vendredi 30 octobre 2020

Lettre du bord du gouffre 2







Je vous écris donc une lettre à épisode, une lettre tronquée.

Lire sur écran est très désagréable, il me faut donc faire court.

Bien évidemment, il serait plus simple de publier des livres (il en est ici plusieurs en projet qui dorment en attendant qu’un éditeur charmant s’aventure à les porter).

Mais vous savez ce qu’il en est de cet objet dangereux qu’est le livre.

Si dangereux qu’on en ferme les librairies et les bibliothèques, et qu’on pousse le bouchon jusqu’à en interdire la vente, désormais, aux géants qui ruinent habituellement la petite librairie indépendante.

Mais pas à tous les géants, n’est-ce pas ? Non, non, vous pourrez toujours vous fournir sur Amazone. Vous y trouverez, à ma grande honte, mes propres livres. Mais Amazone est bien vu des incultes qui gouvernent. 

Incultes ? Pas tant que ça : ils ont au moins une culture, celle du chiffre !

Que croyez-vous qu’il advint des profits lors de l’épisode précédent ?

Qui sont ceux qui ont déjà mordu la poussière et ceux qui ont vu leurs dividendes gonflés ?

Qui sont ceux qui cette fois-ci vont plonger et ceux qui tireront comme d’habitude leur épingle du jeu ?

À partir de combien de suicides peut-on considérer qu’un système, porté par un Etat, gouverné par des gens, est criminel ?

Il est tellement plus simple de pleurer sur les crimes d’une bande de petits malfrats manipulés par de pseudo-religieux !

Ce qui ne retire rien à l’horreur et à la peine des victimes et de leurs familles !

Saurions-nous enfin regarder et voir, écouter et entendre ?

Vous avez marre de mes questions ? Je les pose parce que je n’ai pas de réponses toutes faites. Je les pose en ce lieu sans leur donner écho sur leurs réseaux prétendus sociaux qui ne sont que réseaux de surveillance étroite.

Je les pose ici à défaut de pouvoir en débattre autour d’un bon verre, puisque nous voici, sur ordre, confinés au bord du gouffre amer.


(à suivre...)



Xavier Lainé


31 octobre 2020


Lettre du bord du gouffre 1





Chers amis, chers lecteurs, chers vous, humains qui ne savez pas trop quoi faire de ce titre qui n’est ni titre de transport, ni titre dérogatoire de sortie.


Je vous écris du fond de ce gouffre où un individu seul, certes élu mais si mal, nous précipite de main de maître.

Il ne s’agit pas pour moi de nier l’évidence de la présence virale et de sa dangerosité pour les plus faibles d’entre nous.

Il ne s’agit pas non plus de vous inviter à commettre l’irréparable en vous mettant en danger.

Il s’agit pour moi de vous inviter à réfléchir, poétiquement à défaut de philosophie, raisonnablement à défaut de rêves.

Il ne s’agit pas non plus de tomber dans de fumeuses théories complotistes qui voient partout je ne sais quelle main satanique derrière les évènements qui nous accablent.

Il ne s’agit pas d’approuver ou désapprouver, justifier ou absoudre les crimes et délits commis au grand jour gouvernemental ou dans l’ombre d’une terreur, dans une entente tacite, officieuse, entre ceux qui prétendent gouverner et ceux qui tranchent, tuent, franchissant la ligne étroite qui nous tient en équilibre instable entre notre humanité et sa négation.


Réfléchissons donc.


Hier, ne justifiant pas le crime, mais cherchant à en exorciser les racines dans une histoire, un monde, un système aussi criminel que ceux qui passent à l’acte, je me fis insulter.

Venant de certains, l’insulte est presque une gloire, mais venant d’autres, elle se découvre inattendue, blessante non pour ce qu’elle vaut, mais parce qu’elle se montre injure à une confiance dans la trajectoire intellectuelle d’un amis, d’un vrai, pas de ces fantômes qui errent sur de pseudo-réseaux sociaux et qui n’ont de vrai qu’un avatar, une photographie, une ombre.


