dimanche 13 septembre 2020

Pour ne pas rester muet (total soutien aux réfugiés de Moria et aux justes qui leur viennent en aide)

 

Photographie : AFP, 9 septembre 2020


Mes yeux ne peuvent se fermer tant que Moria brûle.

Mes yeux ne peuvent regarder la mer tant que nagent entre deux eaux les cadavres dédaignés.

Mes yeux ne peuvent s’en remettre de contempler les barbares à l’oeuvre.

Mes yeux suivent les justes qui tendent la main et accablent les monstres et leurs matraques d’infamie.

Mes yeux embués de larme, plongent au creux des vagues, cherchent dans cette nuit les corps meurtris de toute humanité.

Mes yeux ne peuvent se fermer et quand ils se ferment, ils voient encore les flammes, les bombes et le sang.

Mes yeux vont de Palmyre à Bagdad au pas des réfugiés en leur éternelle errance.

Mes yeux lisent l’injure des barbares et leur cynique indifférence.

Mes yeux pleurent sur Moria comme ils pleurent sur tous les continents.

Mes yeux suivent la longue cohorte des justes devenus proie sous l’indigne discours justifiant le pire.

Mes yeux ne peuvent se fermer sur la nuit inhumaine répandue de mains sans âme.

Mes yeux cherchent vers où tendre mes mains, ouvrir mes portes, oeuvrer à la grandeur de l’Homme où les barbares au pouvoir ne sèment que la honte.

Mes yeux ne quittent pas Moria, Lesbos et Mythilène : un jour mes ancêtres ont suivi ce même chemin.

Mes yeux les voient pliés sous les bagages, fuyant l’avance des barbares d’un autre temps, qui eurent même visage que ceux d’aujourd’hui.

Mes yeux pleurent, grands ouverts sur le cimetière marin où se noient les espérances.

Mes yeux ne quittent pas les flammes, mes oreilles les cris, étouffés sous le poids des forces du désordre.

Mes yeux ne pleureront jamais assez pour nous laver de cette infamie.


Xavier Lainé

13 septembre 2020


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