Un instant j’ai imaginé
Juste un instant remonter le temps
Effacer jour après jour
Ce qu’un an laisse de trace
Et tout recommencer
Tandis que les sinistres peaufinent leurs discours
Nous pourrions effacer jusqu’à leur existence
Qu’avons-nous fait pour mériter de vivre
En tel monde tragiquement défait ?
Alors, écrivant chaque jour depuis tant d’années
J’ai remonté les degrés de l’échelle
J’ai découvert avoir mis trois jours
En l’an deux mille vingt et trois
Avant de me décider
De me jeter dans le bain saumâtre
De voeux qui ne retombent jamais
J’écrivais ainsi, ce trois janvier
En prélude à une année
Où tant se répandaient sur les ondes
En vains voeux de bonheur
De santé et de prospérité
« Ça fait mal
Tous ces voeux balancés comme ça en passant
Avec visage si fermé
Qu’ils disent le contraire
Ça fait mal
Toutes ces fêtes qui n’en sont plus
Vidées de toute substance et de tous sens
Au point que nul n’y croit
Mais tout le monde se prête au jeu »
Je ne cesse d’écrire ici
Que la vie est ce que nous serions capables d’en faire
Que donc il n’est besoin d’aucune prédiction
D’aucune croyance
D’aucune superstition
Le temps passe et nous avec
À défaut de prendre nos affaires en mains
D’autres s’en chargent
Et nous laissent défaits
Sur le trottoir d’en face
Après nous avoir invités à traverser
Pour trouver ce que nous cherchons en vain
En vain puisque ce que nous cherchons est en nous-mêmes
Tapis dans l’ombre de notre action ou inaction
Tapis dans notre compassion ou notre indifférence
« Toutes les langues issues du latin forment le mot compassion avec le préfixe « com- » et la racine « passio» qui, originellement, signifie « souffrance ». Dans d'autres langues, par exemple en tchèque, en polonais, en allemand, en suédois, ce mot se traduit par un substantif formé avec un préfixe équivalent suivi du mot « sentiment » (en tchèque : sou-cit ; en polonais : wspol-czucie ; en allemand : Mit-gefühl ; en suédois : med-känsla).
Dans les langues dérivées du latin le mot compassion signifie que l'on ne peut regarder d'un cœur froid la souffrance d'autrui ; autrement dit : on a de la sympathie pour celui qui souffre. Un autre mot, qui a à peu près le même sens, pitié (en anglais pity, en italien pietà, etc.), suggère même une sorte d'indulgence envers l'être souffrant. Avoir de la pitié pour une femme, c'est être mieux loti qu'elle, c'est s'incliner, s'abaisser jusqu'à elle.
C'est pourquoi le mot compassion inspire généralement la méfiance ; il désigne un sentiment considéré comme de second ordre qui n'a pas grand-chose à voir avec l'amour, Aimer quelqu'un par compassion, ce n'est pas l'aimer vraiment.
Dans les langues qui forment le mot compassion non pas avec la racine « passio — souffrance » mais avec le substantif «sentiment », le mot est employé à peu près dans le même sens, mais on peut difficilement dire qu'il désigne un sentiment mauvais ou médiocre. La force secrète de son étymologie baigne le mot d'une autre lumière et lui donne un sens plus large : avoir de la compassion (Co-sentiment), c'est pouvoir vivre avec l'autre son malheur mais aussi sentir avec lui n'importe quel autre sentiment : la joie, l'angoisse, le bonheur, la douleur. Cette compassion-là (au sens de soucit, wspolczucie, Mitgefühl, medkänsla) désigne donc la plus haute capacité d'imagination affective, l'art de la télépathie des émotions. Dans la hiérarchie des sentiments, c'est le sentiment suprême. » (Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être)
Ne m’en veuillez pas de ne rien vous souhaiter
Je suis trop dans cette passion de l’être
Pour imaginer ne serait-ce qu’un instant
Que je ne sais quelle force extérieure
Nous ouvrirait les yeux sur nos manques
Ne m’en veuillez pas
Je ne formulerai aucun voeu pieux
Voeu comme un pieux planté dans des lendemains
Qui ne cessent de faire déchanter notre humanité commune
Je n’ai pas de voeux à formuler
Juste des rêves à traduire en mots
En mots qui ne seraient enfin d’aucune vanité
Qui seraient de nous serrer la main
De nous prendre dans nos bras réconciliés
D’un bout à l’autre de cette Terre
Dont nous savons la finitude
De nous étreindre dans un immense geste d’amour
Dont les sinistres ne viendraient plus assombrir l’existence
Ce n’est pas un voeu
Mettons-nous à l’oeuvre
Xavier Lainé
31 décembre 2023
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