vendredi 9 février 2024

Les années passent ! 17

 




Encore aurait-il fallu que j’eusse le temps

Celui de jeter au hasard des pages

Maigres mots en résonance

À la douleur du monde


J’ai lu Adania Shibli :

(Article paru dans Libération : Comment Faire Confiance Au Langage Lorsqu’il Vous Fait Souffrir ?)


« L’intérêt de la littérature n’est pas d’inciter au changement, mais à l’intimité, à la réflexion, de ramener les autres à nous-mêmes ; peut-être un espace pour considérer comment se relier à nous-mêmes et aux autres, dans la vie comme dans la douleur ; pour nous guider vers un mieux-vivre. »

« Soudain, j’ai compris pourquoi je ne pouvais, pendant toutes ces années d’écriture, me sentir proche uniquement de personnages sans visage et sans nom. Absence fascinante : quelle place pour les sans-nom, les nobodies, «ceux qui ne sont rien», peuvent-ils trouver dans la littérature, et quelle forme littéraire peuvent-ils inspirer ? »

« La générosité, le fait de s’effacer pour permettre à quelqu’un de prendre place, de trouver un refuge, c’est ce que j’ai appris de la littérature, comme probablement beaucoup d’autres. Pour moi, la littérature et l’éthique sont entremêlées depuis l’enfance. En arabe, le mot pour littérature et éthique est le même, adab. »

« Les écrivaines, et les femmes du Sud global en général, peuvent être, pour détourner les mots du poète Aimé Césaire, des tigresses qui rugissent quand il en va de ce qu’elles ont tant chéri au cours de leur vie. C’est ainsi qu’elles sont arrivées là où elles sont, en dépit des vents contraires et des difficultés rencontrées, et qu’elles ne se laissent pas impressionner par les gentils petits obstacles racistes dressés sur leur chemin par la mentalité et les comportements du Nord global. »

« La question de savoir si l’histoire dans un roman est réelle ou fictionnelle a autant de sens que de se demander si la table ou la chaise dans un roman sont réelles ou fictionnelles. Un roman fictionnel est un roman fictionnel, comme ses préoccupations. »

« En Palestine/Israël, on grandit en prenant conscience que le langage est plus qu’un outil à instrumentaliser pour raconter ou communiquer. Il peut être attaqué, brisé, malmené. La question est de savoir comment faire confiance au langage lorsqu’il vous fait souffrir, lorsqu’il vous abandonne et que vous devez faire face, seule, sans voix, à la cruauté. »

« Je me demande, non sans peur, à quoi le langage peut bien avoir accès de nos jours. La peur. »

« Je crains que nous n’arrivions jamais au point où l’on se retourne et où l’on se dit qu’aujourd’hui est meilleur qu’hier. »


Je lis et mes mots restent sans voix

Sur le bord de ce chemin. Creux où nous mènent 

Les tortionnaires de la langue et de la pensée


Xavier Lainé

17 janvier 2024



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