vendredi 30 décembre 2022

Poéthique (une déambulation) 14

 



Photographie : Xavier Lainé - Le poème déchiré - 2012



Si beau temps au dessus des nuées

Et dessous saine pluie tant attendue


En l’épuisement de l’esprit

Ne reste qu’à constater

En avoir plein le dos


C’est mal courant en pays d’infinie contrainte


(13 décembre 2022 — 1 — 10h32)


*


C’est lent un jour de brume

Ça verse des larmes ténues

Sur les trottoirs de l’ennui


J’attends sur le quai

Que viennent les soupirs d’aise

Lorsque mains tendues

Nous irons à la rencontre

De notre improbable humanité


Une larme sur le bord du coeur

Nous arpenterons les temps solitaires

Où laisser voguer nos maigres espérances


C’est un jour de brumes infinies

Pas envie de parler 

Pas envie de vous écrire

Sur ce que ce monde nous inflige


(13 décembre 2022 — 2 — 17h17)


Xavier Lainé


jeudi 29 décembre 2022

Poéthique (une déambulation) 13

 



Photographie : Xavier Lainé - Le poème déchiré - 2012



« Comment le monde aurait-il évolué si l’humanité était apparue dans une population privée de l’aptitude à réagir aux autres avec empathie, attachement, embarras et autres émotions sociales dont on sait qu’elles sont présentes sous forme simple chez certaines espèces non humaines⁠1 ? »


Peut-être suffit-il d’observer comment le monde a évolué depuis que quelques dirigeants sans esprit ni remords ont tout fait pour isoler chacun en dressant devant lui le spectre des peurs ancestrales.

Quarante années après, il aura suffit de brandir un ennemi invisible pour parachever l’œuvre entreprise : empathie en berne de ceux qui festoient après chaque but marqué, individualisme forcené entretenu par un consumérisme sans limites, femmes mourant sous les coups de leurs conjoints, indifférence au sort des migrants fuyant les catastrophes fomentées par les mêmes ; l’homme dénué de son humanité, nous savons ce que c’est : il suffit d’aller faire un tour sur les réseaux prétendus sociaux, de lire les journaux, de jeter un oeil (mais un seul pour ne pas vomir) sur les chaines d’infos, ou de tout simplement errer dans la foule à la veille de fêtes qui n’ont plus aucun sens sinon pour les porte-feuilles bien remplis.


(12 décembre 2022 — 1 — 6h46)


*


Tant de fragilités aux premiers frimas !


(12 décembre 2022 — 2 — 8h37)


*


Que suis-je en ce silence ?

Sinon face à ma solitude et sans la certitude d’avoir accompli quelque chose.

Je dis.

Je vous invite.

Je vous observe.

Je m’interroge sur moi-même en train de vous parler.

Parfois, mes interrogations montent à la surface, entrent en étrange résonance avec les vôtres.

C’est alors que je vous rejoins, que j’entre en mouvement avec vous.

Puis tout retombe derrière la porte refermée.

Le mouvement qui me tenait vivant à l’unisson, s’absente.


Peut-être est-ce ça : je ne suis jamais en mouvement sans entrer en « synchronie » (?) avec tout ce qui bouge en cet univers.

Lorsque je me retrouve seul devant cette folie, le vertige me prend.


(12 décembre 2022 — 3 — 11h53)


Xavier Lainé




1 Antonio Damasion, Spinoza avait raison, éditions Odile Jacob

mercredi 28 décembre 2022

Poéthique (une déambulation) 12

 



Photographie : Xavier Lainé - Le poème déchiré - 2012



Redescendu tard dans la nuit des « Hauteurs de Macchu Picchu ».

Mon voyage se poursuit dans les décombres.

Parfois une maigre lumière me parvient.

Une lune radieuse borde mes rêves de folle tendresse.

J’atterris parmi la liesse déchaînée des âmes sans conscience.

Certains disent que des centaines de morts l’accompagnent.

