Il se passe quelque chose dans le Landerneau des poètes
Il se passe quelque chose
Comme ils se passe les mêmes choses dans le quotidien banal des gens
Point de jours sans son racisme larvé
Point de jours sans invectives
Sans accusations plus ou moins fondées
Qu’un écrivain puisse user de ce lieu commun de la honte
Voilà qui devrait déjà nous interroger sur ce que devient ce pays
Les inhibitions levées les cerveaux en informations partiales se perdent
On se lève
On s’élève
Mais voilà quarante ans au moins que les pensées rances
Qui n’en sont pas mais relèvent du délit
Sont instrumentalisées par tristes sires accrocs à leur pouvoir
Quarante années que trop peu se sont élevés contre
Que minoritaires sont ceux qui volent au secours des perdus en ce monde
Alors bien sûr s’élever contre des propos ignominieux
On peut vouloir défendre un sens noble à la poésie
Mais
Il faut bien constater que ses formes institutionnelles
Ne la défendent que très peu
Ou seulement tant qu’elle reste bien sage
Dans le Landerneau de la poésie officielle
Qui n’a rien à voir avec ces éclats
Qui circulent partout
Sous le manteau confidentiel
De réseaux à ce sujet presque sociaux
Rien à voir avec ce printemps vidé depuis longtemps
De ce qui en faisait le charme et l’enthousiasme
Une cérémonie de plus
Qui finit par ressembler étrangement
À un enterrement
Dirigé désormais par les pensées rances
Alors le Landerneau des poètes se réveille de sa torpeur
On pétitionne
C’est fou ce qu’on pétitionne
Ce qu’on fait de révolution
Autour de son écran
En milliers de signatures
Dont les autorités se moquent
J’aurais pu signer si
J’aurais pu signer certes
Mais je ne m’y retrouve pas
Tant ma parole inédite et vouée aux limbes des réseaux
Ne trouve aucune sortie dans le milieu
D’une poésie qui parle
Certes elle parle
Mais nul ne sait ce qu’elle dit
Tant elle ne se retrouve que dans l’entre-soi
Des poètes qui se proclament ainsi
« Je ne me prétends pas poète. Je crois ma vision fort commune. »
Écrivait Francis Ponge
C’est si difficile de vivre que se proclamer poète
La belle affaire
Et il ajoutait
« J’ai besoin du magma poétique, mais pour m'en débarrasser.
Je désire violemment (et patiemment) en débarrasser l'esprit. »
C’est ainsi que la postérité pourrait en découvrir
Des poètes et non des moindres
Qui toute leur vie
N’auront fait que construire magnifiques oeuvres posthumes
Sans jamais parvenir à franchir les portes
Du Landerneau des poètes qui pétitionnent
Tandis que de partout monte le mufle hideux
Dont un est nommé « président » du printemps
Dont on se demande chaque jour
Si seulement il pourrait advenir
En nous allégeant du poids de nos compromissions
J’aurais pu signer mais quelque chose me retient
Un je ne sais quoi
Un n’importe quoi
Qui me rend difficile survie
En un pays qui ne cesse de se déchirer
Quand il nous faudrait nous ressaisir
Xavier Lainé
21 janvier 2024
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