mardi 10 novembre 2020

Lettre du bord du gouffre 12

 



Il me semble bien tôt pour tirer leçons de ce que nous vivons, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faudrait pas souligner les incohérences et y réfléchir en profondeur.


Tout le charme de ce virus (pardon à ceux qui en ont souffert et en souffrent) est qu’il aura mis en évidence beaucoup de travers liés à l’organisation de la santé, mais peut-être (mais je m’aventure ici en terrain mouvant) aura-t-il pointé une insuffisance fondamentale de la médecine telle que nous avons appris à l’exercer depuis les années 70 du dernier siècle : hyper-spécialisation, technicisation faisant perdre de vue qu’il n’est pas de santé possible sans lien avec un environnement, un mode d’organisation de la société. Nous avons pris l’habitude de découper le patient en tranche sans regarder combien sa vie et donc sa santé sont le résultat d’apprentissages, de conditionnements, plus ou moins forcés par les conditions économiques et sociales.


L’organisation de la médecine, en pratique hospitalière comme en ville, a été pensée sous l’angle exclusif d’un pouvoir absolu de la technique, nous faisant oublier l’essentiel : la vie elle-même qui ne se plie à aucun savoir définitif, à aucune technologie omnisciente.

Mes nombreuses années de pratique n’ont fait que me démontrer comment, au sein même des professions de santé, avoir une réflexion en profondeur sur notre place dans la société, la perception du symptôme comme vitrine d’une relation perturbée au monde et à soi-même, est difficilement acceptée. L’absence d’humanités dans nos formations n’est pas étrangère à ce refus de ne rien accepter hors statistiques érigées en science apportant réponse définitive, difficile de parler d’une santé publique qui ne soit pas réduite au « soin ».


« Quand la civilisation n’est pas soin, elle n’est rien. » (Cynthia Fleury, Le soin est un humanisme, Tracts Gallimard n°6, mai 2019)

Depuis combien d’années, le virage libéral totalitaire ne prend plus soin des peuples mais seulement des finances d’une minorité assoiffée de fortune ?


Les imaginaires d'une épidémie


A suivre



Xavier Lainé


10 novembre 2020


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