jeudi 22 juillet 2021

Peindre dans l’air du temps (trilogie) Tome 1 - Théodore entre deux temps 12

 



Le baiser - Théodore Géricault




Tant que domination demeure, la lave de la liberté cherche son chemin.

Elle s’insinue dans les plus petites failles, elle germe au fond des êtres.

Elle est si vite étouffée qu’on finit par s’inquiéter de son avenir.


Faute de merle, on mange des grives, ou l’inverse, je ne sais plus.

Quelle importance ?

Toujours on finit par confier son sort à celui qui clame être notre sauveur.

Puis derrière, à force de têtes coupées, de membres mutilés, on rentre penaud.

On traine les pieds pour reprendre le cours de la vie.

Vie qui se poursuit comme une blessure irréparable.

Ainsi vont les têtes sur les toiles de Théodore.

Elles nous regardent du fond de leur détresse.

Elles semblent vivre encore débarrassées du corps, en dessous.

C’est d’ailleurs cette vie, cet intervalle dont doutait Monsieur Guillotin.

Il prétendait « humaniser » les peines capitales que les dominants ne cessaient de prononcer.

Le peuple assistait médusé à ces spectacles d’horreur.

C’était pour mieux en museler la soif de liberté.


Certains se mirent à imaginer un laps de temps où la tête pouvait encore avoir conscience d’être séparée du corps.

C’est cette question que Théodore se pose.

Les têtes ne cessent de rouler dans la sciure, sous le directoire, le consulat, l’empire, la restauration.

On ne cesse de condamner et les questions affleurent qui mettront tant d’années avant de jeter Monsieur Guillotin dans les tombes de l’histoire.

Théodore est de ceux qui s’interrogent.

Il oscille entre la magnificence d’un cheval blanc et l’horreur des têtes humaines suppliciées.


Xavier Lainé


12 juillet 2021


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