dimanche 19 novembre 2023

Conjurer l’horreur 26

 




Il nous faudra admettre demeurer les derniers humains

Sur une planète livrée à la partie la plus barbare

D’une espèce qui a eu ses heures de gloire


Il nous faudra sans doute admettre le déraillement

Du train de notre « croissance » en humanité

Dès lors qu’à dix morts ici en succèdent cent 

De l’autre côté d’une frontière qui ne ressemble à rien


Il nous faudra admettre cette triste régression

Qu’au nom de telle ou telle religion

Qu’au nom de telle ou telle « patrie »

Le statut d’être humain peut vous être dénié


Il ne nous restera alors qu’à écrire

À nous plonger dans ce que l’humanité a su créer

Lorsqu’elle était encore sur le chemin de sa sagesse


Il nous restera à conjurer horreurs et exactions

Pour tenter encore de survivre dans le désert de la pensée

Laissé dans le sillage des plus ignorants parmi nous

Pauvre malades ivres de leur pouvoir

Pauvres ignorants aveuglés de vengeance


Il nous restera à écrire et encore écrire

Pour que cette tragédie si elle laisse encore vivants

Puisse être conjurée par les survivants 

Qu’ils puissent en tirer leçon pour leur propre avenir

Si toutefois une intelligence pourrait survivre

Dans l’enfer que les hommes de pouvoir

Créent tandis que l’immense majorité

En appelle à la paix et à la reconstruction du monde


*


« Les mots ne sont que les bras armés du silence, et je n'ai plus envie de me battre. » Antoine Wauters


Car la majorité ne dit mot

On ne lui tend aucun micro

On ne lui demande pas son avis

Avant d’aller fomenter guerres et vengeances


Il ne reste que les mots écrits

Qui parfois arrivent à rompre les digues

De silence et d’oubli dressées de mains de maîtres


Il ne reste que le silence peuplé de ces mots

Pour aborder avec sérénité l’autre qui est comme moi

Sidéré de voir tant de haine répandue

En insidieux commentaires sous les paroles d’apaisement


Une mort en égale une autre

Chaque mort sous les coups de la vengeance

Sous les ambitions colonisatrices

Est une mort de trop qui affaiblit notre humanité


Il en est de partout qui rejettent leurs gouvernements

Qui manifestent leur soif d’un autre monde

Ouvert sur des lendemains de paix

Nombreux sont ceux qui ne se reconnaissent pas

Dans le glaive brandi au dessus des têtes innocentes

Les mots comme bras armés du silence sont la trace indélébile de nos révoltes



Xavier Lainé

26 octobre 2023


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire