dimanche 23 juillet 2023

Pousser les portes du devoir (Un chemin étroit avec Gide) 30

 



Vierge voilée de Giovanni Strazza (XIXème sicèle)

(Photographie glanée ici : Livingstone)


« En localisant et en spécifiant, l’on restreint. Il n’y a de vérité psychologique que particulière, il est vrai ; mais il n’y a d’art que général. Tout le problème est là, précisément ; exprimer le général par le particulier ; faire exprimer par le particulier le général. » André Gide, Les faux monnayeurs


Réduire sans perdre de vue l’universel.

Rendre compréhensible sans banaliser le propos.

Spécialiser sans pour autant rattacher chaque spécialité au global dont elle fait partie.


L’enjeu poétique est ici : ne pas couper pensée et poème de la banalité du quotidien, et tendre à élever l’esprit.

Vivre dans sa chair ce qui relève de l’esprit.

Puisque tout se trouve mêlé, emmêlé, attaché.


Pour larguer les amarres, encore faut-il en connaître l’existence.

Prendre le large ne veut pas dire perdre son port d’attache.


Je n’aurai jamais assez de livres à lire pour m’élever et apprendre.

Chacun doit me ramener à son propos ancré dans le déroulement d’un jour.


Rendre concret ce qui relève de l’abstraction.

Plonger racines dans l’humus de la vie pour mieux respirer la fraîcheur des frondaisons.

Nous croissons, nous élevons au-dessus de la canopée puis redescendons nous enfouir dans l’humus où passé et présent se mêlent aux racines.

Ici la graine germe à nouveau, la vie se poursuit, indifférente au temps et aux humeurs des tyrans.


« Les individus meurent. Pas la vie. » (Boris Cyrulnik, Sous le signe du lien)


Vivre plus large, plus long, plus plein.

Plein de ces petites choses offertes en toute discrétion.

Me nourrir de mots et de beauté.

D’une mince pluie et du chant de mon rosier ravi de ces larmes tendres déposées par douces nuées.

Un frémissement dans les feuilles, un moineau qui rit à gorge déployée.

Un zéphyr qui effleure de ses doigts tendres les feuilles de la glycine.


L’universel commence ici.

C’est un appel à regarder toujours plus loin sans rien perdre de l’humus qui donne vie à la graine.


Tant d’infime qui se tisse dans un geste d’amour.

Que l’esprit ne sait plus rien voir d’autre.

Ce qui ne lui interdit pas de voir par-delà les nuées, le soleil qui sourit de vivre encore un jour.


Et de chaque moment, de chaque particularité bâtir un monde…


« L’universel, c’est le local moins les murs. C’est l’authentique qui peut être vu sous tous les angles et qui sous tous les angles est convaincant, comme la vérité. » Miguel Torga



Xavier Lainé

30 juin 2023


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