lundi 10 juillet 2023

Pousser les portes du devoir (Un chemin étroit avec Gide) 18

 



Vierge voilée de Giovanni Strazza (XIXème sicèle)

(Photographie glanée ici : Livingstone)


« Chaque action parfaite s’accompagne de volupté. A cela tu connais que tu devais la faire. Je n’aime point ceux qui se font un mérite d’avoir péniblement oeuvré. Car si c’était pénible, ils auraient mieux fait de faire autre chose. » André Gide, Les nourritures terrestres


C’est ainsi que je sais : si mes mains vous font du bien, j’en ressors avec le sentiment du bien.

Ça ne se définit pas, ça ne se décrit pas.

C’est quelque chose au-delà des mots.

Mes mains et mon corps savent.

Dans un soupir d’aise quelque chose se passe.

Mais quoi ?


Or voilà que l’injonction vient : que faites-vous et pourquoi ?

Vous devez cocher les cases du bilan pour prouver l’efficience de votre « bonne pratique » !

Comment mettre dans une case le soupir d’un vivant parmi les vivants ?

Je ne sais pas, alors on me dit être bien peu « scientifique » à ne pas savoir !

Car, au nom de la « science », nous devons « savoir ».


Et si le savoir était fondé sur ce sentiment de « volupté » évoqué par Gide ?

Je ne sais pas au départ de quoi il en retourne.

Je ne sais rien de l’autre qui m’apporte sa douleur.

Je ne sais pas d’avance ce qu’iel vient chercher.

Enfin, si, car les conditionnements ont accompli leur oeuvre : « vous allez me guérir ? »

Mais moi je ne sais pas.

Je ne sais rien de cette histoire qui me supplie.

Je ne sais pas quel remède apporter aux maux.

Il me faut du temps, celui de sentir que mon action est juste parce que je m’y sens bien.

Que parfois même il s’y cache un désir, une vraie volupté, une joie, un bonheur.

C’est subtil instant que celui-là.


Je ne calcule rien.

Je vous regarde entrer, je vous regarde sortir.

À vous regarder il me semble bien que quelque chose s’est passé, que vous êtes bien différents entre le début et la fin.

Mais je ne dis rien.

Je vous demande de sentir.

Si vous aussi vous avez trouvé un moment de plaisir et de volupté, alors je sais que l’action était juste.


Parfois vous ne dites rien.

Ou vous me sautez au cou.

C’est une volupté qui dure.

Ça n’a rien à voir avec un effort, avec quelque chose de « pénible ».

C’est comme la preuve que nous sommes vivants.

Elle est subtile, la volupté d’être vivant.

Elle nous « connecte » par delà nos différences.

Elle nous fait encore plus qui nous sommes.

C’est alors toute la « biosphère » qui se met à chanter, lorsqu’un seul être ou deux, s’étant fait du bien, s’étreignent.


Il n’y a pas de hasard, mais une juste position et une action qui frise la perfection.



Xavier Lainé

18 juin 2023


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