jeudi 23 juin 2022

Sur un fil 9

 




« Refuser la poésie de circonstance c’est refuser aux poètes le droit à l’existence, c’est leur dénier la faculté d’être d’ici, d’être dans l’histoire, c’est leur refuser l’honneur des poètes qui est d’être des hommes. » Aragon, L’oeuvre poétique, volume X, 1943-1945, Livre Club Diderot, 1979


Il me sourit dans une lune blafarde, derrière un soleil épuisant, le poème.

Il est là, frémissant sur le fil devant mes fenêtres et gazouille sans souci.

Tandis que mes doigts s’agitent sur mon clavier de silence, combien n’entendent plus, ne voient plus, mais roulent.


Il va bien falloir que je choisisse un jour.

Les chemins sont rares qui permettent de vivre en ces territoires inexplorés et mal vus.

« Oui, mais toi, tu es un poète, un rêveur »

Ha! Que la formule est belle qui élude ce qui ne se dit dans aucune statistique.


Derrière la froideur des chiffres, le poète regarde et voit des vies qui flanchent.

D’autres qui un instant se redressent et tendent mains désespérées.

Mains désespérantes vers les branches nues qui se penchent.

Une ondée serait bienvenue sur les fronts enfiévrés.


Qui me dira encore que ma poésie n’en est pas.

Car dans leur monde qui n’est que « marché », il faut avoir diplôme pour en écrire.

Il faut passer par les écoles d’un formalisme académique qui stérilise toute sensibilité.

Qui contraint les regards à se cantonner au visible, au mesurable, au prédictible.

Tout se trouve réduit à une valeur marchande qui ne dit rien de la vie.

Le poème alors se vide de toute substance.

Le poème ne dit plus rien des coeurs serrés dans le froid des chiffres


Xavier Lainé


10 juin 2022


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire