lundi 5 avril 2021

Rouge misère 8 (Nouveaux états chroniques de poésie - Volume 12 - Tome 3)

 




Encore faut-il trouver le chemin de penser.

Or, quand la faim ou l’angoisse du lendemain te tenaille.

Quand tes journées se passent à perdre ta vie pour ne plus rien gagner.

C’est le temps qui te manque et l’aisance d’esprit.

Tu navigues alors sur un océan de fatigue.

Même plus capable de colère.

Même plus.

Tenir les yeux ouvert, c’est déjà une épreuve.

Tu travailles.

Il ne te reste rien.

Même l’idée de révolution te fait défaut.

Alors tu suis bêtement la cohorte des révoltés.

Tu t’assois sur le parvis et tend une main fébrile.

Tu vois : il en fallait des famines pour qu’arrive un jour 89.

Il en fallait des humiliations millénaires pour que peuple se mette en route.

Puis se repose à l’ombre d’une révolution très vite dévoyée.

Très vite retombe le couvercle sur tes épaules fourbues.

Le trafic de ta force de travail et la spéculation sur ta nourriture reprennent.

Ce ne sont plus tout à fait les même riches qu’hier qui spéculent sur ton art.

Ceux-là savent te prendre, te faire miroiter la fin de ton esclavage.

Ce n’est qu’illusion.

Mais si peu qui viennent et comprennent.

Il faut bien manger, tenter encore d’offrir toit à ta progéniture.

Comme tout s’achète et se vend, tu dois t’acheter raison de vivre.

Parfois, tu imagines un ailleurs plus clément.

Alors, de Cracovie ou de la Creuse, tu saisis ton baluchon et tu viens à Paris, n’imaginant pas que les lumières puissent être sous boisseau.

Les bourgeois te vendent jusqu’à leur mode de vie.


Xavier Lainé


9 mars 2021


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