Bien sur je pourrais me battre
Aller avec mes pages à la main
Frapper aux portes d’éditeurs inconnus
Tenter de les persuader que ce qui est là
Contenu sur ces feuillets est une perle rare
Mais ce serait sans conviction
J’aurais dû être parmi vous
Amis qui depuis si longtemps acceptez
Republier dans vos pages
Mes mots creusés dans l’incertitude
Parfois dans le désespoir de vivre
Me voici tenu de renoncer
Amis
À partager avec vous ces précieux moments
Où l’imaginaire nous fait
Ne serait-ce qu’un instant
Écrivain
Je me sens si souvent
Écrit…vain
Sans vanité aucune
Ce que mes doigts tissent
Dans le blanc de la page
A si peu d’importance
Que la rage me prend parfois
D’en arrêter le cours
Mais voilà que cette rage déborde
Qu’au lieu de s’écouler sur un stade
Dans l’intensité d’un effort musculaire absurde
Elle revient encore et encore à la page
Même si c’est un silence pesant
Qui l’accueille
Écrire
Écrire encore et toujours
Ne voir que refermant les mots
Trouver refuge entre deux couvertures
Pour les réchauffer de la froidure du doute
Me voilà cloué au sol
Dans mon bureau envahi d’écrits
Que ma prose aux prétentions poétiques
Jamais ne saurait égaler
Celui écrit trempe le plus souvent
Sa plume à l’encre sympathique
D’une solitude absolue
Je vis dans un désert de la pensée et de l’action
Ici
Il n’est toujours bon bec que d’un ailleurs
On se contente de répéter ce que d’autres ont pensé et écrit
On voue un culte à ces « grands » écrivains
Qui ont su se tailler un chemin
Dans la jungle de la culture bourgeoise
Ici on vous fait vite comprendre
Qu’avoir la prétention de penser
Comme celle d’écrire ce que vous pensez
N’est digne que d’une condescendance
Sans même la compassion
On est très vite paria
En petit pays aux ruelles étroites
Où les pensées s’écoulent
Au caniveau des médias dominants
Je vis ici
M’y sent cloué
Trop vieux pour secouer
L’immobilisme d’une ville sans qualité
Où une fois par an
Les « professionnels » de l’écriture
Viennent faire leur rentrée
Puis s’en vont
Laissant les papiers gras
Et l’illusion éphémère
D’un possible
Ma ville est une prison à ciel ouvert
On vous y montre le ciel
Mais c’est pour mieux vous en interdire la vision
C’est un lieu où
Sauf à s’agiter pour faire « carnet d’adresse »
On peut crever en silence
Dans l’indifférence la plus notable
À défaut d’en avoir été un
Il ne me reste aujourd’hui
Qu’à laisser ma rage injuste
Affubler cette vie
Cette ville
De tous les noms d’oiseaux
À défaut de savoir y vivre sereinement
Xavier Lainé
17 septembre 2023
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