mardi 27 décembre 2022

Poéthique (une déambulation) 11

 



Photographie : Xavier Lainé - Le poème déchiré - 2012



C’est là, je le sens, c’est là.

C’est tissé dans ce rêve, dans ce patchwork, ce puzzle d’un village serein.

Je vais de maison en maison, chacune paisible dans sa beauté particulière.

Chacun y a mis un peu de lui-même.

Chacun y a mis un peu de sa différence, quittant le champ des indifférences.

C’est un village de lumière et de douceur.

Un endroit où le nomade peut poser un instant ses valises ; où l’éperdu d’un temps de ruine peut s’arrêter, respirer, se restaurer et s’abreuver à la source d’eau pure.


C’est là, je le sens, c’est là.

Les visages qui me croisent ont tous cette lumière propre à ceux qui se réalisent.

Mais pas seuls.

Car l’humain n’est pas seul.

Il est l’enfant d’une terre perdue dans un univers dont il ne saura jamais vraiment en quoi il consiste.

Même si ses connaissances en défrichent des chemins.

Il ne saura jamais.

Il faudra toujours qu’il revienne à la Terre.

L’humain se réalise dans cette immense diversité dont il fait partie.

Il puise dans le divers la joie de créer.

Ce qu’on ne sait plus vraiment faire.

Ce qu’on cherche, au fond.

Ce qu’on cherche.


C’est là, je le sens, c’est là.

Mes yeux vous observent dans l’étonnement de vos mouvements.

Mes mains le sentent : c’est là, dans votre soudain relâchement qui vous met en accord avec vous-mêmes mais pas sans l’autre qui a posé ses mains.

L’humain se tisse, la Terre est la trame de son tissage, la vie en est le fil.

C’est là…


(10 décembre 2022 — 1 — 8h15)


*


Sans doute inapproprié, inapte à toute intégration dans un « système ».

Qui dit système dit volonté de sa pérennité.

Vivre, c’est autre chose.

C’est faire système hors de toute construction élaborée d’avance.

C’est constater que vivre en humain c’est s’appuyer sur du commun, pour mieux vivre en particulier.

La pensée aristotélicienne est-elle en cause dans la pensée binaire en vogue ?

Ou la croyance chrétienne porte-t-elle cette responsabilité : ne seront sauvés que ceux qui croient aveuglément ?

Nous sommes héritiers d’un mode de pensée dominant.

Très difficile de s’en défaire.

Très difficile donc de passer à autre chose.

De ne rien prévoir qui ne soit généré par la vie, dans le respect de tous les vivants.

Comme beaucoup, j’ai été éduqué dans cette pensée qui voit noir ou blanc le camp d’en face.

J’ai, comme beaucoup, défendu l’indéfendable, au nom d’une idéologie.

Au terme de mon existence, je suis bien obligé de constater en quelles erreurs je m’étais engouffré à croire en des vérités imposées.

Invité à parler de culture, j’osais dire qu’un indien d’Amazonie serait tout aussi compétent que moi sur le sujet.

Écrire ne me donne rien de plus, sinon d’aligner des mots qui forgent suggestions de recherches, prémisses de pensées aussi diverses que les espèces déjà disparues ou en cours d’extinction.

On navigue au jugé sans rien savoir de notre direction.

Je ne peux que faire état de ce que j’ai lu, mis en relation, qui permette de réfléchir à des lendemains d’humanité qui sache survivre à ses propres erreurs.


(10 décembre 2022 — 2 — 16h02)


*


Marcher dans le froid donne des ailes à la pensée.

Si je n’écris pas de poésie, c’est que désormais tant d’idées se bousculent qu’il faut bien qu’elles sortent, dans un grand désordre, certes, mais qu’elles sortent pour ne pas suffoquer sous leur fumée.


Je disais avoir été éduqué dans le noir et blanc d’un monde binaire.

Mais…

Car il y a toujours un mais dans ce monde là : c’était toujours en ajoutant que c’était plus complexe que ça.

Plus complexe que ça, mais en fermant la porte à tout ce qui pourrait survenir de contradictoire.

Le capitalisme comme seul horizon puisque le repoussoir du communisme devait nous montrer son échec.

Sans inviter à voir qu’il y avait là la même médaille d’un productivisme asservissant l’humain à défaut (sauf dans les camps) de les rendre esclave.

Les uns voyaient l’avenir dans le gris des goulags, les autres, au nom de la même industrie, ne croyaient qu’au miracles des opulentes vitrines et de la consommation sans borne.

Deux versants de la même médaille à l’effigie des dominants de toutes espèces.


(10 décembre 2022 — 3 — 16h42)


Xavier Lainé




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