mercredi 30 décembre 2020

Entre crépuscule et aurore 14

 




Ils voudraient nous extirper contre notre gré de toute humanité.

Quoique, contre notre gré, pas si sur.

Sans énergique protestation, nous serions plutôt consentants.


Qu’une minorité agisse ne fait que souligner la culpabilité des consentants.

Ce silence assourdissant qui bât au rythme des peurs générées.


Ce silence est troublant qui se fait symptôme d’une souffrance à bas bruit.


« Si une chose perçue suscite en vous une émotion douloureuse, elle sera inconsciemment supprimée ou niée afin d’éviter cette douleur, angoisse ou peur, quitte à ce que le déni conduise à des décisions désastreuses. » 

(Jared Diamond, Effondrement, éditions Gallimard, 2006)


Nous en sommes là : au déni et aux décisions désastreuses.

Ainsi peut s’expliquer le silence pesant, les regards apeurés sous les vains masques.

Tu marches seul sur des trottoirs glacés : de qui te protèges-tu en ne montrant pas ton visage ?

Etrange alchimie qui lentement distille la bêtise, l’absence de réflexion, de pensée (le gros mot est lâché).


Nous marchons, dans une aurore aussi blafarde que nos visages absents.

Fantômes d’un temps où nous avions l’ambition de devenir toujours mieux humains.

Absents à nous même sous ce joug viral si facile à manipuler.

Esprits fragilisés de devoir survivre au lieu de vivre, nous voici proies faciles aux angoisses malignement distillées.

Tu crois encore en l’aurore, c’est pour ouvrir les yeux sur une nuit orchestrée.


Xavier Lainé


14 décembre 2020


Entre crépuscule et aurore 13

 




« Le capitalisme ayant déréalisé le réel est en cela devenu psychotique lui-même. Il n’a pas seulement perdu l’esprit : il a perdu la raison. »

Bernard Stiegler, Dans la disruption, comment ne pas devenir fou ? Éditions Les Liens qui Libèrent, 2016


Te voilà coincé.

La nuit est sans fin.

Un éternel solstice d’hiver, ils t’offrent un éternel solstice d’hiver.

Tu aurais cru pourtant, de pavés en pavés battus de milliers de pas, sortir de l’hiver, sortir de la nuit.

Une clarté blafarde parfois anime ton regard.

Elle s’éteint très vite sous l’injonction de cacher ce visage qu’ils ne sauraient voir.


Un sourire, sais-tu ?

Juste un sourire, juste un baiser, ce petit geste qui réchauffe l’âme engourdie d’avoir trop attendu.

Elles sont si froides les branches nues.

Elles ne cachent plus l’ombre secrète des oiseaux.

Elles tremblent sous la caresse glacée d’un vent tumultueux.

Tu trembles à leur unisson.


Plus rien qui relève de l’esprit ne trouve grâce.

Ils veulent nous imposer le silence de la mort.

Ils veulent nous apprendre à dompter nos tendresses.

Ce sont des tue-l’amour qui gouvernent nos existences.

Leur visage impassible tient d’une plastique irréelle.

Pas une émotion, pas une empathie, rien qui puisse transpirer de leur attitude.

Ils sont sortis de notre humaine condition.


Xavier Lainé


13 décembre 2020


lundi 28 décembre 2020

Entre crépuscule et aurore 12

 




De mise en ordre en rangement, voici que surgissent d’une longue nuit les traces.

Ce sont preuves écrites d’une vie d’avant qui flambait encore sous le nom d’enthousiasme.

Voici le mot bouclé, éreinté sur l’autel des nécessités.

Tu ne vis plus, tu gagnes chaque jour un jour de plus à survivre.


Ecrire est le dernier filin qui te relie au vaisseau terre.

Tu ne sais pas quoi en faire, mais il est bien là, le fil.

Il te tient depuis si longtemps qu’il envahit tout l’espace et que tu n’auras pas assez de ton restant de vie pour y mettre un peu d’ordre.

Malgré tous tes efforts, il t’en échappe toujours des fragments.


Parfois les mots retrouvés se font couteau dans ta plaie de survivre.

Tu aurais aimé qu’il en fut autrement.

Tu en as tellement rêvé d’une vie tendre et paisible où l’art trouverait toute sa place.

Tu ramasses, en milliers de pages éparpillées, les fragments de ton espérance.


Toujours tu te seras heurté à ce monde.

Toujours tu auras tendu tes mains fiévreuses au secours de toutes les souffrances.

