mercredi 31 mars 2021

Rouge misère 3 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Ils n’ont pas d’états d’âme à faire tirer dans la foule.

Ils savent le poids de la misère et comment acheter le silence et la « paix sociale ».

Ils ont mis des siècles à calculer leurs bénéfices.

Des siècles à considérer que les chaines aux pieds coutent plus cher.

Plus cher qu’un salaire de misère et la culpabilisation qui va avec.

Alors bien sur je regarde le ciel.

Je vais sur des sentiers solitaires, humer la terre dans les brumes matinales.

Je regarde le ciel et je regarde les hommes.

Juste avant d’être happé par la foule, juste avant de sentir la colère qui monte comme la lave au coeur du Vésuve.

Voici ce qui m’intrigue : jamais un mouvement de colère n’a cherché maîtres.

C’est, il semble toujours une éruption collective.

« Fin du moi, début du nous » clamaient il n’y a pas si longtemps les réfractaires des rond-points.

Ils ne se savaient pas héritiers de toutes les grandes jacqueries.

Ils s’en foutent, de l’histoire.

On s’en fout, quand on a faim, que la vie n’offre rien d’autre que lutte incessante pour demeurer la tête hors de l’eau.

On s’en fout des discours, des belles paroles, des jolies poésies.

On a faim, c’est tout.

Combien de millions d’hommes, de femmes, d’enfants ont eu faim ?

Combien et depuis combien de temps ?

Toujours on leur dit de se calmer, que l’avenir sera radieux mais toujours ils retombent dans la boue d’un chemin qui n’est pas le leur.

Vous pouvez toujours interpréter mes mots comme un mal être.

Vous ne pouvez que vous tromper : écrire c’est tendre un miroir au siècle qui avance.


Xavier Lainé


3 mars 2021


mardi 30 mars 2021

Rouge misère 2 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Elle est dure, la faim.

Elle est comme la colère.

Elle pousse à la violence.

Il en est ainsi à chaque jacquerie.

On se lève matin, on est tenaillé par la faim.

La colère monte comme on monte vers le seigneur.

On en redescend encore plus vite sous les boulets.

Certains finissent au gibet.

Ça ne calme pas la faim.

Ça ne fait que tempérer et repousser la colère.

Qui croit de siècle en siècle.

Colère qui monte et toujours les possédants qui s’empiffrent.

S’empiffrent quoi qu’il advienne.

Pestes, choléras, tout fait ventre en leur escarcelle.

J’ai appris ça en marchant.

En suivant le long fleuve des colères qui passait sous mes fenêtres.

C’était un jour de printemps.

Le ciel était rouge comme le sang devant les portes du château.

Comme le sang sur les avenues.

Comme le sang sur les barricades.

Comme le sang contre le mur où s’alignaient les condamnés.

Comme la colère qui ne cesse de monter, de soulever le couvercle.

Couvercle que les puissants vissent toujours plus fort.

Toujours plus fort pour contenir le mouvement.

Mouvement qui s’arrête un instant, puis reprend de plus belle.

Tout le monde le sait : un volcan qui boue longtemps explose plus fort.

Un peuple qui boue, explose plus fort mais se heurte toujours à violence pire, mieux armée, plus calculée, plus « stratégique ».

Ils ont leurs stratèges en combat de rue.

Ils n’ont pas d’états d’âme.


Xavier Lainé


2-3 mars 2021


lundi 29 mars 2021

Rouge misère 1 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




De quel côté aurais-je été, je ne sais.

Mais il aurait bien fallu être d’un bord.

Même sans savoir très bien pourquoi de celui-ci ou de celui-là.

Rappelez-vous que seuls ceux qui ont un intérêt à défendre savent de quel côté ils penchent.


Alors, moi, vous comprenez, je ne sais pas de quel côté je me trouve, ou me serais trouvé si.

Si avaient eu lieu devant ma porte la révolte spontanée, incontrôlable, incontrôlée.