Qu’importe ces népalais, afghans, syriens et autres sacrifiant leur vie pour des klaxons.

Pour se soumettre un peu plus à la course folle des crampons achetés de haute finance.

Ici on se déchaîne par les rues et les places.

Nous sommes « pays des droits de l’homme », à ce qu’il paraît.

Nous sommes les fossoyeurs de milliers de vies fauchées pour des jeux du cirque absurdes.

Stades climatisés en plein déserts tandis qu’en pays prétendu riche on invite les plus pauvre à ne plus se chauffer.

Je m’en vais retourner dans les « Hauteurs de Machu Picchu ».

J’emboiterai les pas de Don Pablo Neruda.


« Peut-être n’ai-je pas vécu dans mon propre corps ; peut-être ai-je vécu la vie des autres⁠1 »

C’est cela même, Don Pablo, quelle serait ta souffrance de poète de voir en quels temps nous vivons ?

Un hideux à l’origine de ce monde « libéral totalitaire » t’a épargné d’arriver jusqu’ici.

A permis que ton âme hante pour toujours les « Hauteurs de Machu Picchu ».

Mes nuits sont toutes retournées de voir le ver du fascisme s’immiscer dans un quotidien de misère.

Mes nuits pleurent les rêves éveillés d’une poésie qui ne dit plus rien, muselière portée pour se défier de tous et de chacun.

Mes nuits pleurent et crient dans le flot de vos joies sordides : un but marqué, ne serait-ce pas ballon devenu arme contre notre humanité même ?


(11 décembre 2022 — 1 — 10h33)


*


Encore une journée de foutue.

Foutue journée dont les heures défilent plus vite que leur ombre.

Heures qui se défilent, laissant si peu de temps au repos et à la rêverie.


Ainsi vont les jours en monde pressé.

Si pressé qu’il nous épuise.


(11 décembre 2022 — 2 — 20h44)


Xavier Lainé



1 Pablo Neruda, J’avoue que j’ai vécu, éditions Folio

mardi 27 décembre 2022

Poéthique (une déambulation) 11

 



Photographie : Xavier Lainé - Le poème déchiré - 2012



C’est là, je le sens, c’est là.

C’est tissé dans ce rêve, dans ce patchwork, ce puzzle d’un village serein.

Je vais de maison en maison, chacune paisible dans sa beauté particulière.

Chacun y a mis un peu de lui-même.

Chacun y a mis un peu de sa différence, quittant le champ des indifférences.

C’est un village de lumière et de douceur.

Un endroit où le nomade peut poser un instant ses valises ; où l’éperdu d’un temps de ruine peut s’arrêter, respirer, se restaurer et s’abreuver à la source d’eau pure.


C’est là, je le sens, c’est là.

Les visages qui me croisent ont tous cette lumière propre à ceux qui se réalisent.

Mais pas seuls.

Car l’humain n’est pas seul.

Il est l’enfant d’une terre perdue dans un univers dont il ne saura jamais vraiment en quoi il consiste.

Même si ses connaissances en défrichent des chemins.

Il ne saura jamais.

Il faudra toujours qu’il revienne à la Terre.

L’humain se réalise dans cette immense diversité dont il fait partie.

Il puise dans le divers la joie de créer.

Ce qu’on ne sait plus vraiment faire.

Ce qu’on cherche, au fond.

Ce qu’on cherche.


C’est là, je le sens, c’est là.

Mes yeux vous observent dans l’étonnement de vos mouvements.

Mes mains le sentent : c’est là, dans votre soudain relâchement qui vous met en accord avec vous-mêmes mais pas sans l’autre qui a posé ses mains.

L’humain se tisse, la Terre est la trame de son tissage, la vie en est le fil.

C’est là…


(10 décembre 2022 — 1 — 8h15)


*


Sans doute inapproprié, inapte à toute intégration dans un « système ».

Qui dit système dit volonté de sa pérennité.

Vivre, c’est autre chose.

C’est faire système hors de toute construction élaborée d’avance.