Toujours tu seras resté, au crépuscule de tes jours, sur ta faim d’humanité.


Ce monde s’est spécialisé dans la fabrication des monstres.

Ceux-là qui exigent, vitupèrent, revendiquent, rien que pour eux, toutes formes d’existence, sans rien donner.

Ce monde ne sait plus ce qu’est le don, le don de soi, l’oubli de soi pour offrir mots en partage.


Xavier Lainé


12 décembre 2020


Entre crépuscule et aurore 11

 




Tous suspects, savez-vous, tous suspects.

La vie elle-même devient suspecte.


C’est vrai : de quel droit encore semer poussières de vie ?

La danger est réel de respirer encore à l’air libre.

Aimer à l’air libre.

S’embrasser à l’air libre.


C’est pourtant vital, une étreinte, un baiser, un soupir sur une épaule accueillante.

C’est vital mais désormais, interdit.

Les mots manquent.

L’amour manque.

L’enthousiasme manque.


Devant l’âtre tes yeux tombent de fatigue.

Tenir la vie à bout de bras quand tout l’invite au naufrage.


Mais comment faites-vous pour vivre si légers ?

Les mots ont le poids des larmes nuageuses.

Une bruine se répand qui annonce la neige.

Mais la neige ne vient pas.

Difficile de déposer un manteau immaculé sur la boue.


Même plus parler de comédie ou de drame.

Suspects les mots, suspectes les pensées en pays éventré.

Ne restera bientôt que carcasse rouillée du navire abîmé.

Le poème est un petit caillou blanc posé sur un chemin de nuit.

Tu attends l’aube penché sur tes rêves de douceur.

Une main viendrait sur ton épaule t’inviter au baiser.


Xavier Lainé


11 décembre 2020


dimanche 27 décembre 2020

Entre crépuscule et aurore 10

 





Entristes, les coucous sont légion.

Ils s’infiltrent partout, jettent hors du nid ce qui les dérange.

Ils sont une plaie pour toutes les espèces.

Ils sont une plaie ouverte dans le flanc de l’humanité.


Ici et là arrivent les échos de magouilles.

En territoire privé de libertés essentielles, certains trouvent ici raison de vivre.

Ils s’infiltrent comme l’eau dans la moindre faille.

Ils font éclater les murs aux premières gelées.

Un jour, tu te réveilles sous un tas de gravats.


Il nous reste nos mots puisque jusqu’en nos gestes ils nous contraignent.

Il nous reste nos mots pour nous embrasser, nous envoler en folles étreintes.

Ayant oeuvré à la perte du sens, ils ne peuvent comprendre ce que disent nos mots.

N’ayant jamais vécu, comme nous, la nécessité de lutter, ils ne peuvent comprendre notre capacité à contourner les règles imbéciles.


Il nous reste nos mots comme il nous reste la vie.

C’est dans ce souffle, dans cette encre que nous trempons plumes de révolte.

Qu’importe leur dictature, leur volonté de nous choquer, nous sidérer, la vie est un fleuve souterrain patient.

Ils ne pourront en empêcher, un jour ou l’autre, la résurgence impétueuse.

Nos mots se feront bouclier contre leurs armes létales.

Nos mots se feront bélier pour jeter à bas les murs dressés entre et contre nous.

La peur a bien failli changer de camp. Nous remettrons le couvert.


Xavier Lainé


10 décembre 2020


samedi 26 décembre 2020

Entre crépuscule et aurore 9

 




Nous renverserons l’ordre établi d’un royaume à l’agonie.

Nous descendrons rois et princes de leur trône sans jamais les remplacer.

Ce sera le règne du peuple.

Celui de la culture et de l’imagination.

Au ministère des rêves nous placerons des peintres et des poètes.

Si nous en avons encore besoin.


Car


Nous pourrions décider d’avoir chacun notre parcelle de pouvoir.

Pouvoir sur nos vies.

Pouvoir sur nos imaginaires.

La parole ne serait plus vaine à prononcer.

Elle serait audible autour de et par chacun, sans autre subterfuge que la rencontre.


Nous déclarerons la démocratie de l’amour.

Nous rendrons l’amour vivable en prenant soin d’en limiter les contraintes.

Adieu familles closes bâties sur le modèle d’une bourgeoisie éculée.

Nous serons libres.

Libres de nous aimer, de nous rejoindre, de nous séparer sans heurts ni vaine haine.

Nos enfants ne seront nos enfants qu’à travers de l’amour à leur offrir.

Nous ne les enfermerons pas dans le bocal des idées convenues et jugées convenables.


