lundi 27 novembre 2023

Si étroit est le chemin 4

 




« Souvent, les minoritaires sont des pollinisateurs. Ils rôdent, ils virevoltent, ils butinent, ce qui donne d'eux une image de profiteurs, et même de parasites. C'est quand ils disparaissent que l'on prend conscience de leur utilité. »

Amin Maalouf


J’abandonne

Je me délivre 

Je m’éloigne du cimetière marin

Je rompt avec ce monde devenu fou

J’écoute


Il en est tant avec qui je partage

Rêves de paix et de fraternité

Soif de douceur

De tendresse et d’amour


Pas si sûr que nous soyons minoritaires

Juste que nous ne savons pas comment 

Faire entendre nos voix

Éteindre celles des parasites et des profiteurs


À l’égard des égarés sur le chemin de la violence

J’ai utilisé comme beaucoup le terme

« Terroriste »

À la réflexion c’est manière de noyer le poisson

De faire avaler le poison de la suspicion généralisée

Les criminels de toutes espèces 

À ce titre là

S’en sortent plutôt bien

C’est toujours l’autre qui est dans le mauvais camp

Le camp des mauvais



Un crime en égale un autre

Je l’ai tant écrit

Un humain qui meurt sous les coups d’un autre

C’est toute notre humanité qui en est meurtrie

Qu’importe qu’il soit d’ici ou d’ailleurs

Qu’importe la couleur de sa peau

Qu’importent ses croyances

Sa mort est une plaie au flanc de notre humanité

Une plaie difficile à soigner

Une plaie qui pour certains exacerbe les rancoeurs

Les esprits de revanche et de vengeance


Que vaudrait le poème qui n’inviterait 

À réfléchir un peu à ce que pourrait vouloir dire

Le mot « humain »

Si le crime est catégorisé devant la justice des hommes

L’humain est une notion difficile

C’est pourtant cette idée là qui doit encore grandir

Qui doit sortir grandie de nos épreuves

De nos plaies ouvertes

De nos yeux ouverts sur nos propres désirs de vengeance

Pour qui ne serait pas dans cet état d’esprit

Pour qui viendrait de perdre son enfant sous les décombres


J’abandonne

Je m’isole pour réfléchir

Pour éviter le bruit que font les « commentateurs »

Ils ne cessent de commenter l’indicible

Ils nous épuisent de leur jactance

Non pour nous aider à réfléchir

Mais pour nous perdre un peu plus

Et laisser le champ libre 

À qui passe à l’acte meurtrier

Dans le silence des blessures


*


Qu’importe que nous soyons minoritaires ou pas

La vie ne se dit pas en colonnes de chiffres

Elle se décline en infinies variétés d’états d’âmes


Chaque vie est précieuse

Pour elle-même

Non pour ce qu’elle représente


*


J’avance

Nietzsche accompagne mes pas

Derrière lui Lautréamont avance

Lui aussi


Bientôt il ne restera plus que refuges imaginaires

Sur une Terre rendue inhabitable


Maldoror sans le savoir

Se projetait en ces temps que nous vivons

Ce temps où le crime est passé sous silence

Où l’homme devenu pire que loup pour lui-même

S’acharne

Détenteur de pouvoir et d’argent

À rendre la vie des humains toujours plus difficile


*


Je croyais avancer

Je faisais du sur-place 

Car le monde autour de moi ne cessait de reculer

Vers les ténèbres de son origine


Dès lors me restait comme ultime bouée de sauvetage

Le rêve et la poésie sous le ciel gris

Qui pleurait de froides larmes éparses

En prémisses de nos rigoureux hivers


Je suivais les sinuosités du chemin de Kessel

Dans la traversée du siècle qui me donna naissance

Saurais-je l’en remercier

Ou constater que les horreurs décrites

Me poursuivent de leur froidure


J’aurais aimé un autre héritage

J’aurais rêvé laisser derrière moi

Autre chose que cette cruauté toujours renouvelée


Paradoxe humain que d’être à la fois capable 

De la plus brillante des splendeurs

Tandis que dans l’ombre on s’échine

À en saper la moindre trace


Ce que les tyrans d’aujourd’hui détruisent

Touche à nos racines profondes

Atteint notre mémoire 

Pour y déraciner les fondements mêmes

De nos plus brillantes capacités

À laisser dans notre sillage du beau



Xavier Lainé

4 novembre 2023


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