Je me fixe l’objectif d’une page A4 de lettre par jour pour ne pas vous assommer quand d’autres le font sans vergogne. À suivre donc…


Xavier Lainé


30 octobre 2020


jeudi 15 octobre 2020

Activer les souterrains de la liberté





Puisqu’en tous lieux plane l’ombre imbécile d’une guerre sans visage.

Puisque nous voici contraints d’inventer maquis et résistances pour survivre au virus de la bêtise.

Celui-là plus nocif que toutes les maladies.


Puisqu’il n’est plus en vos villes d’heures propices à la rencontre.

Il existe un peu partout de vastes territoires, où les drones seront visibles de loin, où la maréchaussée devra apprendre à marcher mille et mille lieux.

Nous saurons déjouer les couvercles absurdes.


La lutte n’est plus réservée à un risque de contamination, mais doit se tourner contre ce monstre sans visage qui veut nous imposer sa forfaiture.

Un virus peut être dangereux, mais si nous apprenons à en déjouer les pièges avec intelligence, il le sera moins que cette déshumanisation contrainte.


Puisque ce qui les dérange, c’est notre vie foisonnante et trépidante.

Puisque ce qui les choque, c’est que nous puissions nous aimer, nous embrasser.

Puisqu’au nom de leur incurie ils nous imposent leur couvre-feu.

Il nous faut raviver les braises et attiser le feu qui nous fait vivants.


Les lieux ne manquent pas où il sera aisé de déjouer leurs plans.

Les endroits secrets, les vallons perdus sauront accueillir nos résistances heureuses.

Nul besoin de passer sous les fourches de leur surveillance.

De bouches à oreilles la vague protestataire souterraine prendra le relais.

Fuyons leur regard, désertons leur Etat qui ne sait que brider toujours plus nos libertés, qui ne sait que nous rendre plus pauvres tandis qu’eux comptent leurs dividendes.

Il est temps d’organiser notre désertion de leur monde suicidaire.


Xavier Lainé


15 octobre 2020


mardi 13 octobre 2020

Gammes, note critique






Par François Teyssandier, in Poésie/première n°76

Poésie/Première


Xavier Lainé publie peu, mais écrit presque chaque jour, comme un musicien fait ses gammes pour ne pas « perdre la main ». Ce recueil Gammes s’étend sur plusieurs années (2011-2017, et regroupe 103 poèmes. On pourrait dire qu’il s’agit d’une sorte de journal poétique qui retranscrit des moments de vie, selon l’humeur du poète, ses goûts, ses aspirations, ses colères, sa faculté de voir les choses les plus ténues pour les livrer aux lecteurs. Les poèmes sont dépouillés, l’écriture d’une extrême concision, elle ne s’embarrasse pas de mots inutiles, allant dans chaque vers à l’essentiel. Et l’essentiel, pour le poète, c’est bien sûr la vie sous ses aspects les plus divers, des plus beaux aux plus dérangeants. « Chaque jour nous apporte/ Son lot de pistes nouvelles », mais « Il faut alors connaître/l’impossible de vivre/Pour hisser les voiles/Vers une possible espérance ». Il n’est pas question dans ces poèmes de militantisme facile, mais plutôt d’une démarche militante, dans le sens noble du terme. Xavier Lainé se demande chaque jour pourquoi l’on vit, et pourquoi l’on continue obstinément à vivre, malgré le monde dans lequel on vit, que ne respectent pas assez les hommes, et qui en retour les asservit trop souvent. Le poète ne  nous délivrera pas de réponses toutes faites. Il se contente, et c’est déjà beaucoup, d’observer le monde pour tenter, à sa mesure, de le transformer le plus qu’il peut. Mais il doit le faire, même s’il se heurte à des murailles quasi infranchissables. Oui, patiemment, mot à mot, il doit avancer pour plus de bien être, de justice, de bonheur et pour plus de beauté. C’est, peut-être, le seul rôle de la poésie, si tant est qu’elle en ait un. Un livre à lire. F. T.


Gammes est disponible chez l'éditeur : Le Lys Bleu/Gammes, auprès de l'auteur, ou dans toutes les vraies bonnes librairies.

Filigranes 105





Extrait :


On ne mesure jamais assez sa chance d’être vivant.

Il faut avoir connu le vide et l’absence, les petits pieds d’enfants fantômes dans la nuit du divorce, l’angoisse du billet chèrement acquis et la prière pour qu’il ne fonde pas trop vite au soleil consumériste.

Il faut avoir connu le désespoir le plus profond et la soif de passer de l’autre côté, et même de s’y essayer, juste pour voir si de l’autre côté du monde, il en serait un où, donner la main et l’amour, auraient du sens.


...


Je m’en vais déchiré, à chaque pas mon coeur trébuche, mon esprit bouillonne de colère.

Les siècles passent sur nos humanités perdues.

On se noie, on survit, on ne peut rien comprendre sans avoir vécu.

On ne peut rien comprendre à demeurer en tours d’écriture solitaire.


Ce n’est pas d’en haut qu’il faut voir et sentir, c’est au ras des pavés.

C’est là que vivent ceux des confins qui ne peuvent être confinés.

Ils sont les héros d’un temps qui se cogne chaque jour à ses limites.


Xavier Lainé


20 mars/1er-2 mai 2020


Revue Filigranes

samedi 10 octobre 2020

La caverne renversée







J’ai peut-être perdu le sens de l’à propos.

J’ai perdu le fil conducteur et le mode d’emploi.

Me suis retrouvé bête et sans voix, sur la voie de garage réservée aux imbéciles.

Nous étions si nombreux qu’en nous regardant nous avons souri.

À tourner en rond en nous demandant si vraiment nous étions à notre place, nous avons fini par voir, derrière les barrières, le visage de nos geôliers.

Ça valait le détour, je vous assure.

Ha ! Pour ça, ils étaient tous bien mis, bien chaussés, cravatés avec grand soin.

Ils nous regardaient avec mines condescendantes, sans mesurer le mépris qui émanait de leurs doctes personnes.

Nous étions manants derrière les gestes barrière imposés, masqués par obligation n’ayant plus les moyens de payer l’amende prodigieuse dont ils attendaient les subsides avec gourmandise.

Parqués comme des imbéciles, ils ne voyaient pas le miroir que nous leur tendions.

Ils nous voyaient alors que nous n’étions que leur piteux reflet.

Trop imbus de leurs personnes pour croire en ce stratagème.

Trop fiers d’eux-mêmes et convaincus de leur raison, ils ne pouvaient penser dans notre prison à ciel ouvert, le moindre geste de raison.

Depuis longtemps ils s’étaient persuadés que la raison allait toujours de leur côté, celui du plus fort, du plus riche, du plus arrogant.

Ils ne savaient pas voir, ils projetaient sur le mur de nos geôles leurs propres fantasmes.

Nous, du fond de cette caverne, nous fourbissions nos armes.

Nous découvrant finalement, collectivement moins stupides que les pitoyables trop longtemps soutenus au nom de notre propre ignorance, nous tissions entre nous les liens essentiels qui sauraient faire sauter les verrous, tordre les grilles et faire tomber les masques.


Xavier Lainé


1er octobre 2020


dimanche 4 octobre 2020

Résistance poétique Acte 4

Une frêle couverture de poésie déposée sur la ville. 

Petit cailloux de mots lâchés au fil des murs, des poteaux.

Simple entretien d'une flamme qui ne doit pas s'éteindre sous la contrainte des muselières et des interdits en tous genres.

Recoller ici ou là, les semaisons précédentes, et revenir dans la petit matin, à pas feutré sans que nul ne puisse savoir.

Douce clandestinité du dimanche.

Pas si clandestine que ça car surpris pot de colle à la main.

Car au fond pourquoi se cacher quand il s'agit de ne pas lâcher le fil d'une culture dont la lumière vacille sous les coups.


Xavier Lainé

4 octobre 2020