Pour réparer les plaies ouvertes d’un monde agonisant, nous devrons utiliser le baume des libertés reconquises.

Liberté d’imaginer le monde et nos vies à l’unisson de nos désirs et de nos rêves fous.


Xavier Lainé


9 décembre 2020


jeudi 24 décembre 2020

Entre crépuscule et aurore 8

 




C’est là tout notre héritage.

Une immense régression dont nous ne voulions pas.

Nous avons lutté, savez-vous.

Le monstre avait tant de têtes et la peur fut immense.

La peur et l’isolement.

Nous n’eûmes point assez de bras, de mains, d’intelligences pour venir à bout de l’hydre.


Non que nous nous soyons avoués vaincus.

On n’affronte pas le dragon de l’ignorance institutionnalisée à mains nues.

Il aurait fallu des armes.

Le ver dans le fruit gagnait en force et nous en faiblesse.

Chaque fruit infecté par le virus du découragement était un point marqué pour les monstres.

Ils avançaient à bas bruit, ne nous laissaient aucune chance.

Ils gangrenaient notre propre culture, la vidait de tout sens.

Ils vidaient les mots eux-mêmes de leur signification.


On ne construit pas un monde à dimension humaine sans intelligence.

Il leur fallait des imbéciles.

Ils ont tout mis en oeuvre pour façonner les esprits à leur service.

Qu’un jour un seul le couvercle immonde soit soulevé, ce fut un déchainement ignoble de violence.

Ils se terrent désormais en leurs palais et montrent leur vrai visage.

Le masque du bon bourgeois avenant s’est fissuré devant la montée des « riens ».

Ils se montrent au grand jour : ils ont le mufle court des dictateurs de tous les temps.

Ils avaient parié sur l’idiotie, mais la faim finit toujours par renverser la tendance.


Xavier Lainé


8 décembre 2020


mercredi 23 décembre 2020

Entre crépuscule et aurore 7

 




« Par la dénégation, nous, les démoralisés que nous sommes tous plus ou moins, tentons cependant de garder le sommeil — et ce qui l’accompagne de rêves —, mais nous dormons et rêvons de moins en moins. » (Bernard Stiegler - Dans la disruption, comment ne pas devenir fou ? Éditions Les Liens qui Libèrent, 2016)


Avec ses millions de pauvres et de laissés pour comptes, est-ce bien ton monde ?

Est-ce bien le mien, le nôtre, celui qui nous réconcilierait avec nos rêves ?


Ma génération pourtant n’a cessé d’y croire.

Ce n’était hélas que croyance dans un monde coupé en deux et qui finirait par se réunifier mais sous l’égide du pire.

Pourtant nombreux, nos mots n’eurent aucune influence sur le sort du monde.

De coup d’Etat et fausses démocraties, regarde en quel pitoyable manège nous avons été étourdis !


Adoptant les formes du passé comme lois immuables, prisonniers de dogmes sans fondement, les malins qui tenaient les cordons de la bourse riaient !

Ha ! Comme ils riaient de nous voir, comme papillons de nuit, brûler nos ailes aux lumières des « -ismes ».

Puis retomber dans l’ornière de nos petites familles bien sages, de nos petites maisons achetées à force de crédits, hypothéquant nos vies avant même de les avoir vécues.


Pitoyable spectacle qu’une génération enfermée dans l’impasse.

Pitoyable image que nos échines lentement courbées sous le joug de la sainte consommation.

Pitoyable résultat obtenu sous les coups des forces du désordre.


Xavier Lainé


7 décembre 2020


mardi 22 décembre 2020

Entre crépuscule et aurore 6

 




Tu vis ou tu fais semblant ?

Ce serait quoi, vivre, pour toi ?

As-tu une idée, même minuscule, du monde qui serait tien ?

Un monde qui te permettrait de vivre pleinement ?

Ce serait quoi, pour toi, vivre pleinement ?

Ce serait quoi, dis, ce serait quoi ?


De quels rêves te souviens-tu ?

T’arrive-t-il encore de sentir ton esprit errer à la surface de ce temps glauque, partir vers un ailleurs respirable ?

Que serait un monde respirable, pour toi ?

Que serait un monde libre pour toi ?

Juste un monde qui te permettrait de consommer jusqu’à l’ivresse ?

Un monde où il ferait bon aimer et s’aimer librement, sans la crainte des jugements ?

Un monde corseté et avide, qui te laisse épuisé à chaque crépuscule, douloureux en chaque aurore ?

