Tu me disais planter des arbres jusqu’à l’ivresse
Jusqu’à ce que ton petit territoire en soit si plein
Qu’il te faudrait trouver un nouvel espace plus grand
Où poursuivre ton oeuvre
Observant la longue litanie des enfants perdus
Sous les décombres de Gaza et d’ailleurs
Je t’imaginais
Dans un geste d’amour sublime
Traduire chaque âme envolée
En racines
Troncs
Feuillages
Comme la liste ne cesse de s’allonger
Bien évidemment ton territoire d’amour
Devient trop étroit
Comme la bande de terre
Coincée entre colonisateur et mer
Mer devenue elle-même gigantesque cimetière marin
Où errent âmes d’enfants et de femmes
Et d’hommes fuyant les bombes et les décombres
Ton territoire devient bien trop étroit
Pour les contenir toutes
Leur donner un nouveau souffle
Une mémoire qui se poursuive
Bien au-delà de nos pauvres existences
Tu me disais planter des arbres jusqu’à l’ivresse
Dans un sublime geste d’amour
Offert à toutes les âmes en errance
*
Bien sûr on peut toujours tourner le dos
Mais
Nos cerveaux ont des antennes
Branchées sur chaque point du monde
Où notre humanité chancelle
C’est difficile d’assumer ne jamais être seul
Assumer être solidaire
Dans les profondeurs de nos êtres
Au point de ne pouvoir vivre sereins
Même en faisant semblant
Lorsqu’un enfant disparaît
Sous les ruines
C’est délicat de se regarder dans le miroir
Que nous tendent les misères
Les soumissions et les compromissions
Quels que soient les motifs
Nous sommes tous un peu de cette violence
Nous sommes tous de chaque bord
De chaque culture ou religion
Touchés dans notre chair
Ébranlés dans la profondeur de notre être
Car
Nous ne serions strictement pas humains
Si en nous ne se nichait pas
Un peu de terroriste
Un peu de guerrier
Un peu de victime des deux précédents
*
L’odeur des bûchers
Des procès en sorcellerie
Ce n’est pas histoire si ancienne
Il suffisait de mettre en cause
Les croyances établies
Pour finir sous les crachats
Dans l’enfer des geôles ecclésiastiques
Quelle que soit la religion
Il s’avère qu’elle font pâles figures
Une fois aux mains d’un pouvoir temporel
Qui use des croyances
Pour assoir pouvoir totalitaire
Voici que ces temps oubliés
Ressurgissent en un siècle
Dont on aurait pu croire
Qu’il aurait regardé en face
Les crimes du passé
Erreur
Les gens de pouvoir ne tirent leçon
Que pour imposer un peu plus
Leur joug obscène
Sur les épaules des innocents
Xavier Lainé
29 octobre 2023
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