dimanche 27 mars 2022

La guerre, sans fin 23

 



Photographie, Xavier Lainé, tous droits réservés



Car au fond, la tragédie est ici : elle jaillit de cette guerre continue que les dominants font supporter aux dominés.

Font supporter et en font les acteurs principaux.


Je me souviens.

J’étais étudiant à Paris et louais un petit deux pièces au septième étage sans ascenseur, non loin de la rue de Charonne.

Sur le même palier dont nous partagions les toilettes, vivait, dans un petit appartement à peine plus grand que le mien, un vieil homme.

Souvent, le dimanche, je profitais de mon temps libre pour lui remonter pain et croissants de bon matin, ainsi que son journal.

Le midi, il venait discrètement frapper à ma porte pour m’inviter à boire un apéritif avec lui. Sa langue se déliait alors et il me parlait de ses souvenirs de guerre qu’il avait vécue dans les Balkans.

Il me décrivait l’horreur et la surprise d’en être sorti vivant.

« Mais », me disait-il, « pendant que nous risquions nos vies dans les tranchées des Balkans, d’autres de notre âge, jouaient à la roulette dans les casinos de Monaco ! »

Logique implacable, vies d’apocalypse et moralité réaliste : ceux qui vont se faire étriper à grands coups de baïonnettes ne sont pas ceux qui fomentent les conflits.

Ceux-là, jouent à la roulette et engrangent les bénéfices dans les corbeilles du monde.


C’est toute la tragédie, qui semble aujourd’hui un peu écornée : que les peuples qui ne veulent pas la faire finissent par, comme le prétend l’histoire officielle, aller faire la guerre la fleur au fusil et en chantant des chants patriotiques.

Tragédie enfin un peu écornée puisque les voix discordantes montent dans le silence pesant des pantoufles médiatiques.


Xavier Lainé


20 mars 2022 (2)


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