C’est constater que vivre en humain c’est s’appuyer sur du commun, pour mieux vivre en particulier.

La pensée aristotélicienne est-elle en cause dans la pensée binaire en vogue ?

Ou la croyance chrétienne porte-t-elle cette responsabilité : ne seront sauvés que ceux qui croient aveuglément ?

Nous sommes héritiers d’un mode de pensée dominant.

Très difficile de s’en défaire.

Très difficile donc de passer à autre chose.

De ne rien prévoir qui ne soit généré par la vie, dans le respect de tous les vivants.

Comme beaucoup, j’ai été éduqué dans cette pensée qui voit noir ou blanc le camp d’en face.

J’ai, comme beaucoup, défendu l’indéfendable, au nom d’une idéologie.

Au terme de mon existence, je suis bien obligé de constater en quelles erreurs je m’étais engouffré à croire en des vérités imposées.

Invité à parler de culture, j’osais dire qu’un indien d’Amazonie serait tout aussi compétent que moi sur le sujet.

Écrire ne me donne rien de plus, sinon d’aligner des mots qui forgent suggestions de recherches, prémisses de pensées aussi diverses que les espèces déjà disparues ou en cours d’extinction.

On navigue au jugé sans rien savoir de notre direction.

Je ne peux que faire état de ce que j’ai lu, mis en relation, qui permette de réfléchir à des lendemains d’humanité qui sache survivre à ses propres erreurs.


(10 décembre 2022 — 2 — 16h02)


*


Marcher dans le froid donne des ailes à la pensée.

Si je n’écris pas de poésie, c’est que désormais tant d’idées se bousculent qu’il faut bien qu’elles sortent, dans un grand désordre, certes, mais qu’elles sortent pour ne pas suffoquer sous leur fumée.


Je disais avoir été éduqué dans le noir et blanc d’un monde binaire.

Mais…

Car il y a toujours un mais dans ce monde là : c’était toujours en ajoutant que c’était plus complexe que ça.

Plus complexe que ça, mais en fermant la porte à tout ce qui pourrait survenir de contradictoire.

Le capitalisme comme seul horizon puisque le repoussoir du communisme devait nous montrer son échec.

Sans inviter à voir qu’il y avait là la même médaille d’un productivisme asservissant l’humain à défaut (sauf dans les camps) de les rendre esclave.

Les uns voyaient l’avenir dans le gris des goulags, les autres, au nom de la même industrie, ne croyaient qu’au miracles des opulentes vitrines et de la consommation sans borne.

Deux versants de la même médaille à l’effigie des dominants de toutes espèces.


(10 décembre 2022 — 3 — 16h42)


Xavier Lainé




Poéthique (une déambulation) 10

 



Photographie : Xavier Lainé - Le poème déchiré - 2012



Pluie de nouvelles contraignantes.

Ça ne s’arrête pas : la vie est de plus en plus soumise.

Hier je devais faire mon relevé de compteur électrique, aujourd’hui je reçois une lettre du gouvernement m’invitant à comparer les tarifs d’une dizaine de fournisseurs de gaz parce que mon contrat au « tarif réglementé » sera mis à terme au nom de la loi sous peu.

Je dois chaque jour faire une partie du travail de l’assurance maladie pour gagner des queues de figue.

Chaque jour je dois garder l’oeil rivé sur des comptes qui ne décollent jamais du rouge.

Pluie de nouvelles et toujours plus de contraintes.

Que me montrent chaines d’information et réseaux prétendus sociaux ?

Des gens qui s’amusent, qui parlent de tout sauf de l’essentiel.

Pendant ce temps les migrants se noient toujours à nos frontières, les SDF sont de plus en plus nombreux dans les rues, on crève un peu partout dans le monde.

Regardez ailleurs : les oligarques crèvent le plafond de leurs bénéfices.

Tout va bien en monde résolument pourri.


Pas d’inquiétude, je m’en vais ouvrir ma porte à plus misérable que moi.


(9 décembre 2022 — 1 — 8h48)


*


L’humain à la remorque des « tactiques politiciennes ».

