Qu’importe après tout que l’écrit vous plaise ou pas
Mes doigts font ce qu’ils veulent sur le clavier de l’aube
J’écris
Pas un jour sans voir des larmes couler
Pas seulement sous l’effet des douleurs et des maux
Pas seulement
Pas un jour sans voir larmes couler
Trop de solitude trop
Trop de harcèlement trop
Pas seulement entre jeunes à l’école trop
Pas seulement harcèlement mais charge de travail trop
J’écris
Je crie
Trop
Qu’importe que ça vous plaise ou non
Les larmes ont des noms
Les corps rompus ont des noms
Trop de noms
Trop de maux qu’on leur met sur le dos
Déjà rompu le dos
Déjà ébranlé l’être
Trop
Alors j’écris
Que ça vous plaise ou non
J’écris
Je pose des mots sur les larmes et les douleurs
Sur trop de larmes et de douleurs
Trop de vies brisées
Sur le mur d’un monde
Qui nous laisse seuls
Face à sa violence
Face à ce cancer de solitude
Cette gangrène du seul contre tous
Et la culpabilité lorsque
Lorsque tu flanches sous le poids
Des larmes et de la douleur
Alors j’écris et je crie
Car rien d’autre à faire
Qu’importe que ça vous plaise ou non
Qu’importe que ces mots là puissent un jour
Se réfugier entre deux couvertures
Dans un objet qu’on appelle un livre
Ce que j’écris n’est pas de la posture
Ce que j’écris est un cris contre
Contre cette violence ordinaire
Sous le masque d’une normalité anormale
Anormale et inhumaine
Car
Cette lutte de tous contre tous
Nous rend inhumains
Inhumains dans notre indifférence
Inhumains de ne rien dire
Rien écrire
Assis dans nos fauteuils
À contempler la violence d’un monde immonde
Que m’importe que ça vous plaise ou non
J’écris
Je crie
*
J’écris contre
J’écris pour
Aussi
Car dans le monde que j’appelle monde
Nul ne peut être exclu
Pour son sexe
Pour la couleur de sa peau
Pour sa philosophie
Pour sa religion
Pour ses choix sexuels
Pour ses engagements
Politiques ou syndicaux
Ou associatifs
Nul
Nul ne peut
Je suis pour un monde
Qui cultive la liberté de penser
Celle d’agir
D’écrire
Qui cultive la paix
Qui sème le dialogue
Comme chemin à suivre
Dès le plus jeune âge
Là est mon monde
Je sais écrire pour celui-ci
Mais comment avancer vers ce monde rêvé
Si je n’écris rien du naufrage du nôtre
Si je ne dénonce jamais ce qui doit l’être
Si je n’oeuvre pas à déterminer la nature
Celle qui depuis toujours se termine
En des camps d’abominations
Des geôles de souffrances
Des guerres fratricides
*
Je m’en vais lisant et relisant Cervantes
Je puise en ces milliers de pages lues le pouvoir des mots
Je n’écris pas pour briller
Je n’écris pas pour caresser dans le sens du poil
Qui refuse de se lever et lutter
Mes mots
Q’ils vous déplaisent
Laissez les donc où ils sont
Ils ne sont pas pour vous
Ils ne cherchent pas l’édition ou la gloire
Devant un parterre de bourgeois écoutant ma parole comme celle d’évangile
Je vais avec Cervantes
Peut-être un peu Don Quichotte à ma manière
Je me bats contre les moulins qui parlent
Qui parlent
Qui parlent pour ne rien dire
Mes mots se font glaives pour trancher dans le vif
Les noeuds d’une forme totalitaire qui nous étouffe
Je laisse la parole au maître :
« Ne te lance pas si haut, respecte les vies d’autrui : en ce qui ne va ni vient, passer au large est sagesse. A ceux qui font les plaisants on rabattra le caquet. Épuise-toi les pupilles à conquérir juste gloire. Qui imprime des sottises, c’est à rente perpétuelle.
Dis-toi bien que c’est folie, lorsque le toit est de verre, de prendre des pierres en main pour les lancer au voisin. Laisse que l’homme de sens, dans les oeuvres qu’il compose, marche avec des pieds de plomb. Le barbouilleur qui publie pour distraire les donzelles chevauche des coquecigrues. »
Miguel Cervantes, Don Quichotte
Xavier Lainé
28 septembre 2023
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