samedi 6 août 2022

Comme le lierre 23

 




« Aujourd’hui, tandis que je suis en train d’écrire ce chapitre, des rayons de livres humanistes me surplombent sur leurs étagères, et leurs dos usés aux ternes éclats font peser sur moi un scintillement réprobateur, telles des étoiles perçant à travers les nuages : on ne saurait rien obtenir en ce monde par la violence ! Glaive, poignard, fusil en main, nous nous ravalerons rapidement au rang de nos bourreaux et de nos violenteurs. Et il n’y aura plus de fin…

Il n’y aura plus de fin… ici, assis à ma table, au chaud et au net, j’en tombe pleinement d’accord.

Mais il faut avoir écopé de vingt-cinq ans pour rien et mis sur soi quatre numéros, il faut tenir les mains toujours derrière le dos, passer à la fouille matin et soir, s’exténuer au travail, se voir trainé au Bour sur dénonciations, se sentir piétiné, enfoncé sans retour dans la terre, pour que de là, du fond de cette fosse, tous les discours des grands humanistes vous fassent l’effet d’un bavardage de pékins bien nourris.

Il n’y aura plus de fin !… mais un début, y en aura-t-il un ? Y aura-t-il une éclaircie dans notre vie, oui ou non ?

Le peuple sous le joug l’a bien conclu ainsi : ne compte pas sur la douceur pour extirper la violence. » Alexandre Soljenitsyne, L’archipel du Goulag, éditions Points, 2014


Pas question d’établir des similitudes anachroniques.

Et pourtant.

C’est comme si l’histoire ne s’arrêtait jamais.

Comme tant qui m’ont précédé, j’écris.

Je cherche une humanité dont j’ignore tout.

Sinon qu’elle a une histoire que tant d’autres ont tenté de mettre en mots.

Mais toujours le joug qui revient et le désespoir avec lui.

Ce que les peuples ont bien compris : face aux dominants devenus plus bestiaux qu’humains, tu peux toujours tendre l’autre joue, tenter de négocier.

Mais ta négociation porte sur le poids de tes chaines, non sur leur abolition.


Xavier Lainé


23 juillet 2022


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