Le fascisme bien introduit dans les esprits, dans ce quotidien banal tissé de contraintes admises, d’acceptation consuméristes, de soumission volontaire.

L’esprit englué, attendre ?

Sans doute faudra-t-il que, par pure bêtise, l’humain se laisse noyer sous le tsunami qu’il aura provoqué.


Mon souci : que ce sont toujours les mêmes qui boiront la tasse tandis que le dessus du panier et ses grenouilles politiciennes et économistes s’en sortiront encore.


(9 décembre 2022 — 2 — 12h05)


Xavier Lainé



dimanche 25 décembre 2022

Poéthique (une déambulation) 9

 



Photographie : Xavier Lainé - Le poème déchiré - 2012



Il me fallait la lumière du « discours de Stockholm » d’Annie Ernaux pour comprendre pourquoi son oeuvre, dévorée il n’y a pas si longtemps me touche profondément.

Il y a chez elle ce refus de se laisser inclure dans une vision « bourgeoise » du monde en reniant ses origines.


(8 décembre 2022 — 1 — 8h40)


*


Deux mondes ne se rencontrent pas.

L’un est pétri de son pouvoir économique, de son savoir faire qui lui permet d’exploiter pour s’enrichir.

L’autre est dans l’obligation de se soumettre pour vivre des mannes concédées par le premier.

Cette irréductibilité n’a pas toujours été, mais depuis la révolution industrielle, elle s’est « laborieusement » établie comme une réalité incontournable.


Certes il y a ces peuples de l’entre deux qui ne sont pas de la vraie bourgeoisie liée au profit ; qui ne sont pas non plus de ceux qui doivent se soumettre aux premiers pour leur survie.

« Oui not’ bon maître, oui not’ monsieur ! »

Mais voilà que pendant un siècle, on a dit que tout ce qui n’était pas du monde ouvrier était de la bourgeoisie. 

Alors les peuples de l’entre deux qui ne se sentaient pas à l’agonie se tournaient vers leurs maîtres en imitant leur train de vie sans les possessions.


Ce que Annie Ernaux nous montre dans ses livres c’est la fidélité à un monde.

On ne se fait pas bourgeois : on l’est ou pas.

On n’appartient au monde bourgeois ou pas.

Ce que Bernard Stiegler a nommé « prolétarisation » n’est que descente d’un piédestal.

Les peuples de l’entre deux ne se prolétarisent pas : ils retournent à leur juste place.

Les bourgeois, les vrais, ceux qui tirent profit de tout, y compris du sang sous les pelouses du stade, restent immuables à leur place.

C’est l’entre deux qui se déchire devant la soif absolue de richesse des vrais bourgeois (qui cotisent le plus souvent au CAC 40).


(8 décembre 2022 — 2 — 15h33)


*


Et elle est dure la désillusion.

Lorsque, de grands-parents en parents, on te fais croire appartenir à un monde, mais que tu sens bien que non.

Tu sens bien que quelque chose qui n’est pas dans ton hérédité, mais quand même ne te permets pas d’accéder aux codes de bien séance de la bourgeoisie.

Tu sens bien que pas pour rien que dans ton histoire musique art ou littérature n’étaient pas considérés comme « métiers nobles ».

Il fallait faire oeuvre de science pour avoir un « vrai métier » !


Mais toi…

Toi tu te rêvais musicien, chef d’orchestre, écrivain.

Quelle vanité !


Annie Ernaux, devient alors comme une boussole.


(8 décembre 2022 — 3 — 19h08)


*


Paraître.

Adhérer au mythe d’une aisance infinie.

Faire semblant de.

Mythologie des catégories moyennes aisées des trente piteuses.


J’ai vécu dans ce monde du paraître, ce monde en porte-à-faux.

Il fallait y fréquenter du beau monde, du cultivé qui parle doctement de toutes choses.


Ne jamais être vraiment soi, tenter de faire comme ceux que l’on adule.