Un monde qui te voit t’user au fil du temps et vieillir seul dans un établissement sans humanité ?


Ce serait quoi, ton utopie ?

Saurais-tu t’autoriser à t’en construire une ?

Ton monde utopique finit-il vautré devant des télévisions toujours plus avilissantes ?

Ton monde, se déclinerait-il en longs cortèges de caddies dans les supermarchés du désespoir ?

Ton monde te traiterait-il de « rien », de chose remplaçable, d’individus prêts à mourir car non « rentable » ?


Regarde donc celui-ci, aurais-tu encore la force de le regarder ?


Xavier Lainé


6 décembre 2020


Filigranes 106

 


J'aurais aimé vous offrir ici la version PDF de ce beau numéro de Filigranes qui paraîtra en version papier début janvier. Mais voilà, le culte de l'image étant roi, impossible de joindre le document : merci Blogger !

Si toutefois vous souhaitez vous joindre à la revue, la soutenir, vous y abonner, y écrire, c'est ici : Filigranes la revue

Et puis, si par hasard vous arriviez à vous la procurer, vous trouverez entre les pages un nouveau texte de votre serviteur, car heureusement, l'écriture, elle est un espace de liberté qui n'obéit à aucun confinement.

Xavier Lainé

23 décembre 2020


lundi 21 décembre 2020

Entre crépuscule et aurore 5

 




De quoi saurais-je être encore porteur en ce monde ?

Quelque chose a failli en nos vies.

Toute une génération incapable d’imposer l’autre monde dont elle rêvait.

Anéantis par le néant abyssal ouvert derrière nous, aurions-nous encore le moindre mot d’encouragement ?

Pardon aux enfants, pardon aux générations suivantes, à celles qui vont arriver, une fois notre dernier tour de piste effectué sous les huées.


Nous n’avons rien vu venir.

Nous avons manifesté sans rien voir.

Sans rien voir de l’héritage absurde ni des discours vains.

Marx et Engels érigés en dieux au panthéon de l’avenir, nous brandissions nos pancartes dans un monde figé d’avance.

Un mur se dressait et nous n’avions pas d’échelle pour voir au-dessus.


Nous sentions bien pourtant l’impasse et le mur.

Un jour, nous l’avons démoli, ce mur bien réel, sans voir qu’il n’était que le couvercle d’une boite de Pandore terrible.

Nous n’avions pas la hauteur de vue.

Il n’est resté que l’impasse.

Nous n’avions ni hauteur de vue, ni moyens de dépasser les outils propres à laver les cerveaux.


Nous avons brisé le mur.

Nous avons cru au symbole d’un homme noir entrant en Maison Blanche.

Nous avons avalé toutes les couleuvres d’un monde livré aux plus grossiers appétits.

Une génération s’est perdue dans les filets d’un nihilisme tournant à la farce.

À la farce si celle-ci ne se chiffrait en million de victimes.


Xavier Lainé


5 décembre 2020

dimanche 20 décembre 2020

Entre crépuscule et aurore 4

 




J’ai entendu ta voix.

C’était lorsque mon regard croisait celui d’une lune descendante.

Il faisait beau, je t’assure.

Comment deviner les larmes du matin, dans un crépuscule radieux ?


J’ai entendu ta voix.

J’aurais aimé savoir t’ouvrir mes bras.

Je n’ai pas osé.

Je n’ose plus.

Trop peur de te froisser, de t’offenser.


J’ai entendu ta voix.

Elle coulait dans ma gouttière au lever du jour.

Elle tombait en fines gouttes sur les fenêtres de mon toit.

Elle roulait aux caniveaux d’un temps qui ne sait plus rien.

Plus rien de l’amour, plus rien de la douceur, de la tendresse, de l’insouciance.


J’ai entendu ta voix.

Il est si doux et tendre cet espace de nuit où laisser s’affairer nos rêves.

Il est si doux d’imaginer encore l’amour, debout dans le nu d’un petit jour radieux.


Je t’ai si souvent rêvée.

Je t’ai si souvent aimée.

Je t’ai si souvent, mais en rêves seulement, comblée.

Pour de vrai je n’ai jamais su.

Je me suis toujours replié sur mes doutes.


La vie s’est écoulée par désespérantes bouffées d’amour sans lendemain.


Xavier Lainé


4 décembre 2020


Résistance poétique - Acte 6

 

Qu'importe que le temps soit gris, si nos humanités s'affichent en cortège de poèmes.

C'est tout un territoire libéré dans l'envolée des mots.

Et s'il n'en était qu'un seul à s'arrêter pour lire, voici que la petite flamme du "non essentiel" reprendrait de sa vigueur.

Xavier Lainé

20 décembre 2020














Entre crépuscule et aurore 3

 






Entre crépuscule et aurore, contre quoi, quels fantômes te bats-tu ?

Te voici matin, marchant sous gelée profonde.

Te voici fourbu, brisé, en petits morceaux.

Est-ce ainsi qu’il nous faut vivre ?

Brisés, fourbus, en mille morceaux ?


Une lune tendre accompagne tes pas.

Mille moineaux s’égayent sur ton passage.

Une douleur lancinante te taraude l’épaule.

Trop de poids à porter, trop de colère qui couve.

Depuis si longtemps tu marches sur des débris de vie !


Puis vient le jour, me voici plus douloureux que vous.

Un soleil froid chasse les petites brumes.

Vous entrez, je ne tente même pas de faire semblant.

Le corps à corps s’engage, qui va triompher ?

Mes mains tentent de ne pas trembler.


Quelque chose se brise sans cesse en cette vie.

Quelque chose qui fait du poème un radeau.

Médusé je contemple mes mots suivre leur cours.

C’est comme un fleuve qui me rassure de sa continuité.

Mais qu’importent mes mots dans les laves de souffrance générées ?


Parfois je ne cesse de me déclarer impuissant.

De quel baume mes mains pourraient s’enduire qui vous soit soulagement ?

J’hésite en chaque aurore à franchir le seuil où vous apparaissez.

Je cultive mes mots à l’ombre de ce monde.

Je n’en suis pas et ne peux que mesurer ses effets délétères.


Xavier Lainé


3 décembre 2020


vendredi 18 décembre 2020

Entre crépuscule et aurore 2

 







Nous aurions tant de chose à nous dire avant de disparaître !


Qu’attendais-tu, l’artiste, au sommet de la côte ?

J’étais parti distiller ma colère sur un sentier ensoleillé.

J’attendais du grand chêne qu’il me prenne entre ses branches.

Tu étais à ton poste, me regardant arriver.

Nous avons partagé nos mots de désespoir devant l’inhumanité qui s’étend.

Je te citais Rousseau, pour dire que je voulais encore croire au sursaut.


Nous aurions tant de choses à nous dire avant de disparaître !


Tant de choses retenues depuis tant d’années, qui mériteraient d’être dites, écrites, clamées.

Derrière les masques de l’absurdité, les regards vont en chemin de tristesse.

Les mots ravalés sous l’obligation de vivre sans visage perdent leur saveur.

Ils ne disent plus rien et doivent être criés.

Les nuits se font longues en ce territoire sans humanité.

Injecteront-ils le cocktail létal qui fera disparaître ce grand oeuvre qu’est la vie.


Nous aurions tant de choses à nous dire pour, tel phénix, renaître des cendres répandues.


Quelque chose de subtil qui tiendrait le fil de l’amour et de l’amitié dans un rayon de tendresse partagé.

Quelque chose qui tiendrait du soupir de soulagement d’avoir traversé la tempête et nous découvrir vivants.

Plus que jamais vivants.


Xavier Lainé


1er-2 décembre 2020


jeudi 17 décembre 2020

Entre crépuscule et aurore 1

 








Entre le crépuscule et l'aurore il n'est qu'une nuit

Qu’importe la traversée, le tout est d’arriver au port.


Je marchais.

Sur une clôture pendait un panneau : « propriété privée ».

Mais privée de quoi ?


Je marchais.

À qui pourrait bien appartenir la terre ?

De quel droit un titre m’autoriserait à en exclure quelque habitant ?


Je marchais.

Le grand chêne m’accueillit entre ses racines.

Des brumes couvraient l’horizon.

Jamais les cimes n’avaient été si sèches.

Pas l’ombre d’une maigre couche de neige sur les sommets.


Ça ne fait pas souci ?

Je marchais.

Vous alliez masqués et yeux craintifs sur un chemin forestier.

Peur d’être contaminé, mais par quoi ?


Contaminés, nous le sommes déjà qui ne pouvons nous passer des futilités commerciales.

Mon poème embrasse les cimes nues, les branches encore automnales.

Mes pas traversent d’une rive à l’autre du jour.

La nuit parfois se fait longue qui obscurcit vies et pensées.


Mon poème voudrait savoir vous rencontrer, quelque part entre le crépuscule et l’aurore.


Xavier Lainé


1er décembre 2020