne ayant quelque chose à dire à l’autocensure

Lorsque l’opposition se répand sur le pavé

Il lui envoie sa maréchaussée

En éborgne, mutile ou met en détention provisoire

Au nom de « lois d’exception anti-terroristes »

Ce qui tout de suite invite les opposants à rester chez eux

Mais droit dans ses bottes vous affirme toujours agir pour « la défense de la démocratie ».

Et, bon enfant, vous le croyez sur parole.

Lui, use et abuse de votre crédulité.


Xavier Lainé


14 mars 2022


mercredi 16 mars 2022

La guerre, sans fin 15

 



Photographie, Xavier Lainé, tous droits réservés



« La censure bâillonne. Elle réduit au silence. Mais elle ne violente pas la langue. Seul l’abus de langage la violente en la dénaturant. Le pouvoir bourgeois fonde son libéralisme sur l’absence de censure, mais il a constamment recours à l’abus de langage. Sa tolérance est le masque d’une violence autrement oppressive et efficace. L’abus de langage a un double effet ; il sauve l’apparence, et même en renforce le paraître, et il déplace si bien le lieu de la censure qu’on ne l’aperçoit plus. » Bernard Noël, L’outrage aux mots, Editions Gallimard, 1990


On dit mes propos moins poétiques que politiques.

Pour rappel :  Poésie, n.f. est emprunté (1370) au latin poesis « genre poétique », en particulier « oeuvre poétique, poème », lui-même  emprunté au grec poiêsis « création, fabrication », « action de composer des oeuvres poétiques », « genre poétique », « poème », dérivé de poiein : « faire », « fabriquer » mais également « causer », « agir » (Source :Dictionnaire historique de la langue française)


La question qui vient : est-ce que, limiter le sens du mot à la forme que prend l’expression poétique ne relèverait pas d’une forme de « sensure » (mot inventé par Bernard Noël pour exprimer les formes non avouées de censure sous le régime capitaliste libéral) ?

Nous y sommes tellement habitués, à cette déformation du langage qui fait qu’un mot prononcé perd toute signification, que tout discours selon l’agencement des mots peut signifier tout et son contraire.


Une façon très douce d’emberlificoter chacun dans l’incompréhension pour mieux détourner l’attention.

Là, bien sûr, vous vous dites : « mais qu’a-t-il dit vraiment ? »

Et tandis que le drapeau de l’incompréhension vous plonge dans l’expectative et le doute, les bonimenteurs peuvent agir à leur guise.

Saviez-vous que sous l’empire romain, les érudits se trouvaient parmi les esclaves ? Mais que, sous le régime esclavagiste capitaliste, apprendre à lire était interdit, tout noir qui était surpris à savoir lire pouvant être puni ?


Xavier Lainé


13 mars 2022