Ici me reviennent les mots de mon maître, Michel de Montaigne⁠1  :

« C’est une absolue perfection, et comme divine, de sçavoyr jouyr loiallement de son estre. Nous cherchons d’autres conditions, pour n’entendre l’usage des nostres, et sortons hors de nous, pour ne savoir quel y fait. /// Si, avons nous beau monter sur des eschasses, car sur des eschasses encores faut-il marcher sur nos jambes. Et au plus eslevé throne du monde, si ne sommes assis que sus notre cul. »


 (8 décembre 2022 — 4 — 20h57)


Xavier Lainé



1 Essais, III, Chapitre 13, De l’expérience, éditions GF, 1969

vendredi 23 décembre 2022

Poéthique (une déambulation) 8

 



Photographie : Xavier Lainé - Le poème déchiré - 2012



On apprend même à devenir invisible.

On apprend à séjourner sur une île que nul ne voit.

Il suffit de ne rien dire.

On pose du silence sur la partition des maux.

On ne pousse même plus un soupir.

On regarde l’âge avancer sournois comme à son habitude.

On reste là, avec ses cartons de regrets, archivés dans l’ordre alphabétique.

On n’attend plus, on prend ce qui vient, et quand ça ne vient pas, on n’est même pas déçu.

La demeure s’établit à des hauteurs dont l’ascension est impossible, même aux plus doués pour l’escalade.

Quand on ouvre la bouche, c’est avec parcimonie, histoire de ne rien dévoiler de ce qui se trame au dedans, dessous, derrière.

On montre façade de vieillard : c’est bien pratique pour éviter toute envolée de jeunesse perdue à jamais.

La tâche du temps s’installe sur la peau des rêves enfuis.

Il reste à contempler le silence et la nuit qui s’étend, elle aussi, comme couverture sur les os usés d’avoir trop vécus.


(7 décembre 2022 — 1 — 4h59)


*


Crise d’ego.

Avec ou sans explosions purulentes.

Après Omo Sapiens Sapiens, Omo Moi-je Moi-je.


Chacun tout seul qui sait mieux que tous.

L’important c’est que ça brille.

Si possible pour le Moi-je qui parle.


Très nette envie de me terrer loin.

Ne plus apparaître en ces territoires où cette nouvelle espèce prolifère.

Pire que virus et bactéries.

Cette espèce se fout de tout :

- du sang enfoui sous les pelouses des stades du désert

- de la planète mise à feu et à sang par une poignée d’imposteurs de la même espèce

- de l’extinction rapide de la diversité du vivant.

Cette espèce se réjouit du triomphe de ses semblables.

Impose à ceux qui n’ont rien à voir avec les jeux du cirque, les cris et les sirènes de leur joie malsaine.


On me dira que j’exagère.

Qu’importe ?

Qu’un Moi-je publie sa vérité, vous irez l’encenser.


Comme je n’en suis pas et que peu à peu je réduis mon espace d’expression pour ne pas vous gêner, ne pas contribuer à la prolifération de l’espèce endémique sus-citée, peu m’importe d’être ou pas dans le sens du courant.

Il n’y a que les poissons morts qui ne le remontent jamais.


(7 décembre 2022 — 2 — 8h57)


*


Voilà que, comme prévu, je prends un peu d’avance pour faire mon relevé de compteur puisque ENEDIS ne m’enverra plus personne et que je dois faire leur travail pour les payer au juste prix (au juste prix de la dizaine de charognards qui s’engraissent sur le cadavre d’EDF)…

Comme prévu, impossible de trouver l’index qui leur convient.

Comme prévu me voilà contraint de franchir les étapes de la création d’un compte chez eux, alors que j’en avais un chez EDF qui fonctionnait très bien.

Comme prévu, les étapes me conduisent tout droit sur un compteur Linky dont je ne veux pas et que je ne les laisserai pas m’imposer.

Comme prévu en la « start-up nation », me voici en enfer.

