Humains
Le tragique accompagne nos pas
Nous allons nous heurtant
À nos propres frontières
Médisants et soumis
Aux règles
Par nous imposées
À nous-mêmes
Que nous ayons la puissance
De notre propre destruction
Ne semble inquiéter
Que bien peu de monde
Ils semble que la tragédie
Nous soit sans cesse nécessaire
Pour prouver à nos dieux
Notre existence peu glorieuse
Humains
Le tragique accompagne nos pas
Nous édifions des frontières
Bâtissons murs
Érigeons barbelés
Nous exigeons cartes d’identité
À nos semblables en déroute
Sommes toujours prêts
Le doigt sur la gâchette
De nos armes funestes
À tirer sur qui nous ressemble
Devenu éternel suspect
En dépit des sombres calculs
Me serai-il permis
De dire que toute mort innocente
Est couteau planté
Au coeur même de notre humanité
Qu’à souffrances inégales
Qu’à puissances sans proportion
Un mort égale un mort
Mais que la vie est fort différente
Selon que vous êtes
Du côté des expulsés
De celui des conquérants
J’ai la Palestine au coeur
Non pour la dresser contre
Le pays qui l’opprime
Mais pour chercher poétiquement une issue
Qui soit digne d’un regain d’humanité
Chacun a droit de vivre
Sur cette terre assoiffée et sanglante
Qu’en un seul lieu
On puisse vivre sous la menace de plus puissant
Est une insulte à toute culture
*
Les menaces sur tout ce qui touche à la culture
Menaces sous-entendues
Ou menaces actées
De la main de politiques néo-libéraux
En mal de pouvoir et de domination
Ne sont pas manoeuvres innocentes
On retrouve ce même brouet
À tous les étages du pays
Dans tous les pays dominés
Où la pensée unique se trouve de fait
Totalitaire
Pas innocente la difficulté
À exposer pensées complexes
Dès lors que la vision binaire
S’impose
Vidant la notion même de complexité
De son sens
C’est un grand plaisir des politiques
Éditocrates
Oligarques et autres agents
De la médiocratie libérale
De vider de leur sens
Les mots qui en avaient encore un
Laver les cerveaux de toute pensée contraire
S’il le faut en emprisonnant ceux qui demeurent en résistance
Ils ont quelques exercices pratiques en de multiples pays
Ils s’appuient sur l’expérience chinoise ou turque
Leur rêve serait de répandre partout
Leur empire d’une pensée totalitaire
Ne souffrant aucune opposition
Dès lors il reste à ceux qui ne veulent pas se soumettre
À s’inventer les médias de libre parole
Nécessaires à diffuser autre chose
Que le brouet infâme et unilatéral
Servi trois fois par jour
Y compris à ceux qui n’ont pas faim
Comme d’ailleurs à ceux qui crèvent de famine
Et sont la preuve de la malfaisance
De ce monde où seule compte la grosseur d’une fortune
Et l’art de faire prendre des vessies pour des lanternes
Aux peuples sidérés devant la violence générée
Mais jamais vraiment combattue
Car pour combattre le mufle hideux
Il n’est comme remède que d’étendre l’accès à la culture
L’accès à la poésie, à la philosophie
Hors des sentiers tracés par une économie mortifère
Les paroles dissidentes existent
Elles arrivent parfois à percer dans le flot insane des pensées unilatérales
Selim Nassib, par exemple, écrit :
« Il faut se souvenir que c’est dans les moments de très grand choc, quand le fer est chauffé à blanc qu’on peut le battre. L’ébranlement généralisé provoqué par la guerre oblige tout le monde à réfléchir. »
« Il faut également se souvenir que si les massacres de civils ont endeuillé les deux côtés depuis le début des hostilités, l’oppression permanente, trois cent soixante-cinq jours par an, touche le seul peuple palestinien. »
« Qu’on le veuille ou non, le statu quo mortifère est aujourd’hui rompu, et chacun est obligé de choisir. Car pour qu’une paix juste et durable s’établisse enfin, il faudra que les uns renoncent à la destruction de l’«entité sioniste», les autres à l’occupation sans fin. Mais qui aura cette sagesse, cette intelligence, ce courage ? »
« Même acculés, les Israéliens argueront toujours qu’il n’existe pas d’interlocuteur crédible dans le camp d’en face – mais ce n’est pas vrai. Il y a par exemple Marwan Barghouti, un homme regardé par une grande partie de son peuple comme le Mandela palestinien, qui croupit depuis plus de vingt ans dans une prison israélienne. Avant son incarcération, il déclarait en 2002 au Washington Post qu’avec la fin de l’occupation, «la route sera tracée clairement : les voisins indépendants et égaux d’Israël et de Palestine pourront négocier un avenir pacifique en tissant des liens étroits, tant économiques que culturels».
Un rêve ? Mais ceux qui croient qu’Israël peut être effacé de la carte, ceux qui croient que les Palestiniens peuvent être occupés pour toujours, enfermés pour toujours, rêvent plus encore. Mais leur rêve est un cauchemar, notre cauchemar à tous. »
Et encore Ron Leshem :
« Les démocraties devront lutter pour survivre à l’ère de la mort de la vérité, où chacun peut choisir de ne pas croire ce que ses yeux voient, et chacun décide quoi croire, même si c’est un mensonge. L’ignorance est une ressource qui, comme toute ressource, peut être exploitée pour semer la discorde, nous embrouiller. Une génération qui conçoit une réalité binaire s’est développée. Il est nécessaire d’être contre l’occupation et de crier que l’oppression crée de la violence, sans toutefois blâmer les victimes lorsqu’un gouvernement de terroristes massacre des vieilles femmes, viole des jeunes filles, assassine des bébés. Des bébés. »
« Aussi naïf que cela puisse paraître, et face à l’horreur et au chagrin, nous devrions – nous devons – faire appel à la compassion et à l’empathie face à la monstruosité. Les conteurs, les artistes ne vendent en réalité rien d’autre que de l’empathie, même dans les moments les plus cruels. »
« Pour nous, la vie ne sera plus jamais la même. Nous ne sommes plus les personnes que nous étions. Dans des moments comme ceux-ci, il faut lutter pour ne pas se laisser emporter par un fleuve de haine. S’accrocher à une branche. Si nous lâchons prise, nous serons engloutis. »
Mais qui aura pris le temps de lire Selim Nassib et Ron Leshem ?
Il est temps de réhabiliter philosophie poésie et pensée comme piliers d’une humanité retrouvée.
La question qui se pose est de savoir si les vrais « intellectuels » (ceux qui ne rodent pas sans cesse avec leur ego dans les couloirs médiatiques), trouveront les outils pour être entendus, voire même écoutés.
Non qu’ils détiennent la moindre parcelle de vérité, mais parce que celle-ci, pour ne pas vider son nom de tout son sens, se doit d’ouvrir les débats.
Serions-nous encore humains si nous laissions les barbares tuer sous nos yeux des femmes et des enfants ?
Serait-il temps enfin d’arrêter le bras des assassins ?
*
Je lis
J’ouvre les yeux
Le réel me rattrape
Avec son lot de détresses
Je lis
J’ouvre les yeux
J’écoute
Les lancinantes complaintes
De quel camp montent les larmes
Quelle importance
Ce sont celles des innocents
Toujours eux
Qui prennent les coups
Tandis qu’ailleurs on émarge
Mon chant ne trouve plus le chemin
Il suit les sentiers perdus
D’un bonheur demeuré
À ras de rêves
Dont la paix est le refrain
Toujours le refrain
Je lis
J’ouvre les yeux
J’écoute
Xavier Lainé
21 octobre 2023
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