« Souvent, les minoritaires sont des pollinisateurs. Ils rôdent, ils virevoltent, ils butinent, ce qui donne d'eux une image de profiteurs, et même de parasites. C'est quand ils disparaissent que l'on prend conscience de leur utilité. »
Amin Maalouf
J’abandonne
Je me délivre
Je m’éloigne du cimetière marin
Je rompt avec ce monde devenu fou
J’écoute
Il en est tant avec qui je partage
Rêves de paix et de fraternité
Soif de douceur
De tendresse et d’amour
Pas si sûr que nous soyons minoritaires
Juste que nous ne savons pas comment
Faire entendre nos voix
Éteindre celles des parasites et des profiteurs
À l’égard des égarés sur le chemin de la violence
J’ai utilisé comme beaucoup le terme
« Terroriste »
À la réflexion c’est manière de noyer le poisson
De faire avaler le poison de la suspicion généralisée
Les criminels de toutes espèces
À ce titre là
S’en sortent plutôt bien
C’est toujours l’autre qui est dans le mauvais camp
Le camp des mauvais
Un crime en égale un autre
Je l’ai tant écrit
Un humain qui meurt sous les coups d’un autre
C’est toute notre humanité qui en est meurtrie
Qu’importe qu’il soit d’ici ou d’ailleurs
Qu’importe la couleur de sa peau
Qu’importent ses croyances
Sa mort est une plaie au flanc de notre humanité
Une plaie difficile à soigner
Une plaie qui pour certains exacerbe les rancoeurs
Les esprits de revanche et de vengeance
Que vaudrait le poème qui n’inviterait
À réfléchir un peu à ce que pourrait vouloir dire
Le mot « humain »
Si le crime est catégorisé devant la justice des hommes
L’humain est une notion difficile
C’est pourtant cette idée là qui doit encore grandir
Qui doit sortir grandie de nos épreuves
De nos plaies ouvertes
De nos yeux ouverts sur nos propres désirs de vengeance
Pour qui ne serait pas dans cet état d’esprit
Pour qui viendrait de perdre son enfant sous les décombres
J’abandonne
Je m’isole pour réfléchir
Pour éviter le bruit que font les « commentateurs »
Ils ne cessent de commenter l’indicible
Ils nous épuisent de leur jactance
Non pour nous aider à réfléchir
Mais pour nous perdre un peu plus
Et laisser le champ libre
À qui passe à l’acte meurtrier
Dans le silence des blessures
*
Qu’importe que nous soyons minoritaires ou pas
La vie ne se dit pas en colonnes de chiffres
Elle se décline en infinies variétés d’états d’âmes
Chaque vie est précieuse
Pour elle-même
Non pour ce qu’elle représente
*
J’avance
Nietzsche accompagne mes pas
Derrière lui Lautréamont avance
Lui aussi
Bientôt il ne restera plus que refuges imaginaires
Sur une Terre rendue inhabitable
Maldoror sans le savoir
Se projetait en ces temps que nous vivons
Ce temps où le crime est passé sous silence
Où l’homme devenu pire que loup pour lui-même
S’acharne
Détenteur de pouvoir et d’argent
À rendre la vie des humains toujours plus difficile
*
Je croyais avancer
Je faisais du sur-place
Car le monde autour de moi ne cessait de reculer
Vers les ténèbres de son origine
Dès lors me restait comme ultime bouée de sauvetage
Le rêve et la poésie sous le ciel gris
Qui pleurait de froides larmes éparses
En prémisses de nos rigoureux hivers
Je suivais les sinuosités du chemin de Kessel
Dans la traversée du siècle qui me donna naissance
Saurais-je l’en remercier
Ou constater que les horreurs décrites
Me poursuivent de leur froidure
J’aurais aimé un autre héritage
J’aurais rêvé laisser derrière moi
Autre chose que cette cruauté toujours renouvelée
Paradoxe humain que d’être à la fois capable
De la plus brillante des splendeurs
Tandis que dans l’ombre on s’échine
À en saper la moindre trace
Ce que les tyrans d’aujourd’hui détruisent
Touche à nos racines profondes
Atteint notre mémoire
Pour y déraciner les fondements mêmes
De nos plus brillantes capacités
À laisser dans notre sillage du beau
Xavier Lainé
4 novembre 2023
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