mardi 20 juillet 2021

Peindre dans l’air du temps (trilogie) Tome 1 - Théodore entre deux temps 10

 



Le baiser - Théodore Géricault




Théodore peint ce qu’il voit et ce qu’il ne voit pas.

Quelles tragédies façonnent nos ressentis ?

Théodore n’a pourtant rien vécu de ces deux ans tragiques, où le sort d’un peuple se soulève et en finit avec un roi.

Pourtant les têtes tranchées hantent les toiles.

Hantent les esprits, deviennent fantomes planant sur les mémoires.


Qui furent les criminels et de quel côté de l’instrument furent-ils qui se succédèrent sous le tranchant d’un monde en éruption ?

Le tragique n’est pas toujours contenu dans le sang versé, pas seulement.

Le tragique est dans l’usage officiel fait de la barbarie.

Il y aurait le crime impardonnable et celui absout d’avance car officiellement admis.

Il en faudra du temps et des larmes pour qu’enfin on réalise, contre une majorité d’obscurs qu’un homme qui meurt sous le couteau, d’où que vienne l’arme demeure une victime, ou de bourreau passe au statut de victime.

La violence ne résout rien, le mutisme devant elle non plus.


J’ouvre ici une brèche en me considérant, parmi vous comme responsable des atermoiements d’un siècle.

Je poserai plus tard la question des origines sociales de la violence.

L’une répondant à l’autre qui se proclame, avec des airs offusqués, comme vierge de tout soupçon de complicité.

Une violence, même symbolique, en ouvre une autre qui se fait brèche béante dans le flanc de l’histoire.

Le sang ne sèche jamais vraiment, et la plaie ouverte se transmet.

La preuve par Théodore qui n’a jamais vu de ses yeux les têtes coupées, promenées au bout d’une pique.

Juste une exposition, il semble, à Rouen, de têtes momifiées, reliques exsangues d’un temps  de terreur réduisant à néant les espérances.


Xavier Lainé


10 juillet 2021


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