Même pas drôle
Ce que tu écris
Alors je lis plus
J’ai besoin d’air
De quelque chose qui me ferait rire
Oublier les temps sombres
Qu’on ne me dise plus
La litanie des souffrances
La persistance des injustices
Qu’on ne m’en parle plus
Me voilà embringué
Dans la galerie des glaces
Où vont parler d’eux et de leur oeuvre
Ceux qu’on qualifie d’écrivains
Ceux qui le sont
Certes
Ils le sont
Parfois même écrivent très bien
Disent bien mieux que moi
Les tragédies
Les comédies
Avec un art d’être au monde
Dont je n’ai pas le mode d’emploi
Alors je retombe
Et de haut
Je tombe toujours de haut
Que voulez-vous
On tombe comme on peut
J’ai juste appris
Avec le temps
Mon ennemi
À ne point trop souffrir
À chacune de mes chutes
Je tombe
Mais comme beaucoup
Parfois ça fait mal
Et il y en a marre
De toujours tomber
Alors je vais et j’écoute
J’écoute et me dis
Que ne suis pas vraiment de ce monde
Avec mots qui tombent eux aussi
Mais toujours à plat
Toujours hors sujet
Comme au temps de mes rédactions scolaires
Qui me vouaient à cette spécialité
D’être hors sujet
J’écris
Qu’importe
Qu’importe quoi
Ou n’importe quoi
J’écris
J’écris pour ne pas crier
J’écris et je lis
« L’idée d'auteur a ouvert la voie au concept de propriété de ses propos. Les lois sur le copyright ont fait de la communication entre les gens une marchandise. On peut posséder ses pensées et ses mots, les autres devront payer pour les entendre. » (Jeremy Rifkin, Une nouvelle conscience pour un monde en crise, éditions Babel, 2011)
J’écris et me dis
Que mes mots sont du commun
D’une banalité à pleurer
Parfois à pleurer de rire
Tant la prétention d’écrire
Est un gonflement pathologique de soi
*
Veuillez donc m’excuser
De vivre dans un monde non désiré
Et d’en stigmatiser les travers
Dans le vain espoir
De vous voir enfin vous révolter
Car je ne pousse pas mes cris d’indignation
Pour vous inviter à rester devant vos écrans plats
Comme les cerveaux qu’ils vous veulent
Les pieds dans vos charentaises
Attendant en vain le jour J et l’heure H
De révolutions sans cesse rêvées
Mais jamais accomplies
Pardonnez-moi donc de laisser mes mots
Errer parmi les décombres
D’un monde contre lequel
Toute ma vie je me suis battu
Mais pas seulement par les mots
Ici et là les pavés gardent la mémoire
De mon pas joint à tant d’autres
Nous hurlions à qui voulait l’entendre
« Plus jamais ça »
Un ça qui hélas ne cesse de lorgner
Sur notre sommeil
Pour revenir sans crier gare
Xavier Lainé
24 septembre 2023
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