mardi 13 février 2024

Les années passent ! 21

 




Il se passe quelque chose dans le Landerneau des poètes

Il se passe quelque chose

Comme ils se passe les mêmes choses dans le quotidien banal des gens

Point de jours sans son racisme larvé

Point de jours sans invectives

Sans accusations plus ou moins fondées

Qu’un écrivain puisse user de ce lieu commun de la honte

Voilà qui devrait déjà nous interroger sur ce que devient ce pays

Les inhibitions levées les cerveaux en informations partiales se perdent

On se lève

On s’élève

Mais voilà quarante ans au moins que les pensées rances

Qui n’en sont pas mais relèvent du délit

Sont instrumentalisées par tristes sires accrocs à leur pouvoir

Quarante années que trop peu se sont élevés contre 

Que minoritaires sont ceux qui volent au secours des perdus en ce monde


Alors bien sûr s’élever contre des propos ignominieux

On peut vouloir défendre un sens noble à la poésie

Mais

Il faut bien constater que ses formes institutionnelles

Ne la défendent que très peu

Ou seulement tant qu’elle reste bien sage

Dans le Landerneau de la poésie officielle

Qui n’a rien à voir avec ces éclats

Qui circulent partout

Sous le manteau confidentiel

De réseaux à ce sujet presque sociaux


Rien à voir avec ce printemps vidé depuis longtemps

De ce qui en faisait le charme et l’enthousiasme

Une cérémonie de plus

Qui finit par ressembler étrangement 

À un enterrement

Dirigé désormais par les pensées rances

Alors le Landerneau des poètes se réveille de sa torpeur

On pétitionne

C’est fou ce qu’on pétitionne

Ce qu’on fait de révolution

Autour de son écran

En milliers de signatures

Dont les autorités se moquent


J’aurais pu signer si

J’aurais pu signer certes

Mais je ne m’y retrouve pas

Tant ma parole inédite et vouée aux limbes des réseaux

Ne trouve aucune sortie dans le milieu

D’une poésie qui parle 

Certes elle parle

Mais nul ne sait ce qu’elle dit

Tant elle ne se retrouve que dans l’entre-soi

Des poètes qui se proclament ainsi


« Je ne me prétends pas poète. Je crois ma vision fort commune. »

Écrivait Francis Ponge

C’est si difficile de vivre que se proclamer poète

La belle affaire

Et il ajoutait 

« J’ai besoin du magma poétique, mais pour m'en débarrasser.

Je désire violemment (et patiemment) en débarrasser l'esprit. »


C’est ainsi que la postérité pourrait en découvrir

Des poètes et non des moindres

Qui toute leur vie

N’auront fait que construire magnifiques oeuvres posthumes

Sans jamais parvenir à franchir les portes

Du Landerneau des poètes qui pétitionnent

Tandis que de partout monte le mufle hideux

Dont un est nommé « président » du printemps

Dont on se demande chaque jour

Si seulement il pourrait advenir

En nous allégeant du poids de nos compromissions


J’aurais pu signer mais quelque chose me retient

Un je ne sais quoi

Un n’importe quoi

Qui me rend difficile survie

En un pays qui ne cesse de se déchirer

Quand il nous faudrait nous ressaisir



Xavier Lainé

21 janvier 2024


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