Procol Harum dans le poste
C’était un autre été
Un été de mémoire
On allait chercher le lait à la ferme
Avec la crème on faisait biscuits pour le quatre heure
Procol Harum dans le poste
A whiter shade of pale
J’arrivais d’un pays de lumière
La ville qui m’accueillait était sombre
C’était un autre été sur la Terre
Loin des autoroutes tarifées
Le Beat débarquait dans nos oreilles
Nos vies n’étaient pas encore sous contrôle
Je n’avais pas encore lu 1984
J’avais dix ans et des rêves plein les yeux
Les étés sur la Terre n’ont fait que passer
Les rêves sont restés
Les temps ont changé
On ne déterre plus les pavés
Ou alors de façon si éphémère
Les rêves sont restés
Rêve-t-on encore
Je ne sais
La nuit du 4 août est passée
Les privilèges demeurent
Les pavés ne bougent plus
Seul les désespoirs parfois
Font sortir de leurs gonds
Les portes verrouillées
De l’auto-contrôle
Par pure convenance
L’apparence privilégiée
Plus rien n’est sauf
Sauf la fortune
D’une poignée d’individus
Sans foi ni loi
Usant de leurs privilèges
Abusant de leur pouvoir
La nuit du 4 août
Procol Harum imité sur la place
Le poste devenu muet
On juxtapose les images
De nos détresses
De nos soumissions
Sur le puzzle déglingué
De réseaux asociaux
Nos rêves liquéfiés
Sous l’ardeur
D’un été sur la Terre
Devenue aussi folle
Que les humains qui la détruisent
*
Un jour d’été sur Terre j’ai rencontré
Un écolo à vélo qui carburait au lithium
Un commerçant désemparé sans électricité
Des musiciens de rue qui jouaient à la volée
Sans que personne ne s’arrête pour écouter
Un jour d’été sur Terre j’ai ouvert ma porte
À des souvenirs qui ne demandaient qu’à venir
S’inviter à la table du dimanche
Histoire de renouer les liens desserrés
Le tissu de la vie est si capricieux
Que parfois sans même un lavage
Il se distend mais jamais ne se rompt
Un jour d’été sur Terre je suis rentré
Me suis heurté à des attentes si peu cordiales
Que mon coeur en est resté meurtri
Venu se réfugier devant la page blanche
Il se prend à rêver à ce qui semble endormi
Un jour d’été sur Terre
Ne pas céder sous les assauts du désespoir
*
C’est l’été sur la Terre
Me voilà devant la somme des tâches
Demeurées en jachère
La faute au temps
Toujours trop court
Ne sais par quel bout prendre
Cet amas de papiers
De livres et de revues
De mots jetés comme ils viennent
Sur d’obscurs papiers
De livides écrans
C’est l’été sur Terre
La vacance est une béance
Ouverte sous les doigts qui s’acharnent
Sur le clavier des pensées
*
Moujik
Tu hantes la ville
Barbe hirsute
Spectateur muet
Moujik
Te rencontrer c’est vivre
Un été hors temps
Un brutal retour arrière
En des temps d’esclavage
Moujik
Tu passes silencieux
Dans l’ombre crépusculaire
Nul ne sait qui tu es
Ombre parmi les ombres
Fantôme d’un passé révolu
Xavier Lainé
5 août 2023
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