vendredi 14 juillet 2023

Pousser les portes du devoir (Un chemin étroit avec Gide) 22

 



Vierge voilée de Giovanni Strazza (XIXème sicèle)

(Photographie glanée ici : Livingstone)


« Ô désir ! que de nuits je n’ai pu dormir, tant je me penchais sur un rêve qui me remplaçait le sommeil ! Oh ! s’il est des brumes au soir, des sons de flûte sous les palmes, de blancs vêtements dans les profondeurs de sentiers, de l’ombre douce auprès de l’ardente lumière… j’irai !… » André Gide, Les nourritures terrestres


Ainsi va la vie qu’au coeur même de l’absence elle se présente nue et vibrante dans la clarté lunaire.

Ainsi va la vie tant qu’elle est chevillée au corps qu’elle ne laisse guère de place au repos et à l’apaisement.

Sauf à qui connaît les délices du plaisir accompli qui précède l’abattement de la fatigue.


Ainsi va la vie qui balance d’un réel trop souvent sordide en un onirisme sans limite.

C’est vertu du désir que de peupler les nuits d’ondes délicates, de douceurs alizéennes soufflant dans les hautes palmes.

C’est un miracle de lumière et de beauté qui envahit le temps des rêves et remplace le sommeil introuvable à qui a soif et faim.


L’amour de la vie et du vivant ne se dissout dans aucune turpitude de la gestion.

L’amour de la vie et du vivant est une façon d’être qui va de fleur en forêt, suit les sentiers escarpés où les larmes s’oublient dans l’eau tumultueuse des cascades.


Je suis pétri de cette terre, de cette glaise, de cette eau courant sous les mousses.

Je suis fait de ce vent inattendu qui vient rafraîchir ton visage sans dire son nom.

Je suis la tendresse d’un soupir, la douceur d’une caresse sur la peau délicate d’un été éternel.


Mes mots se font ode aux nourritures de la vie.

Ode au suc délicieux des instants perdus à rêver et puis écrire.

À écrire et puis rêver encore.


Qu’on ne s’y trompe, je ne sais pas grand chose de l’oisiveté.

Chaque minute de ma vie n’aura été que course effrénée après les illusions du monde.

Mais entre chacune de ces minutes alimentaires perdues, les songes n’ont jamais cessé de me poursuivre.

Je suis du peuple des rêves, celui qui naquit du ventre de la Terre et qui se réveille parfois en grand tumulte pour défendre son berceau.


On ne peut me dissoudre car enfoui je me fais graines qui se multiplient et donnent naissance à d’autres révoltes, d’autres mouvements, d’autres danses, chants, musiques infernales aux oreilles des puissants.


Je suis posé là dans la grisaille d’un été hésitant.

Mes mots jaillissent de je ne sais où.

Ils ne font que me traverser sans rien prédire de leur ajustement, de leur agencement.

Ont-ils même un sens aux oreilles obstruées par l’argent, l’argent, l’argent… peu m’importe.

J’assume la durée de chaque jour comme une merveille inattendue.


Nourri de ce que Terre m’offre, je vais…



Xavier Lainé

22 juin 2023


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