vendredi 24 juin 2022

Sur un fil 10

 




« Résister à l’oppression, affirmer la dignité de l’homme, voilà (…) où la poésie se connaît essentielle. Cette haute voix de l’indignation prend à charge l’évènement. Elle y trouve à nommer clairement ces forces obscures d’oppression de l’homme qui se camouflaient auparavant jusque dans les versifications laborieuses de l’académisme et de la poésie réactionnaire. Elle se trouve alors toute portée par la haine et la colère, la révolte et l’espoir, la liberté et l’amour même. La conscience poétique ne se contente pas de dénoncer le caractère odieux des évènements, elle prétend à le mesurer et à le défier. Et dans son horreur même, dans cette nausée de haine qui lui vient, le poète trouve pourtant alors à espérer. » Aragon, L’oeuvre poétique, volume X, 1943-1945, Livre Club Diderot, 1979


Je vois.

Je vois, prenant parole devant vous, cette prétention de se dire « poète ».

Je m’arroge un titre qui m’autorise à vous parler et me voici, comme Aragon, me situant « hors du réel ».

Car le poète n’est pas au-dessus, mais dedans, qui trempe ses mains dans le cambouis de vivre.


Je vois.

Je me vois, une fois les mots lâchés, retournant à la solitude de l’écrivain du fond.

Rien ne m’autorise à écrire plus que d’être dans votre mouvement.

Ni au-dessus, ni en dessous, ni à côté.

Mais dans.


Je vois.

Je me vois vous tendre, à vous inconnue parmi les inconnus, le texte des mots prononcés, prétentieusement signé d’un nom.

C’est le mien, mais en quoi ces mots m’appartiennent qui furent pour un soir confié aux ondes et aux vents pour qu’ils vous parviennent ?

Ce n’était qu’un moment arrêté.

Un moment pour prendre respiration à la surface et replonger.


Xavier Lainé


11 juin 2022 (1)


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