Je me serais levé comme tous les matins.

J’aurais regardé par la fenêtre ouverte, le nez vers le ciel blanc.

Ce matin là aurait eu un goût de printemps.

Un goût de célébration de la vie.


J’aurais entendu la rumeur qui monte.

La rumeur monte toujours.

C’est d’abord un bruit de fond, comme celui de l’orage qui gronde au loin.

Un bruit de torrent en colère, d’où peu à peu émergent des voix.

J’aurais entendu et serais descendu sur le pas de ma porte pour mieux entendre.

Je n’en aurais même pas eu le temps.

Je me serais trouvé emporté par la foule.

Cette année là, elle était armée de fourches et de pioches.

Mais elle était armée, la foule.

Sauf moi qui n’avais que ma plume restée sur ma table de travail, derrière ma porte demeurée ouverte sur ce printemps qui déferlait en milliers de pas pressés d’aller demander des comptes.

Elle est dure, la faim, aux corps qui se courbent sur la terre et offrent à leur seigneur (saigneur ?) la maigre fruit de ses efforts.


Xavier Lainé


1er mars 2021


dimanche 28 mars 2021

Prendre soin 29 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 2)

 




Il faut mettre un terme, un point final provisoire, sans avoir résolu la moindre des questions.

Questions que vous me posez, que je me pose à chacune de vos visites.

Je fais quoi de ce fardeau, de cette vie, de ces vies ?

Faut-il même que j’en fasse quelque chose ?

J’avais commencé par « prendre soin ».

Arrivé au terme de ce mois, je ne sais toujours rien.

Juste un chemin qui fut rempli de doutes et d’incertitudes.

Tandis que je vous regarde, soignant, articuler vos certitudes, je reste sur le bord de votre chemin, chargé de mes ignorances.

On ne sait jamais rien de ce qu’il faudrait faire avant de l’avoir fait.

L’acte de soin est, bien sur, chargé de connaissances, mais aussi de l’ignorance de ce qui, à cet instant précis, pourrait répondre à une attente.

Lent chemin qui m’a fait quitter le territoire des pratiques connues et répétées machinalement, si machinalement que l’usage de machines se répand tandis que, de plus en plus nombreux, affluent devant ma porte les insatisfaits.

Je n’ai pourtant qu’un tout petit espace d’humanité à ouvrir où parole et corps ne font plus qu’un et se rencontrent enfin.

J’ai vu tant d’humains divisés, écartelés entre leur douleur et les sentences péremptoires : « c’est dans votre tête », qu’on leur dit quand on ne sait plus.

Et moi, minuscule parmi les ignorants, je ne cesse de faire sentir que non, on peut avoir mal dans son corps, même si rien ne vient objectiver cette douleur. On peut aussi avoir mal dans sa tête et trainer un corps ignoré toute sa vie. On peut avoir mal par procuration dans une vie qui nous/me change à chaque détour de nos/mon vécu.

A chacune de mes mains posées sur vos souffrances, me voici le même mais tellement changé par les questions posées sans qu’elles soient dites, ou dites sans être posées.

Je vais sur ce chemin pour encore longtemps, soumis à la peine d’avoir préservé cette petite parcelle d’humanité, cette faible flamme qui fut, est et sera encore si difficile à entretenir dans un monde devenu « start-up » en proie aux plus grossiers appétits.

Je ne suis rien. Je n’ai pas eu la chance, de ce lieu de vie choisi, de pouvoir m’en aller, m’évader, suivre les formations universitaires qu’il m’aurait plu de suivre.

Certains m’en trouvent aigri : paix à leur âme.

Non pas aigri, mais meurtri et amer du mépris, du dédain pour l’autodidacte que je suis.

Si j’en juge par le nombre (puisqu’en ce monde il faut croire au nombre et à la vertu des chiffres), l’affluence qui m’angoisse car je ne peux répondre à toutes les demandes, ce chemin doit avoir pourtant une certaine vérité.

