Le silence se fait pesant
Il couvre de ses brumes automnales
Les cris de détresse
Mais peut-être est-ce ainsi
Que les hommes vivent
Tournant bien vite la page
Avant même que les bombes
N’arrêtent leur manège
Silence pesant
Tout autant que le malaise
Qui ne serait pas frappé
Lorsque tant d’enfants meurent
Sous les roquettes de qui se plaint
D’être le paria d’un monde
Qui court à son chevet
L’absolvant de ses crimes
Car on meurt en Palestine
On y meurt d’avoir perdu
Devant le géant soutenu
Par qui ne digère pas
D’avoir perdu ses « colonies »
Silence pesant
Un matin d’automne
La ville se pare de fausses décorations
Tandis que non loin on tue
Chacun va comme si
Chacun va comme ça
Fait semblant de ne rien voir
Rien entendre
Ni être affecté
Savoir vivre hypocrite
Qui se satisfait des mensonges éculés
Dès lors qu’ils sont prononcés
Du sommet d’un Etat sans grâce
*
Je relis les écritures d’un mois d’horreur
J’aurais voulu savoir en conjurer la tragédie
Je relis non pour corriger
Non pour m’auto-censurer
Juste pour relire
Observer cette marée de mots
Marée cruelle qui me laisse de bon matin
Sur le seuil d’un jour
Avec profonde nausée d’être de ce monde là
De quoi pourrais-je encore rêver
Lorsqu’en tous points de la Terre
Vont s’imposant
Les règles de soumission
À un ordre qui ne sème que misère
De quoi pourrais-je encore rêver
Dans la citadelle des tendresses interdites
Des amours de papier glacé
Des baisers baignés d’hypocrisie
Je ne cesse de rêver
Je puis vous en assurer
Je ne cesse de rêver
Mon monde a fière allure
Dans les brumes
Il se lève dans un rayonnement
Embrasse nos êtres et nos coeurs
Nous prend par la main
Pour rebâtir ce qui a été détruit
Une fois les hordes dominantes
Réduites à ce qu’elles sèment
Le néant de toute vie
*
Faut-il encore formuler nos voeux pieux
Et attendre le bon vouloir
De ceux qui ne cessent de jeter
De l’huile sur le feu des conflits
Ou enfin mettre un terme
À leur système de domination
Pour que
Comme nous le proclamons depuis si longtemps
Plus jamais çà
*
« Je n'ai jamais écrit que pour bricoler des tombeaux ou redonner vie aux morts qui en ont déjà un. Je ne suis allé aux mots que pour creuser la terre avec mes mains et en sortir les silences malheureux. » Joseph Ancras, Nûdem Durak
Alors bien sûr de si loin que je vis
Quelle compréhension des crimes puis-je avoir
Moi qui vit dans le confort d’un occident
Incapable de tenir ses promesses de paix
Qui répand la guerre et la misère partout
En croyant ainsi épargner son territoire
Je ne fais que « bricoler des tombeaux »
Arroser de larme la terre fraichement retournée
Où dorment les enfants morts qui n’avaient rien demandé
Qui ne savaient de quelle religion ils étaient nés
Qui n’avaient juste eu le tort d’être à cet instant
À l’endroit où il ne fallait pas être
Où les « justiciers » d’une humanité perdue
Allaient commettre l’irréparable
L’acte qui nous rejette toujours dans les limbes
Dans l’enfer où Dante nous attend
Lui aussi de son écriture ouvrait les tombeaux
Montrait des chemins de purgatoire
D’où toujours nous ne faisons que retomber
Depuis des siècles à force de ne jamais nous regarder
Oublieux de ces temps où pour vivre
Notre humanité fragile savait qu’il valait mieux
Oeuvrer à notre solidarité dans un univers
Qui ne nous était sommes toutes que peu favorable
Mes mots ne cessent de creuser la terre
Ils cherchent la consolation dans un impossible deuil
Même de si loin que j’écrive
Rien ne vient permettre de comprendre
Mes mots sortent abasourdi des cimetières marins
Qui développent leurs ondes devant ma porte
En marées imperceptibles ne délivrant
Aucun certificat de décès.
Xavier Lainé
28 octobre 2023
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