Il ne me reste qu’à les appeler en espérant ne pas devoir y passer toute une journée, puisque, en « start-up nation », l’humain disparaît, laissant derrière lui un monde immonde.


Comme prévu…


(7 décembre 2022 — 3 — 18h42)


Xavier Lainé

jeudi 22 décembre 2022

Poéthique (une déambulation) 7

 



Photographie : Xavier Lainé - Le poème déchiré - 2012




Vivre en état de vacuité.

Dormir, demeurer devant la page l’esprit aussi blanc qu’elle.

Peut-être, finalement, ne plus écrire.

Assumer le retrait nécessaire pour ne pas se laisser embarquer en monde naufragé.


(6 décembre 2022 — 1 — 9h43)


*


C’est devant le vide abyssal des pensées qu’on peut mesurer l’anecdote de se croire humain.


On se chamaille ici pour des plans de circulation, des places de parking mais nul ne songe à remettre en cause la voiture comme seul univers onéreux.


On attache importance à l’enrobé des avenues, à la beauté des façades, mais on oublie que pour beaucoup, c’est survivre chaque jour qui importe.


Quand depuis près de cinquante ans, tu dis et écris, tu protestes et invites à réfléchir en pure perte, c’est que quelque chose est bancal dans l’espèce qui est la tienne.


(6 décembre 2022 — 2 — 10h18)


*


Mes carreaux à l’abandon (englués de pollution) forment une brume sur le regard solaire.

Vaguement monte la rumeur d’une ville vouée à la consommation.

Si peu s’y aventurent désormais que les ressources fondent comme neige au soleil.


Au milieu de ma forêt livresque, je tente de ramasser mes esprits demeurés dans le brouillard d’un matin endormi.

Dans la chaleur des amitiés livresques, je puise l’ivresse des mots déposés, mélangés au hasard des doigts malhabiles.


(6 décembre 2022 — 3 — 11h41)



Xavier Lainé

mercredi 21 décembre 2022

Poéthique (une déambulation) 6

 



Photographie : Xavier Lainé - Le poème déchiré - 2012


Les sangliers passent et repassent, se rient des barrières et des chasseurs aux aguets intermittents : il sont chez eux.


Nous ne sommes pas chez nous sur cette planète.

Elle nous a donné naissance, mais sans titre de propriété.

Alors nous les avons inventés, pour nous persuader que nous possédions la terre, l’air, les arbres, les plantes, les animaux et les insectes.

Nous n’arrivons pas à comprendre qu’ils ne font que nous tolérer sur un domaine qui ne leur appartient pas plus qu’à nous.

Que nous sommes invités à leur table bien que contribuant toujours à leur extinction massive.


Les sangliers passent et repassent, les loups s’aventurent au plus près des demeures et nous crions au scandale !


(5 décembre 2022 - 1 - 12h03)


*


Un loup « prélevé » ici, tout près.

Un loup… « prélevé » : qu’est à dire ?

Un loup quand tant d’humains font bien pire.

Bien sur, on peut s’attendrir sur l’agneau.

Mais sur le manque à gagner du berger ?

Car : que dire de l’agneau, sinon qu’il est un gagne pain avant d’être agneau.


MAIS


Nous voici déterminés à faire de cette terre notre « propriété privée ».

PRIVÉE DE QUOI ? 

— Je vous demande un peu !—

Privée de loups — privée de sangliers — privée d’humanité ?


(5 décembre 2022 — 2 — 18h28) 


*


La nuit commence tôt.

Parfois elle finit tôt, aussi.

Les yeux s’ouvrent et refusent de se refermer.

L’oeil rouge du réveil  égrène les heures et les minutes :

1h15

1h30

2h

2h45

3h

3h15

Puis plus rien sinon le réveil en sursaut mais en retard pour tout.


Et là, c’est là : quelle chance que le réveil, de son oeil rouge ne dise que les minutes et les heures, et pas les secondes !

PAS LES SECONDES, de grâce, pas elles !


(5 décembre 2022 — 3 — 18h32)


Xavier Lainé