Vous me dites que tout ça n’est pas scientifiquement prouvé.

Vous me renvoyez à mon insuffisance méthodologique dont les facultés vous abreuvent.

Je reconnais, au seuil de ce mois, et alors que le printemps s’invite devant mes fenêtres, avoir fait de mes recherches une joyeux méli-mélo, presque impossible à démêler.

Il me faudra encore écrire, poser noir sur blanc ce long chemin entre mes deux mains et mon cerveau qui réfléchit.

Je suis sur le seuil d’un printemps que je voudrais savoir goûter, si les moyens ne me sont pas encore rognés pour le faire.

Toute une vie à servir, à écouter, à tenter l’attention, à tendre l’oreille et les sens pour ne jamais pouvoir avec allégresse chercher dans mes hautes montagnes la douceur d’un instant où poser mes pensées sur le bord du torrent, jeter mes mots dans les flots impétueux en me disant qu’ils pourraient servir, s’ils étaient couchés entre les pages de nombreux livres.

Ils ne le seront sans doute jamais. Je n’ai pas le mode d’emploi : juste celui de jeter, à l’abri de mon antre de mots, sur des pages à peine entrevues mais offertes aux regards de passage, mes maigres réflexions, m’autoriser à entrer dans l’arène.

C’est amer, cette sensation de vivre d’une profession qui n’a pas encore amorcé sa réflexion (mais nous sommes tellement isolé, dans le chacun pour soi d’un libéralisme mortifère que, sans doute, j’ignore que, quelque part, un ou des collègues ont avancé, eux aussi).

Réflexion nécessaire (les pandémies à venir risquent de nous en rappeler  l’urgence) pour tendre aux gens ce reflet dans le miroir du temps qui permet de ne pas se satisfaire de ce qu’on sait, et de s’interroger sur ce qu’on ne sait pas.


Xavier Lainé


28 février 2021


samedi 27 mars 2021

Prendre soin 28 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 2)

 




À trop rentrer dans le rang, on finit sans esprit.

Que dire des échos qui me parviennent d’un métier, de mon métier ?

J’avais cru en sa beauté.

J’avais cru en une intelligence mêlant l’esprit et le corps.

J’avais cru. J’ai lutté.

J’ai voulu même inventer une vision de l’homme harcelé à son travail.

De l’homme souffrant dans son corps devenu objet de marchandage sur un « marché du travail ».

J’ai vu des corps meurtris, des corps reprisés par des fous du bistouri qui ne voient que mécanique où tente de survivre encore du vivant.

J’ai voulu faire preuve de compréhension.

Je n’ai pas voulu rejeter tout en bloc : la technique et la science même réduite à des statistiques.

J’ai cherché à comprendre jusqu’à l’incompréhensible instrumentalisation de nos consciences professionnelles.

Et puis insidieusement je me suis mis en grève du zèle sans attendre d’être suivi ni précédé, ni approuvé.

Car j’ai toujours eu le sentiment de ne rien savoir d’un corps inexistant.

D’avoir tout à chercher dans des vies incarnées qui cherchent un chemin de moindre souffrance en territoire où le corps n’est que marchandise dont les esthètes revendiquent propriété.

Monde tourné vers l’apparence qui privatise et spécule sur les douleurs qu’il génère.

D’un pot de maquillage, d’un coup de bistouri ou d’une gégène apprivoisée on fait de la mécanique.

Et la vie elle, fait comme elle peut et on lui dit qu’elle coûte trop cher.

Ça coûte cher une vie méprisée, une vie robotisée, réduite à « travaille et tais-toi ».

Ça coûte très cher, alors on l’appauvrit, on spécule sur un marché du travail qui masque très mal d’un maquillage sans élégance l’esclavage d’hier.


Xavier Lainé


27 février 2021


vendredi 26 mars 2021

Prendre soin 27 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 2)

 




Logique du système.

Tu n’as pas eu la chance de naître avec cuillère en argent dans la bouche.

