dimanche 7 mars 2021

Prendre soin 7 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 2)

 




Que reste-t-il une fois nos vies dépouillées de tout espace de liberté ?

Une fois nos vies privées de tout geste d’affection, de toute relation humaine exempte de soupçons ?


Comme beaucoup je n’ai rien vu venir.

Mon attention allait à ce qui s’était passé, si peu de temps avant que je n’arrive en ce monde.

Je me revois entrer dans Oradour, en compagnie de mes grands-parents.

Je revois cet homme revivre l’atrocité, la plus violente atrocité.


Comment pouvions-nous deviner que le pire n’était pas encore atteint ?

Un pire insidieux et banal.

Un pire qui ne dit pas son nom, qui use d’un mot pour un autre, en dévie le sens au point de nous perdre dans des abîmes de perplexité.


Les « trente glorieuses », mes parents en ont bénéficié.

Ce fut un bénéfice, comme tout bénéfice, sans partage.

Un bénéfice qui a fait perdre de vue et étouffé toutes les atrocités passées.

Un bénéfice qui justifiait tout, y compris d’autres atrocités, commises loin d’ici mais de plus en plus montrées sur les écrans livides d’une vie par procuration.

Pour faire oublier les tragédies du passé qui se poursuivaient dans le présent, en mille lieux de part un monde pressé de consommer, ce monde prétendu libre nous a (m’a) fait miroiter l’aisance et le loisir, le bien être en pendant du bien avoir.

Ce monde nous a dessaisi de tout, y compris de nos mémoires. 

En faisant de tout commerce, de nos corps, de nos esprits, de notre bonne comme de notre mauvaise santé, il nous a fait perdre de vue ce que pourraient être nos vies si nous ne les perdions pas à courir après des mythes.

Celui de l’avoir et du bénéfice, celui du pouvoir et de la domination.


Xavier Lainé


5-6 février 2021


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