vendredi 23 décembre 2022

Poéthique (une déambulation) 8

 



Photographie : Xavier Lainé - Le poème déchiré - 2012



On apprend même à devenir invisible.

On apprend à séjourner sur une île que nul ne voit.

Il suffit de ne rien dire.

On pose du silence sur la partition des maux.

On ne pousse même plus un soupir.

On regarde l’âge avancer sournois comme à son habitude.

On reste là, avec ses cartons de regrets, archivés dans l’ordre alphabétique.

On n’attend plus, on prend ce qui vient, et quand ça ne vient pas, on n’est même pas déçu.

La demeure s’établit à des hauteurs dont l’ascension est impossible, même aux plus doués pour l’escalade.

Quand on ouvre la bouche, c’est avec parcimonie, histoire de ne rien dévoiler de ce qui se trame au dedans, dessous, derrière.

On montre façade de vieillard : c’est bien pratique pour éviter toute envolée de jeunesse perdue à jamais.

La tâche du temps s’installe sur la peau des rêves enfuis.

Il reste à contempler le silence et la nuit qui s’étend, elle aussi, comme couverture sur les os usés d’avoir trop vécus.


(7 décembre 2022 — 1 — 4h59)


*


Crise d’ego.

Avec ou sans explosions purulentes.

Après Omo Sapiens Sapiens, Omo Moi-je Moi-je.


Chacun tout seul qui sait mieux que tous.

L’important c’est que ça brille.

Si possible pour le Moi-je qui parle.


Très nette envie de me terrer loin.

Ne plus apparaître en ces territoires où cette nouvelle espèce prolifère.

Pire que virus et bactéries.

Cette espèce se fout de tout :

- du sang enfoui sous les pelouses des stades du désert

- de la planète mise à feu et à sang par une poignée d’imposteurs de la même espèce

- de l’extinction rapide de la diversité du vivant.

Cette espèce se réjouit du triomphe de ses semblables.

Impose à ceux qui n’ont rien à voir avec les jeux du cirque, les cris et les sirènes de leur joie malsaine.


On me dira que j’exagère.

Qu’importe ?

Qu’un Moi-je publie sa vérité, vous irez l’encenser.


Comme je n’en suis pas et que peu à peu je réduis mon espace d’expression pour ne pas vous gêner, ne pas contribuer à la prolifération de l’espèce endémique sus-citée, peu m’importe d’être ou pas dans le sens du courant.

Il n’y a que les poissons morts qui ne le remontent jamais.


(7 décembre 2022 — 2 — 8h57)


*


Voilà que, comme prévu, je prends un peu d’avance pour faire mon relevé de compteur puisque ENEDIS ne m’enverra plus personne et que je dois faire leur travail pour les payer au juste prix (au juste prix de la dizaine de charognards qui s’engraissent sur le cadavre d’EDF)…

Comme prévu, impossible de trouver l’index qui leur convient.

Comme prévu me voilà contraint de franchir les étapes de la création d’un compte chez eux, alors que j’en avais un chez EDF qui fonctionnait très bien.

Comme prévu, les étapes me conduisent tout droit sur un compteur Linky dont je ne veux pas et que je ne les laisserai pas m’imposer.

Comme prévu en la « start-up nation », me voici en enfer.

Il ne me reste qu’à les appeler en espérant ne pas devoir y passer toute une journée, puisque, en « start-up nation », l’humain disparaît, laissant derrière lui un monde immonde.


Comme prévu…


(7 décembre 2022 — 3 — 18h42)


Xavier Lainé

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