Même pas de quoi
Même pas de quoi mouiller la chaussée
Arrêter le trafic
Le véhicule qui chaque nuit
Tourne en hurlant
De toute la puissance de son moteur
Même pas de quoi
Décroiser les volets
Pour accueillir le gris
D’un ciel d’été hésitant
Même pas de quoi
Même pas mal
Même pas
Bien que
Même pas mal
Serait faux dire
Car sauf à m’en extraire
Il y a douleur de vivre
Lorsque l’Autre avec un grand A
Semble si difficile à comprendre
Mais peut-être
Est-ce miroir de mon âme tourmentée
Que l’Autre avec un grand A
Tend devant mon regard
Comme piège à mouche
Pour mes pensées en désordre
Même pas de quoi
Même pas mal
Même pas
Cependant s’étonner
De vivre un jour de plus
D’un été sur la Terre
Blotti en multiples indifférences
*
Je redécouvre Apollinaire.
Me délecte en ses alcools de mots.
Je sors de poèmes battus.
Lis avec plaisir les zones laissées dans la marge de la célébrité.
Etrange goût qui signe l’emprise : les poèmes que l’on me fit apprendre et réciter sont d’un formalisme profondément ennuyeux.
La « norme » est à l’unisson des petits esprits qui ne sèment qu’indigence où l’on devrait trouver les ferments créatifs de la révolte.
Un été sur la Terre : dans la torpeur orageuse les livres succèdent aux livres.
Leur compagnie est bien plus aimable que toutes les autres.
*
Parfois je voudrais savoir
Pirater les vies
M’en approprier les codes
Avoir le choix
Changer de vie
Comme on change d’amour
Parfois je voudrais hisser
Le drapeau noir à tête de mort
Partir à la recherche d’une île
Où viendraient s’échouer
Par les feux de nuit sur la rive
Toutes les richesses
Que je laisserais aux requins
Je piraterai la beauté
Hacker invétéré des amours à la dérive
Je serai le plus redouté des corsaires
Errant entre deux eaux
Entre deux rives
Libérant de la gangue convenue
Toutes les folies de la création
*
Toutes ces vies qui se juxtaposent
Sans jamais se rencontrer
Chacun y allant de ses petites gloires
Déposant au vu de tous ses ultimes conquêtes
Vitupérant ici contre les incivilités des uns
Les inconséquences des autres
Toutes ces vies sous auto-surveillance
Qui savent au bon moment dégainer la capote
Pour se protéger de l’autre et de ses fougueux désirs
Toutes ces vies d’un été sur Terre
Qui se montrent en maillot de bain
Rayonnantes d’un bonheur vite évanoui
Étrange puzzle sous mes yeux ahuris
Dans mon esprit nostalgique d’un autre temps
Où la vie allait de son pas sans détours
Libre de s’habiller ou pas sans regard courroucé
Libre d’embrasser d’étreindre sans peur au ventre
D’avoir commis l’acte irréparable d’un outrage
Aux normes d’un temps sans qualités
Chacun pose sa petite vie
S’imaginant atteindre le hors commun
Tellement hors commun
Que c’en est naufrage
Pour notre humanité commune
Xavier Lainé
3 août 2023
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