vendredi 17 novembre 2023

Conjurer l’horreur 25

 




L’homme joue du menton

Joue avec un aplomb sans bornes

Les matamores en terre dévastée

Il parle de défense justifiée

D’un seul côté des barbelés

D’un seul côté


L’homme joue du menton

Prend posture inspirée

Annonce devant monde interloqué

Des mesures dont chacun sait

Qu’elles seront sans effet

Car vides de sens


L’homme joue du menton

Il va de ci

Il va de là

Il serre des mains

Ouvre ses bras

Pour d’improbables accolades


L’homme joue du menton

La Terre en frémit de longue fièvre

L’humanité prend l’eau

Mais il joue d’un regard

Sourcilleux en diable

Mais qui sonne tellement faux


L’homme joue du menton

Des enfants meurent

Derrière les murs

Dressés en frontières 

Derrière lesquelles se poursuit

La route sanguinaire 

D’une humanité en berne


*


« Je n'ai pas de pays pour pouvoir y retourner 

Je n'ai pas de pays pour en être exilé 

C'est un arbre dont les racines 

sont l'eau d'un fleuve qui coule 

Il meurt si elle s'arrête 

et si elle ne s'arrête pas, il meurt

Je n'ai pas pays pour en être exilé 

Je n'ai pas de pays pour pouvoir y retourner 

Et si je m'arrêtais dans un pays 

je mourrais »

Najwan Darwish


Ainsi vont-ils les exilés de toujours

Ils errent

Repoussés de frontières en territoires

Jamais ne peuvent s’arrêter nulle part


S’arrêter serait mourir

Marcher encore marcher

Franchir les barrages

Déjouer les polices


Juste pour survivre un jour

Une heure

Sans oublier d’où on vient

Sans jamais pouvoir arrêter

Le bruit des bombes

Les cris des bombardés


Avancer pour vivre

Vivre pour avancer

Marcher la nuit

Dormir le jour

Toujours s’affranchir des peurs

Ou les murer tout au fond

Leur poser un bâillon sur les lèvres

Pour ne pas crier

Ajouter du tragique à la tragédie



Xavier Lainé

25 octobre 2023


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire