vendredi 23 juillet 2021

Peindre dans l’air du temps (trilogie) Tome 1 - Théodore entre deux temps 13

 



Le baiser - Théodore Géricault

Source photographique


Au fond, la dictature d’un empereur, ça avait un certain panache.

Je peux donc comprendre, cher Théodore, ta méprise, puis ta déception devant le martyre de ces grognards, marchant épuisés dans la neige.

Je peux comprendre ton revirement puisque ton berceau t’y invitait.

Nous sommes ce que nos parents nous font.

Lorsqu’eux-mêmes ont appris à suivre comme des moutons le flot de « combattants » partant le fleur au fusil, on peut allègrement deviner ce qu’il en sera de leurs progénitures.

Sinon que toi, tu avais ce talent en plus : peindre.

Ce talent devint le miroir tendu devant le visage d’une époque.


Si tu revenais, cher Théodore, que peindrais-tu aujourd’hui ?

Des CRS glorieux chargeant le peuple, éborgnant des citoyens sans défense, en mutilant d’autres ?

Des migrants se noyant si près de nos côtes que le secret de ce crime ne peut plus être caché ?

Les uniformes d’aujourd’hui sont le reflet de l’époque : ils sont noirs, résolument noirs.

Ils en disent long sur l’absence de gloire des Napoléons minuscules qui se succèdent au pouvoir dans un acte de fausse démocratie.

Peut-être pour ça qu’aujourd’hui, les peintres préfèrent l’abstraction.

Ça évite de montrer le nihilisme d’une époque.

Tout le problème, comme Zao Wou-Ki sait si bien le faire, c’est de montrer ce vide mais habité.

Chacun peut ainsi habiter le vide comme il l’entend.


Je t’écris depuis ce rivage qui nous engloutit sous les immondices de la bourgeoisie triomphante.

Elle a désormais l’arrogance des anciens aristocrates.

Avec nos refus d’obéir à ses injonctions, nous voici devant l’apartheid.


Xavier Lainé


13 juillet 2021


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