Pas eu la chance de pratiquer un métier qui rapporte.

Pas le goût de sacrifier ton éthique pour gagner plus.

Pas le goût de mépriser l’homme derrière le patient.

Pas le goût.


Alors, logique du système s’applique.

Te voici coupable d’avoir enfreint celle du profit sans pensée.

Tu poses ça là avant d’aller ouvrir ta porte.

Tu diras aux gens sans y croire : « prenez soin de vous ! »


Mais…


Où commence ce « prenez soin de… »

Uniquement de vous, de moi, sans un regard vers l’autre qui s’écroule, se noie, agonise ?

Uniquement de vous, de moi, sans un regard pour notre berceau dont la biodiversité s’effondre et menace notre santé ?

Uniquement de vous, de moi, sans demander des comptes à des gouvernements qui sous les conseils aveuglés de financiers sans scrupules déchargent la planète de sa capacité à supporter encore notre existence même ?


Pas de panique, la vie se poursuivra.

Pas de panique, elle se poursuivra peut-être avec certains d’entre nous qui auront survécu à nos hivers nucléaires, aux catastrophes climatiques, aux zoonoses et pandémies.

Pas de panique, on peut encore rêver que les survivants ne seront pas constitués en hordes barbares assoiffées de pouvoir et de sang.


Xavier Lainé


26 février 2021


jeudi 25 mars 2021

Prendre soin 26 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 2)

 




Hier vous me disiez : tant de tristesse alors que tout le monde ne va pas si mal.

Vous me disiez aussi qu'il fallait puiser en d'autres énergies la force de la beauté et de la joie.

Alors j'ai puisé, puisé jusqu'à fatiguer mon propre épuisement.

Aux racines qui m'accueillaient, j'ai offert des mots tendres.

Certes, des mots tendres.

Il fallait redescendre, rejoindre le monde des humains.

Un rossignol tout au bout de la branche s'égosillait en immense chant d'amour solitaire.

Certes, peut-être un tiers de gens vont bien, savent vivre ou faire comme si, comme si rien de l'effondrement du monde ne les touchait.

Moi, une fois les racines accueillantes du grand arbre quittées, c'était comme si mes oreilles étaient vrillées des mille cris des suppliciés, des paumés, des laissés pour compte, comme si chaque mort sur les trottoirs de nos indifférences, chaque noyé en cette mer qui berça mon enfance me tendaient leurs mains de tragédies.


Comment, comment, même en puisant aux douces énergies de notre terre mère, pourrais-je faire comme si ?


*


Te voici conditionné.

Bien sur, gagner plus.

Dans la logique du système donc, travailler plus.

D’un côté on veut te protéger par une obligation vaccinale.

De l’autre tu pourras travailler plus jusqu’à ta mort, puisque retraite de misère te sera « offerte ».

Logique du système.


Xavier Lainé


25 février 2021


mercredi 24 mars 2021

Prendre soin 25 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 2)

 




A l'heure de nos naufrages, ne faisons pas l'économie de nos solidarités.

Ce sont elles qui nous ont menés à ce que nous sommes.

Ce sont elles qui nous soigneront, nous sauveront de la débâcle programmée par les aveuglés de la finance.


*


Prendre soin, ce n'est pas tourner autour de soi-même en quête d'un illusoire "bien-être".

Prendre soin ce pourrait être apprendre à mieux vivre ensemble, reprendre la main sur l'orientation de nos vies et refuser avec l'énergie du désespoir que quiconque vienne nous dicter nos paroles et nos actes.


*


« Ce n’est pas moi, ce n’est pas nous qui sommes malades. C’est la transformation progressive et insidieuse de nos manières de vivre, à laquelle nous avons tous, plus ou moins, participé. » (Barbara Stiegler, Du cap aux grèves, éditions Verdier, 2020)


Quelle effort pour une telle évidence !

Lent glissement d’un état de santé à une permanente crainte de le perdre.

Exigence de sécurité jamais totalement accomplie.

Mais exigence quand même.

Tu vas voir ton médecin avec cette exigence là.

Comme bien sûr, il ne peut y répondre, parfois, il s’écroule.


Fut-il un temps où prendre soin aurait été préserver cet état fragile d’absence de maladie, ou plutôt de bien vivre ?

Chemin étroit qui te laisse épuisé.


Xavier Lainé


23 février 2021


mardi 23 mars 2021

Prendre soin 24 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 2)

 




Certains jours je chancelle, je m'essouffle, je m'interroge et le doute me prend.

Vais-je encore ouvrir ma porte à vos peines ?

Puisque pas un jour ne vient qui n'accroisse la pression sur notre humanité.

Je comprends votre apathie, vos dénis, vos fuites devant une réalité qui nous plombe et justifie tous nos symptômes.

Je comprends, mais dites-moi : quand donc allons-nous dépasser nos étiquettes, nos rôles imposés pour devenir enfin des vivants, non de simples gagne-petits, des survivants d'un monde qui n'est pas le nôtre ?

Quand trouverons-nous la force de renverser un pouvoir qui abuse de sa position, un pouvoir si mal élu qu'il ne peut se maintenir que par la force ?

Il serait temps avant que les quelques humains qui tentons encore de vous recevoir en humanité pour panser vos plaies ne décidions, épuisés, de fermer nos portes, découragés de devoir encore nous battre, solitaires, à notre manière zélée, contre le productivisme et la rentabilité érigée en seule règle d'une vie réduite à peau de chagrin.

De chagrin, oui, c'est ça, de chagrin...


*


À sans cesse creuser plus loin notre dé-naturation, nous voici proie de notre déni.

À toujours nous pencher sur nous-mêmes au point de sombrer en l'abîme de nos solitudes, nous voici chaque jour nus et fragiles sous les intempéries prévisibles.


*


Promis, nous nous tiendrons au chaud sous les orages de l'avenir.


Xavier Lainé


22 février 2021 (2)


lundi 22 mars 2021

Prendre soin 23 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 2)

 




Et si...

Et si ce qui nous ronge et nous mine était justement ce sentiment d'impuissance.

A vivre face à un mur, isolés et masqués, nous serions devant l'aboutissement d'une logique : celle de ne plus avoir aucune maîtrise de nos vies.

Il fut un temps où nous pouvions encore nous construire dans l'inspiration de personnages exemplaires.

Devant le désastre d'une médiocrité morbide, les maîtres à penser se sont mués en censeurs, en senseurs, s'insinuant au coeur même de nos vies.

De facto, ils sèment le vent mauvais d'un effondrement pire que celui de leur système : celui de notre propre capacité à prendre soin, ce rôle étant dévolu aux "spécialistes".

C'est ainsi que ce déclarer libre de penser et en bonne santé est devenu suspect.


*


La beauté était dans les bois.

C'est fou le bien que ça fait, la beauté qui se promène.

C'est fou le bien que ça fait, un arbre qui se penche et te salue.


La beauté était dans les bois.

Les bois ouvraient leurs branches.

La beauté s'y lovait avec volupté.

C'est fou le bien que ça fait, une beauté qui se laisse aller entre les branches nues.


L'astre du jour allait se coucher.

La beauté souriait amusée de ton regard timide.


Xavier Lainé


22 février 2021 (1)


dimanche 21 mars 2021

Prendre soin 22 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 2)

 




Double, triple ou quadruple peine, c'est le lot en ce système qui proclame une liberté illusoire, pour ceux qui n'ont jamais cessé de lutter.

Tant d'années avant qu'une couleur ne soulève le couvercle.

Il ne fallait pas lâcher, alors, mine de rien, et sans que nul ne se doute de la difficulté, tu t'organises pour une grève illimitée.

Quarante années de grève, du zèle, certes, mais quand même.

Et pour toi, soignant refusant de rentrer dans le cadre étroit des productivités financières sournoisement imposées, la double, triple, quadruple peine.


Première peine : celle d’avoir plus ou moins choisi un métier et de le voir dériver sans boussole sous les incitations à « produire des actes réduits à leur technique ».


Peine seconde : celle de t’imposer quelques règles éthiques en refusant d’entrer dans la course au « chiffre d’affaire ».


Peine troisième : celle de vivre de moins en moins bien du fruit de ton travail et donc de t’entendre reprocher de « ne pas travailler assez ».


Peine quatrième : lorsque vient l’âge de la retraite, la voir réduite à si simple expression qu’il te faudra poursuivre jusqu’à mourir en scène.


J’ajouterai la cinquième peine : c’est qu’ayant fait le choix bien contraint de travailler en libéral, tout le monde te regarde avec des yeux ronds lorsque tu dis de quoi il en retourne.

Tu n’es pas crédible à dire qu’aujourd’hui les virus ont de beaux jours devant eux puisque, au nom d’une science sans conscience, l’important n’est pas de prendre soin mais d’appliquer des techniques en méconnaissance  de la vie.


Xavier Lainé


21 février 2021


Prendre soin 21 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 2)

 




Car au fond, tout est question de choix.

Combien d'écoles dans une ogive ?

Combien de théâtres, d'hôpitaux ?


Tout est question de choix, à condition de voir et d'entendre.

Combien de planètes potentiellement détruites avant de dire stop ?

Suffit-il de dire "plus jamais ça" sans remettre en cause les choix ?


Car c'est bien un choix, n'est-ce pas ?

C'est un choix entre forces de la vie et potentielles destructions.


Jusqu'à quand ?


*


Serait de bonne thérapeutique que de prendre notre histoire en main.

De ne rien attendre de quiconque, sans repli dans un chacun pour soi.

Non, le repli serait pire que le mal, et il nous faut franchir le cap du moi au nous.

Chacun prenant sa part pour éteindre l'incendie qui couve, au fond de nos blessures.

Il n'est de pandémie qu'en notre façon de vivre et de nier l'évidence : nous sommes enfants d'une terre qui n'est certes pas unique dans un univers incertain, mais dont aucune technique ne saurait nous affranchir sans retourner le fer dans nos plaies.

Nous sommes enfants de la même terre, mais sommes incapables d’y vivre en paix.

Toujours ce sont déchirements et violences.

Toujours exclusions au profit d’une minorité sans vergogne.

Nous avons ce besoin, cet ineffable besoin de prendre soin pour survivre.


Xavier Lainé


21 février 2021


vendredi 19 mars 2021

Prendre soin 20 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 2)

 




Mais bon sang mais c’est bien sur : je devrais écrire léger.

Que ceux qui vont bien lèvent le doigt et m’assurent que, vraiment, ils vont ainsi.

Ils vont contre vents et marées, bien.

Contre la longue liste des migrants refoulés, des morts sur nos trottoirs, des ravagés par un système qui les brise.

Contre la logique même de ce qui nous entoure, je devrais mettre l’accent sur ce qui va.

Puis m’en aller auprès de mon arbre, enfouir mes colères entre ses racines pour vous « soigner » l’âme sereine.


Comme si de rien n’était, je devrais aligner les mots printaniers et d’un coeur primesautier vous chuchoter mes mots doux.

Je ne devrais pas me laisser gagner par l’amer d’un temps qui nous enferme.

Je ne devrais surtout pas parler de vos maux ni me soucier de ce qui les provoque.

Je ne devrais pas dire ma tristesse devant tant de souffrance endurée.

Il est temps de quitter le domaine de la pensée simpliste, réduite à tort ou raison.

A ne pas assumer nos propres conflits, comment pourrions-nous sortir de la spirale infernale des souffrances infligées.

L'homme réduit à être l'objet d'un commerce, infantilisé et rendu esclave de décisions obscures, de quel soin pourrions-nous encore l'accompagner ?

