J’aurais aimé passer à autre chose
Mais voilà que le monde me rattrape
Me voilà contraint et forcé d’y prêter attention
Car la pente est dangereuse
Et je dois bien constater que le monde est entre les mains d’individus dangereux
Aussi dangereux que les « terroristes » dont ils font leurs choux gras
Ici on interdit de manifester le moindre soutien aux palestiniens victimes depuis soixante dix ans d’un expansionnisme religieux sans discernement
Ici on autorise les manifestations pro-israéliennes et on soutient « sans condition » l’Etat d’Israel
Histoire de savonner un peu plus la pente déjà glissante depuis soixante dix ans
Les individus qui nous dirigent semblent pourtant ne pas correspondre tout à fait aux espérances des peuples qu’ils prétendent représenter
Mais qu’importe : ils dirigent d’une main de fer, non selon les désirs de leur peuple, mais selon leurs propres caprices et idéologies
On avait cru nazisme et stalinisme une bonne fois enterrés, mais les voici tirant les ficelles dans l’ombre d’un néo-libéralisme universellement dominant
« Dominant » est bien le terme : arrogance et mépris, décisions péremptoires sans consultation démocratique
« Démocratique » que reste-t-il du contenu de ce mot à l’heure des sinistres fossoyeurs de toutes libertés et de leurs armées de cafards
J’aurais aimé passer à autre chose
Agamben m’accompagne un instant
Agamben que la plupart autour de moi ne connaissent ni d’Adam ni d’Eve
Ils s’en moquent d’Agamben, comme de leur première chemise
Comme ils se moquent de tout ce qui de près ou de loin évoque le mot culture
C’est ainsi que s’improvisent des « nuits de cristal » et des « autodafés » de livres proscrits
On voit venir la chose, mais on fait comme si elle ne devait pas arriver
« Tout ce qui nous remue et nous émeut a la forme de quelque chose qui se rapproche, qui va nous toucher», écrit Agamben.
Il écrit ça mais comme si peu le lisent que la plupart tournent leur regard vers ailleurs et on s’étripe entre ceux qui soutiennent à mots couverts les criminels d’un côté et ceux qui soutiennent les autres criminels de l’autre côté.
On parle des palestiniens et des israéliens comme s’ils étaient d’un seul tenant derrière les criminels qui les mènent au massacre
Ainsi causent nos illustres jusque sur les bancs d’une assemblée
Ils s’étonneront demain de ce qui va sauter comme un bouchon trop longtemps contenu
La force d’un volcan est proportionnelle au temps privé de signes de sa vie
« Le proche est plutôt quelque chose que nous avons voulu éloigner et qui pourtant nous voisine », écrit encore Agamben
Le proche est ce que nous ne voulons pas voir
Mais c’est par pure couardise
Parce qu’on ne fait pas de politique, un jour elle finit par nous rattraper et nous contraindre à ouvrir les yeux
Hamas mis en place par le pouvoir israélien contre Fatah qui aurait aimé enfin déboucher sur une paix durable, avec le soutien d’une autre état terroriste qui a réussi sa colonisation
Je répète : devrions-nous jeter tous les américains à la mer ?
Mon invitation : lire, et penser
S’informer et penser
Apprendre ce que l’histoire nous raconte et penser
Serait-ce vaine espérance que cette invitation ?
« La pensée est cette faculté de détachement, penser une chose - qu'elle soit petite ou lointaine dans le temps - c'est la rendre proche, la rapprocher. » (Agamben)
Car si nous lisons, nous informons, apprenons du passé et partageons ce qui nous aide à penser, alors peut-être serions-nous capables de nous affranchir des règles de domination que la soit-disant civilisation nous impose comme seul et unique dogme.
Peut-être serions-nous capable de ne plus nous laisser endormir par la sirupeuse musique de la sainte consommation et les sirènes d’une sécurité absolue pour entrevoir le volcan sur lequel nous dansons.
Je ne fais là aucun allusion sinon involontaire
Danser devant une prison à ciel ouvert, comme étaler nos richesses sous les yeux des plus pauvres, voilà qui, immanquablement pourrait mettre le feu à la poudre des rancoeurs et humiliations ressenties.
Je laisse le mot provisoirement final à Agamben :
« C’est bien de cela qu'il s'agit finalement, »dit-il, « dans la vie, comme dans la pensée et en politique : savoir percevoir les signes de ce qui approche, de ce qui n'est plus temps, mais seulement occasion, perception d'une urgence et d'une imminence qui nécessite un geste ou une action décisive. »
C’est ce geste et cette action décisifs qui pourraient ouvrir la porte à l’espoir.
(Les mots de Giorgio Agamben ont été repris dans son article intitulé « A propos de ce qui s’approche, sur le site de L’Autre Quotidien, le 8 octobre 2023)
*
J’écris
On est toujours seul devant la page
Impossible de savoir leur résonance
Impossible de mesurer leur écho
Tant que livres en nombre vendu
Ne signe une quantité marchande de lecteurs
J’écris
Mes mots se posent sur une toile anonyme
Je ne sais rien de leur impact
Si même les pensées égrenées
Peuvent avoir la moindre importance
Et pourtant
J’écris
Si je n’écrivais pas
À regarder le monde comme il tourne
Il y aurait de quoi rendre son tablier
Puisque dans notre humanité
Les pires se croient libres de tuer
Libres d’insulter
Démontrant leur immense détresse
L’étendue de leur ignorance
Exploitée par d’autres
Qui leur fournissent les armes
*
J’écris
Je crie
De douleur et d’effroi
Devant l’espoir assassiné
J’écris
Je crie
Y a-t-il quelqu’un pour entendre
Que l’ignorance et la haine
Sont les enfants de la misère et de la guerre
J’écris et je crie
Mes mots inaudibles
Lorsque règnent en maître
La confusion et le bruit
Xavier Lainé
14 octobre 2023
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