Je dis "obscures" quand il apparaît clairement que la réification dont nous sommes les objets entre au service d'insupportables profits.

Voici que des individus sans foi ni loi entendent réglementer la planète, ignorant que notre naufrage sera aussi le leur.

Les sommes qu'ils accumulent sortent comme sang de nos innombrables blessures.


Xavier Lainé


20 février 2021


jeudi 18 mars 2021

Prendre soin 19 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 2)

 




S’ils ne jouent pas le jeu d'une productivité mortifère.

S’ils ne jouent pas le jeu de la bêtise et de la moyenne sans âme.

S’ ils persistent en leur contestation de toute forme de pouvoir abusif.

De toute forme de pouvoir même non abusif.

De toute idée préconçue et mal digérée.

De toute acte contraire à une éthique du soin.


S’ils n’entrent pas dans les clous d’une simplification outrancière.

Dans l’étrange perdition d’une science réduite à ce qu’elle ne saurait être.


Il ne te faut pas penser, pas contester, par sentir, pas pleurer.

Pas pleurer de constater en quelle maltraitance un roitelet mène ses sujets.

Pas faire de lien entre ce monde d’une cruauté et violence inouïes, et la nature des symptôme exprimés.

Pas inviter à contester un ordre qui nourrit ton chiffre en sacrifiant ton âme.


Pour ne pas être purement et simplement sacrifié, le mérite revenant aux productivistes qui multiplient les actes techniques sans âme, sans un regard pour les personnes que le système broie.

C’est chose étrange que cette « science » ne se penche jamais sur l’origine des symptômes.

Comme si nous avions peur de découvrir le pot aux roses qui remettrait en question notre impuissance d’agir pour un monde meilleur.


Alors je la pose, la question.

Je ne cesse de la poser depuis quarante années d’un exercice en proie au doute de sa propre validité.

Dois-je soigner seulement les blessures visibles où tenter de condamner et empêcher de nuire ceux qui les causent ?


Xavier Lainé


18 février 2021


mercredi 17 mars 2021

Prendre soin 18 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 2)

 




On a l’attention sélective et l’oeil rivé toujours sur les mêmes objectifs.

C’est la force des idéologies qui guide le regard.

Vous êtes de droite ?

Alors vous défendez les professions libérales et les cliniques privées et décriez l’hôpital (sauf si vous en avez besoin !).

Vous êtes de gôche ?

Alors vous prenez le pouls avec une infinie inquiétude du système public hospitalier, tout allant faire la queue dans la salle d’attente de votre médecin libéral, en fulminant pour l’attente chez votre kinésithérapeute libéral.


On a l’attention directionnelle selon son penchant idéologique.

Qu’un gouvernement de droite libérale vienne au pouvoir, voici que les libéraux sont chouchoutés par les administrations de santé.

Qu’à l’inverse vienne un gouvernement de gôche (convaincue elle aussi au libéralisme mais avec un gant de velours) : exit le poison du privé et place au public, sans pour autant lui permettre d’assumer toute sa place (on est de gôche convaincue au libéralisme ou pas, hein !)


Mais que vienne le vent mauvais d’une pandémie programmée, prévisible puisque nous dominons notre pauvre planète qui n’en peut plus des exactions menées contre elle par les activistes, justement, dogmatiques, de l’économie libérale, voici les uns tapant sur les autres, chacun revendiquant sa place au soleil, les patients étant, d’un côté comme de l’autre, des numéros cloués sur des lits à rentabiliser, dans des salles d’attente bondées où ils ne sont plus que ligne dans un chiffre d’affaire.

L’oeil, pour la gôche dogmatique reste rivé sur la crise des hôpitaux.

C'est juste raison, mais...

Mais on oublie toujours quelqu’un.

Ce sont les patients qui paient l’addition tandis que les praticiens, isolés sont soumis à double ou triple peine.


Xavier Lainé


17 février 2021